De quel espace habitable jouissent les travailleurs parisiens à la veille de la Commune ? Les conditions de logement sont celles héritées du Second empire.
Les plus favorisés occupent deux pièces ; dans la première est installé un coin cuisine de 1m2, l’autre pièce est une très petite chambre à coucher. Les ouvriers non qualifiés s’entassent avec leur famille dans un étroit cabinet sans eau ni sanitaires.
L’augmentation du salaire de l’ouvrier entre 1855 et 1869 est très en deçà du coût de la vie. Les prix des denrées alimentaires et des loyers sont exorbitants, plus du double des prix d’autrefois. Une chambre et un cabinet, rue Grégoire-de-Tours, qui valaient 100 F en 1848 en valent 260 en 1866. Une chambre rue Saint- Martin est passée de 160 à 400 F. Un cabinet rue de la Grande-Truanderie de 80 à 260 F...
La transformation de la capitale en cité moderne par Haussmann a entraîné la démolition des constructions anciennes. Les immeubles nouveaux ne sont pas accessibles aux prolétaires qui doivent s’installer dans les quartiers périphériques éloignés du centre ville.
Un industriel fouriériste, Jean-Baptiste Godin, a eu l’idée philanthropique de faire construire, en 1859, un bâtiment à Guise (Aisne) pour loger les ouvriers de son usine. Dans ce palais de l’utopie sociale, « le Familistère », habitaient les familles des ouvriers, des cadres et des dirigeants. Par souci égalitaire, ces appartements étaient tous identiques et d’un confort remarquable pour l’époque. Dans des salles communes, existaient des services sociaux et culturels : lavoir, pouponnière, école laïque, bibliothèque, théâtre et même une piscine. Cette coopération du capital et du travail était conçue pour une petite communauté et l’expérience ne pouvait être étendue aux grands ensembles industriels des villes importantes ; en outre, son inspiration paternaliste finit par causer sa disparition.
La chute du Second empire ne changea pas la vie des classes laborieuses. Les souffrances et les privations résultant du siège de Paris par les Prussiens sont aggravées par les mesures impopulaires du gouvernement de Monsieur Thiers. Le 15 février 1871, l’Assemblée nationale supprime la solde de 30 sous des gardes nationaux. Le 10 mars 1871, le moratoire des loyers institué lors de l’investissement de la capitale est abrogé.
La colère gronde dans le peuple parisien et l’on peut comprendre que la Commune soit bien accueillie lorsqu’elle décrète, le 29 mars 1871, la remise générale des loyers d’octobre 1870, de janvier et d’avril 1871. Les citoyens menacés de saisies et d’expulsions vont pouvoir respirer et défendre la Commune jusqu’au bout.
Les 25 avril 1871, le décret de réquisition des appartements vacants permettra l’hébergement des familles dont les maisons ont été détruites par les bombardements. Ces deux décrets donnent lieu à la création de commissions municipales chargées de régler les différends qui peuvent surgir entre les propriétaires et les locataires. Ces mêmes commissions assurent l’installation dans les appartements vacants des personnes privées de toit.
Au XXIe siècle, nos dirigeants veulent éloigner davantage les travailleurs de Paris afin de favoriser la fraction bourgeoise de la population, moins sensible aux injustices sociales. Cette politique peut se développer en raison de la hausse des loyers qui chasse de Paris les foyers modestes et les jeunes couples condamnés à l’exil dans des banlieues lointaines (transports coûteux, temps perdu et fatigue).
Les travailleurs émigrés, et particulièrement « les sans-papiers » plus vulnérables, logent dans des taudis insalubres où les normes de sécurité ne sont pas respectées. Ils sont rançonnés par des propriétaires peu scrupuleux. Il est inadmissible que des SDF soient obligés de camper le long du canal Saint-Martin et dans les rues pour faire reconnaître leurs droits alors que des immeubles appartenant à des groupes financiers importants restent vacants depuis des années. Comme au temps de la Commune, la réquisition s’impose.
Tout être humain a droit à un logement décent et à un prix raisonnable.
MARCEL CERF