L’Église s’était liée à l’Empire grâce à la loi Falloux du 15 mars 1850 multipliant le nombre des écoles catholiques pour mieux contrôler l’instruction «publique». Après la fermeture des Ateliers nationaux du même Falloux, la répression devenait totale, policière et intellectuelle. Ce qui fut beaucoup pour l’anticléricalisme croissant dans les milieux socialistes et républicains, traits marquants de la Commune de Paris.

Napoléon III fit intégrer Monseigneur Darboy dans le Conseil impérial de l’Instruction « publique » en 1860. Archevêque de Paris en 1863, ce dernier milita pour fonder un néo-gallicanisme réclamant à la papauté une reconnaissance d’une certaine indépendance à l’Église de France, sauf dans le domaine spirituel. Les actes suivirent : refus de se rendre à Rome pour y être ramené à la raison, adhérer sans retenue à la politique italienne de Napoléon III favorisant l’annexion de l’Italie centrale par le Piémont (1) (le Saint-Siège se voyant réduit à Rome), enfin élection de Monseigneur Darboy... au Sénat. (2)

Le durcissement de la papauté se termina par l’encyclique « Syllabus » du pape Pie IX prônant le dogme de l’infaillibilité du pape. L’archevêque de Paris pensa le moment venu de récupérer la mainmise sur l’épiscopat français afin de nommer les évêques.

À la base, les catholiques français opposés à la politique antipapale de Napoléon III développèrent le culte du Sacré-Cœur du Christ (3)

« qui a le mieux aimé Dieu et l’humanité... »,

« les Chrétiens appartiennent au Corps du Christ, ils doivent offrir leur travail quotidien et communier aux intentions des pêcheurs... ». (4)

Affiche de la Commune de Paris N° 59 du 3 avril 1871 - Séparation des Églises et de l'État (source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr)
Affiche de la Commune de Paris N° 59 du 3 avril 1871 - Séparation des Églises et de l'État (source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr)

À l’inverse la Commune de Paris, considérant que le premier des principes est la liberté, que la liberté de conscience est la première des libertés, que le budget du culte est contraire aux principes puisqu’il impose les citoyens contre leur foi, décrète le 2 avril 1871 que : 

1. l’Église est séparée de l’État ; 

2. le budget des cultes est supprimé ; 

3. les biens appartenant aux congrégations religieuses sont déclarés propriété nationale... 

Louis Auguste Blanqui (1805-1881), vers 1871
Louis Auguste Blanqui (1805-1881), vers 1871

Ces décisions n’eurent pas le temps d’être réalisées, mais virent le jour partiellement après 1905. Pour comprendre la philosophie de la Commune, il faut se référer à la pensée d’Auguste Blanqui (enfermé durant trente-quatre ans,) qui considère que le spiritualisme est la source de l’oppression, l’instrument par excellence de la tyrannie ou pour le moins du conservatisme, le mot « Dieu » interdisant toute explication, donc tout progrès. L’humanité, selon lui, dispose à l’origine de deux richesses : l’intelligence et le travail pour agir sur le sol, élément passif. Cependant la division du travail a suscité la monnaie d’où est sorti le capital qui par la ruse et la violence, a capté la propriété du sol et, par voie de conséquence les produits du travail et de l’intelligence. La situation de l’ouvrier est pire que celle de l’esclave puisque sa mort n’est pas une perte, étant donné qu’il y a toujours concurrence pour le remplacer. La religion en privilégiant la charité sur la justice, la foi sur la connaissance sera toujours du côté des oppresseurs. Jacques Rougerie, dans « Paris insurgé » (Édition découvertes Gallimard), cite l’abbé François Courtade, prêtre des pauvres, déclarant «le nombre des ouvriers qui meurent sans avoir reçu les dernières bénédictions est bien plus considérable que le nombre de ceux qui meurent après les avoir reçues (...), la population de Paris est en train de devenir athée».

Philippe Lépaulard

À lire et relire le « Dictionnaire de la Commune » de Bernard Noël, Éditions Mémoire du Livre.

Notes

(1) Le compositeur Giuseppe Verdi écrivit dans une ferveur patriotique en 1867 l’opéra « Don Carlos » pour fustiger le rôle du Vatican lorsque par analogie le roi Philippe II d’Espagne fit emmurer vivant son fils qui refusait de se battre en pays batave protestant pour défendre la SainteCroix Catholique.

(2) L’engagement de Monseigneur Darboy lui colla à la robe et fut une aubaine pour M. Thiers.

(3) Le bon général Franco tira les leçons de l’élégie du SacréCœur en décidant la mort du communiste Julien Grimau, prisonnier depuis 1936 et qui fut exécuté par la méthode du «garrot», vingt ans après, bien qu’atteint d’une tuberculose en phase terminale.

(4) En 2004, le même Vatican discrédite jusqu’à son échec final le référendum sur la légalisation de la procréation médicale assistée destinée à traiter les couples (parfois catholiques) en souffrance de parentalité. Le laboratoire du médecin n’est pas un lieu de culte. La libido chassée théologiquement réapparaît dans le regard du censeur.

Dernières publications sur le site