Marie, Alexandrine Spinoy est née le 4 juin 1850 à Rouen. Elle est la fille de Jean-Louis Pierre et de Scolastique Adam et la demi-soeur d'Adolphe Spinoy, sans profession.

 

Marie, Alexandrine Spinoy (1850-1933) - Photographie Appert ( CC0 Paris Musées, Musée Carnavalet - Histoire de Paris)
Marie, Alexandrine Spinoy (1850-1933) - Photographie Appert ( CC0 Paris Musées, Musée Carnavalet - Histoire de Paris)

Le 10 octobre 1866, à l'âge de seize ans, elle épouse Alexandre Leroy, soldat cuirassier en gar­nison à Rouen, qui décède le 5 décembre 1867 à Boussois. Le commissaire de police de Rouen la décrit comme ayant

« un caractère extravagant, fantasque, qu'a dû surexciter encore la passion des romans feuilletons ; intelligente et femme d'éner­gie, qui a vécu dans l'inconduite avant son mariage et a été simultanément, depuis son veuvage, la maîtresse de plusieurs individus dont les lettres sont au dossier » (Rapport à la commission des grâces, 7 mai 1872) (1)

Elle quitte Rouen en 1868 pour se rendre à Paris où elle est condamnée à un mois de prison pour vol le 23 septembre 1868.

Au cours du siège, elle fréquente le club du Pré-aux-Clercs où elle rencontre Raoul Urbain (1837-1902), originaire de Condé-sur-Noireau, dans le Calvados, qui deviendra membre de la Commune après son élection, dans le VIIe arrondissement, le 26 mars 1871.

Pendant la Commune, Marie Leroy participe au Comité des Dames qui s'occupe des orphelinats de la Garde nationale de Paris. Un rapport de police signale par ailleurs que

« Mme Leroy fait opérer des perquisitions et des réquisitions dans les maisons religieuses. Douée d'énergie pour le mal, on peut la considérer comme l'auteur principal des illégalités commises dans le VIIe arrondissement ». (2)

Elle est également soupçonnée d'avoir exercé son influence sur Raoul Urbain, à propos des otages détenus par la Commune, dont Mgr Darboy, arche­vêque de Paris. Le décret sur les otages avait été voté par l'assemblée de la Commune le 5 avril, suite à la proposition de Charles Delescluze. (3) À plusieurs reprises dans ses différentes interven­tions, Raoul Urbain demanda l'exécution des otages pour venger « les assassinats commis par les versaillais ». L'influence de Marie Leroy sur ces interventions n'a jamais été établie et il semble qu'il s'agirait d'une calomnie consécutive à une liaison entre Marie Leroy et Barral de Montaud. Ce dernier, après avoir gagné la confiance de Raoul Urbain, fut nommé par lui chef d'état-major de la 7e légion. Chargé d'une mission à remplir, Barral de Montaud était porteur d'un sauf-conduit de Thiers et était un espion versaillais. Ce serait donc lui qui aurait influencé Raoul Urbain avec pour objectif de provoquer, sur la question des otages, une division au sein de la Commune, pour l'affaiblir, ce qui se produisit avec les démissions de Ranc, Goupil, et Lefèvre. Ce que Marie Leroy ignorait. (4)

Urbain Raoul (1837-1902). Instituteur et membre de la Commune (ami de Marie Leroy), il approuve la destruction de la colonne Vendôme et de la maison de Thiers. Il fut condamné à la déportation en Nouvelle Calédonie. - Photographie Appert (CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris)
Urbain Raoul (1837-1902). Instituteur et membre de la Commune (ami de Marie Leroy), il approuve la destruction de la colonne Vendôme et de la maison de Thiers. Il fut condamné à la déportation en Nouvelle Calédonie. - Photographie Appert (CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris)

Pendant la Semaine sanglante, le 26 mai, Barral de Montaud procura un abri à Raoul Urbain et Marie Leroy, mais le commissaire de police qui faisait surveiller leur ancienne maison au 19 rue Monge, arrêta une jeune femme qui venait y cher­cher du linge et qui le conduisit à la chambre où s'étaient réfugiés Marie Leroy, Raoul Urbain et son fils. Arrêtée, elle est emprisonnée à la prison des Chantiers de Versailles. Les femmes cou­chaient sur le plancher et ne pouvaient pas chan­ger de linge, ayant pour seule nourriture une boîte de conserves pour quatre. (5)

Au moindre bruit, les gardes se précipitaient sur elles et les frappaient de préférence aux seins... les protesta­tions de femmes de la Commune furent punies de coups de corde... toutes les prisonnières furent soumises à la "visite" . (6)

Marie Leroy est ensuite transférée à la prison d'Auberive. « Les salles sont grandes et sonores, l'aspect est celui d'une demeure de rêve, hantée des morts » (7) écrit Louise Michel, elle aussi transférée à la prison d'Auberive.

