Le 20 mars, à Paris :

Le Comité Central choisit d’organiser des élections municipales au plus vite. Il veut s’assurer l’aval des représentants de la capitale, maires d’arrondissements élus en novembre 1870.

Sur le plan militaire, le Comité prends ses précautions, il fait procéder à l’occupation des forts du Sud, Ivry, Bicêtre, Montrouge, Vanves, Issy – les Prussiens tiennent encore tous les forts de l’Est, sauf le fort de Vincennes. Paris pourra se défendre.

Carte de Paris et alentours prussienne de 1871 (source : gallica.bnf.fr)
Carte de Paris et alentours prussienne de 1871 (source : gallica.bnf.fr)

Mais on a négligé de s’assurer de la citadelle du Mont-Valérien, position décisive qui couvre les flancs sud et ouest de la capitale, ou bien à l’inverse, interdit la route de Versailles. Pendant 36 heures, l’imprenable forteresse était restée vide. Ce fut pour La Commune une erreur stratégique.

Les représentants de 28 journaux favorables à Versailles, réunis par Guéroult dans les bureaux de L’Opinion nationale, décident d’appeler les Parisiens à la résistance en leur adressant une déclaration commune contre les élections municipales prévues pour le surlendemain.

Il ne vient pas à l’idée au Comité Central d’interdire les journaux qui le combattent. La « dictature » n’est pas aussi impitoyable que Maxime Du Camp le prétend,

Les parlementaires à Versailles - Château de Versailles
Les parlementaires à Versailles - Château de Versailles

 

Le 20 mars à Versailles :

À la grand-messe, on a prié pour que Dieu conserve M. Thiers à la France, et Edmond de Goncourt a pris son journal à témoin de « son immense fatigue d’être français ». Avant la fin de la journée, les derniers ministres rallient le refuge versaillais.

L’Assemblée nationale reprend sa session dans une atmosphère funèbre.

Dès la première séance de l’Assemblée à Versailles, les représentants de la Seine interviennent en faveur des parisiens. Bravant l’hostilité bruyante de la majorité, Clémenceau demande que l’Assemblée accepte, sans délai, l’élection d’un conseil municipal de Paris et celles des officiers de la Garde Nationale. Tirard et Lockroy le soutiennent.

À l’issue d’un débat tumultueux, leur proposition est prise en considération.

Députés et Généraux supplient M. Thiers de faire récupérer le Mont-Valérien. Il refuse opiniâtrement, soutenant que ce fort n’a aucune valeur stratégique. Vinoy harcelé par les députés parvient à lui arracher l’ordre de le reprendre.

Affiche de la Fédération républicaine de la Garde nationale de Paris du 21 mars 1871 (source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr)
Affiche de la Fédération républicaine de la Garde nationale de Paris du 21 mars 1871 (source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr)

 

 

Le 21 mars à Paris :

Le texte suivant paraît dans Le Siècle, l’Electeur libre, Le National, La Cloche, le Journal des Débats, Le Constitutionnel, Le Figaro, Le Gaulois, Le Pays, La Presse, La Liberté, Paris-Journal, Le Français, L’Univers, etc. :

Attendu que la convocation des électeurs est un acte de souveraineté nationale ;

Que l’exercice de cette souveraineté n’appartient qu’aux pouvoirs émanés du suffrage universel ; Que par la suite, le Comité qui s’est installé à l’Hôtel de Ville n’a ni droit ni qualité pour faire cette convocation ;

Les représentants des journaux sousignés considèrent la convocation affichée pour le 22 courant comme nulle et non avenue, et engagent les électeurs à n’en pas tenir compte.

Affiche versaillaise de Thiers du 21 mars 1871 (source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr)
Affiche versaillaise de Thiers du 21 mars 1871 (source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr)

 

Le 21 mars à Versailles :

Une colonne est expédiée et à midi, un millier de soldats occupe la forteresse commandée par le général Noël.

Au moment du vote sur une proclamation au peuple et à l’armée, soumise la veille à l’Assemblée par Jules de Lasteyrie, Peyrat déclenche un vacarme épouvantable en insistant que le texte se termine par « Vive la République ! », ce qui lui vaut d’être accusé de sympathies coupables à l’égard des rouges et des partisans de la Commune.

Il souhaite à la fois donner aux insurgés la satisfaction de voir confirmer la République et rassurer les députés de la majorité sur le légalisme des républicains, d’accord pour dire avec eux aux citoyens et aux soldats :

Nous sommes vos représentant et vos seuls mandataires c’est par nous, c’est en votre nom que la moindre parcelle de notre sol doit être gouvernée.

Clemenceau et Tolain appuyés par d’autres députés parisiens, Schoëlcher, Languois, Brisson, soulignent également leur fidélité à la représentation nationale, tout en revenant à la charge sur la nécessité de légaliser les élections municipales à Paris, afin d’éviter la guerre civile. Mais ils ne réussissent pas à convaincre l’Assemblée, ni les membres du gouvernement.

Peut-être, jusqu’au dernier moment, une entente avec le gouvernement eût-elle été possible.

Thiers, sur un ton ferme, expose clairement sa politique. Il envisage une solution de force, subordonnée à la reconstitution de l’armée régulière :

Nous viendrons au secours de Paris quand nous le pourrons. Au demeurant, il ne servirait à rien de se hâter, car aucune concession législative ne pourrait désarmer les fédérés : Je vous mets au défi, lance t-il aux conciliateurs, de faire un projet de loi que ces gens-là acceptent ! .

Jules Fabre intervient dans le même sens, mais avec plus de virulence. Il rejette l’idée de placer la République, dont il est partisan, au dessus du suffrage universel. Il s’indigne que Paris ait la « singulière prétention de vivre seul et de se séparer de ce qu’il appelle la Province, les ruraux comme on le dit. »

Il dénonce l’autonomie comme un leurre pour la capitale :

Une commune libre, c’est la servitude directe.

Il demande pardon à « Dieu et aux hommes » d’avoir commis l’erreur de s’opposer au désarmement de la Garde nationale par les Prussiens victorieux. Et, après avoir déploré la domination sur Paris de « cette tourbe impure, qui contient tant d’éléments détestables », il adjure la Garde Nationale de se racheter en écoutant la voix de l’Assemblée et en faisant « justice enfin des misérables qui oppriment la capitale ». Il termine sur une déclaration de guerre à Paris, de guerre civile :

Que l’émeute le sache bien, si l’Assemblée est à Versailles, c’est avec l’esprit de retour pour combattre l’émeute et la combattre résolument.

Les évènements des 21 et 22 mars à Paris stimulent les velléités belliqueuses de la majorité gouvernementale.

Affiche de Versailles signée Thiers du  22 mars 1871 (source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr)
Affiche de Versailles signée Thiers du  22 mars 1871 (source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr)

 

Le 22 mars à Versailles :

L’assemblée rejette, l’idée d’un statut municipal privilégié de la capitale.

 

 

Les textes proposés sont extraits des ouvrages suivants :

- Paris Insurgé – La Commune de 1871 de Jacques Rougerie

- Extrait des « Enigmes de la guerre de 70 et de la Commune. Tome 3 La Commune. Édition de Crémille, Genève 1970 »

- La Commune de Paris de William Serman

- Histoire de La Commune de 1871 de Prosper-Olivier Lissagaray

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