c’est Julien Blaine, un grand type sympathique, artiste et poète, qui le dit lorsque je lui demande pourquoi il a rendu hommage à Gustave Courbet lors de sa récente exposition à la galerie Lara Vincy à Paris, «  L’origine de l’origine  ». Suite à une visite au musée d’Ornans, c’est d’abord le paysagiste qui retient son attention.

Il cite Courbet :

« Pour peindre un pays, il faut le connaître. Moi, je connais mon pays, je le peins. Ces sous-bois, c’est chez moi, cette rivière, c’est la Loue, celle-ci le Lison ; ces rochers, ce sont ceux d’Ornans et du Puits noir. Allez-y voir, et vous reconnaîtrez tous mes tableaux. »

carton invitation Courbet
Carton d’invitation exposition Courbet - du 10 au 28 février 2017 à la galerie Lara Vincy, 47 rue de Seine, 75006.

 

Impressionné, il le paraphrase avec distance en transposant le sujet sur la femme, ce qui donne :

«  Pour peindre une femme, il faut la connaître. Moi, je connais cette femme, je la peins. Ses cuisses, c’est chez moi, cette rivière, c’est l’origine du monde, celle-ci sa toison ; ces rondeurs, ce sont celles de son ventre et de ses seins. Allez-y voir, et vous reconnaîtrez tous mes tableaux.  »

L’anthropomorphisme, conscient ou non, du regard sur le paysage est une chose courante, en particulier dans les anciennes civilisations, et le grand poète Pablo Neruda ne craint pas d’utiliser l’image de la femme comme terre fertile. Ce qui peut prêter à sourire d’un point de vue féministe, mais semble touchant comme point de vue sur la maternité.

Dès l’entrée de l’exposition de Julien Blaine, on est accueilli par une reproduction de L’Origine du monde, le célèbre tableau qui est au musée d’Orsay ce que La Joconde est au Louvre, les deux œuvres suscitant autant l’admiration que l’agression dans notre société de consommation de l’art.

Devant, un prie-Dieu du XIXe siècle nous invite au respect ou au blasphème, au choix. C’est le moment de rappeler qu’une reproduction du tableau de Léonard de Vinci avait été profanée d’une fine paire de moustaches par Marcel Duchamp. Dans son sillage, Julien Blaine, halluciné par ce qu’il voit, découvre que le corps un peu gonflé, offert à la gourmandise, est composé de quatre pommes de terre !

Il s’ensuit alors dans l’exposition toute une variation sur cette racine populaire et appétissante : tas de pommes de terre rouges et blanches dans un joli petit cageot en vitrine, photo d’un étal de marché à l’écriteau «  Pomme de terre Mona-Lisa  », 0.90 euros le kg, dessins de détails et textes d’accompagnement. Car Julien Blaine réagit aussi en poète, ses titres d’expositions passées le prouvent :

« Avant de se faire encadrer  », « Variations autour de la haine ordinaire », « L’aurignacien contemporain », «  Ni vieux ni traître  », « Faire l’âne et faire le zèbre  », etc...

Il joue avec et sur les mots avec une grande sûreté et ne s’y fait pas prendre. Finalement, son indépendance et son insolence sont bien dignes de Gustave Courbet qui en son temps avait refusé la Légion d’honneur au risque de sa vie.

EUGÉNIE DUBREUIL

L’exposition de Julien Blaine, « L’origine de l’origine. Hommage à Gustave Courbet », a été présentée du 10 au 28 février 2017 à la galerie Lara Vincy, 47 rue de Seine, 75006.

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