Le 18 septembre 1872, Marie Leroy est condam­née par le 3e conseil de guerre à la déportation simple en Nouvelle-Calédonie pour sa participa­tion à l'insurrection parisienne et le rôle qu'elle y eut. Le 10 août 1873, à six heures du matin, les femmes sont appelées pour le voyage de la déportation. Elles sont dix-huit : Marie Leroy, Louise Michel, Nathalie Lemel, Marie Cailleux, Elisabeth Deguy, Adèle Desfossés, Sidonie Louis, Philiberte Bail, Jeanne Taillefer, Marie Theron, Louise Leblanc, Adélaïde Germain, Marie Orlowska, Eugénie Bruteau, Marie Broum, Marie Smith, Victorine Gorget, Marie Magnan.

C'est dans une voiture cellulaire qu'elles sont conduites jusqu'à La Rochelle. (8) Le 10 août 1873, la frégate la Virginie quitte l’île d’Aix pour la Nouvelle-Calédonie avec 167 condamnés, 144 hommes et 23 femmes. À bord, les femmes ont un hamac, elles ont reçu comme trousseau deux jupons, une robe d'indienne et un bonnet. Le scorbut fait des ravages et beaucoup de déportés souffrent du mal de mer. Après 120 jours de navi­gation, la frégate la Virginie arrive à Nouméa le 8 décembre 1873.

Marie Leroy est envoyée à la presqu'île Ducos avec Marie Testot, Marie Cailleux, Elisabeth Deguy, Adèle Desfossés, Nathalie Lemel, Louise Michel, Sidonie Louis, Jeanne Taillefer. Elles seront logées dans le camp de Numbo puis trans­férées à l'anse Ouest qui deviendra la Baie des Dames.

Au camp de Numbo, toutes les femmes vivent ensemble mais, après l'évasion d'Henri Rochefort, elles sont séparées les unes des autres. Marie Leroy qui travaille comme couturière à Nouméa, doit, à la suite de cette évasion, reve­nir à la presqu'île Ducos sur décision adminis­trative ; elle est en outre privée de ration ali­mentaire ainsi que Marie Cailleux et Elisabeth Deguy sous le prétexte qu'elles « laissent à désirer sous le rapport de la conduite et de la moralité », ce que Louise Michel dénoncera. (9) Le 11 décembre 1874, Marie Leroy épouse Jean-Jacques Nair, originaire de Belgique. Ensuite, elle ne donne lieu à aucune plainte.

Après la mort de son époux en février 1877, elle se remarie le 7 février 1878 avec Isidore Duvergier et travaille comme comptable chez un charcutier à Nouméa. Sa peine est commuée le 15 novembre 1879 en cinq années de ban­nissement ; elle rentre en France sur la frégate le Navarin. Il est dit d'elle en 1880 qu'elle est de

« bonne moralité et qu'elle vit en bonne intel­ligence avec son mari, déporté gracié ».

Elle meurt à Paris, dans le Xe arrondissement, le 11 janvier 1933.

GÉRALD DITTMAR

 

Notes

(1) Archives Nationales, BB 24/743, n° 2824 et H colonies 101.

(2) Ibid.

(3) Georges Bourgin, Procès-verbaux de la Commune de 1871, Ernest Leroux éditeur, Paris, 1924. Rééd. Ressouvenances, Coeuvres-et-Valsery, 2002, p 125.

(4) La Commune de 1871, sous la direction de Jean Bruhat, Jean Dautry et Emile Tersen, Éditions Sociales, 2e édition 1970, p. 233 et Georges Bourgin, La Commune 1870-1871, Flammarion, Paris, 1971, p. 317.

(5) Louise Michel, La Commune. Histoire et souvenirs, La Découverte, Paris, 1999, p. 265.

(6) Prosper Olivier Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871, Éditions du Détour, Paris, 2018, p. 460.

(7) Louise Michel, op. cit., p. 300.

(8) Ibid., p. 303.

(9) Jean Baronnet et Jean Chalou, Communards en Nouvelle-Calédonie, Mercure de France. Paris, 1987, p. 120-122, 158, 246, 247.

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