Figure de la Commune, membre actif du mouvement ouvrier et socialiste

Jean Allemane, né en 1843 à Sauveterre-de-Comminges, en Haute-Garonne, arrive à Paris avec ses parents en 1853. Ouvrier typographe, il est emprisonné à l’âge de 18 ans pour avoir participé à une grève. Il prendra ensuite une part active à l’organisation du syndicat des typographes.

Jean Allemane (1843-1935) en 1906
Jean Allemane (1843-1935) en 1906

Le citoyen engagé

Lorsque surviennent les événements de 1870-1871, Allemane vit dans le Ve arrondissement,14 rue Maître-Albert, où il tient avec sa mère un débit de vins. Patriote, il s’engage pendant le siège de Paris dans le 59e bataillon de la Garde nationale et participe, comme délégué de son arrondissement, à la création du Comité central de la Garde nationale, le 15 mars 1871.
Il se signale pour la première fois quelques jours avant le 18 mars. Le gouverneur militaire de Paris ayant donné l’ordre de s’emparer des canons de la Garde nationale entreposés place des Vosges, Allemane provoque un incident, reprend le canon du 59e bataillon qui avait été remisé à l’École polytechnique et, avec quelque 2 000 gardes, le ramène place des Vosges.

Le communard

Lorsque le 18 mars, vers 5 heures du matin, il apprend le coup de force des Versaillais contre les canons de Montmartre, il fait sonner le tocsin à Saint-Nicolas du Chardonnet. La place du Panthéon se hérisse de barricades, à l’édification desquelles il prend une part active.
Pendant la Commune, Allemane est l’un des militants les plus actifs du Ve arrondissement. Il intervient au club de la rue d’Arras, dont il est le président. Il est désigné comme président du comité de légion de l’arrondissement, émanation des bataillons de la Garde nationale. À ce titre, qu’il compare lui-même à « une sorte de commissaire délégué aux armées  », il doit veiller à l’organisation de la défense de l’arrondissement contre la réaction. Dans les faits, il exerce une sorte de contre-pouvoir face à la municipalité du Ve, un peu trop tiède à son goût.

Le laïc

L’un de ses faits d’armes est de faire enlever la croix du dôme du Panthéon et de lui substituer un immense drapeau rouge. Il prend une part active à la laïcisation des écoles de son arrondissement où, écrit-il, « les couvents pullulent ».
Ainsi, il force l’entrée de l’école de la rue Rollin, tenue par les Frères des Écoles chrétiennes, qu’il expulse. L’école est rouverte, avec un personnel nouveau. Il ouvre aux élèves la cantine, jusque-là réservée aux Frères. Il songe aussi à l’organisation d’un enseignement professionnel dans l’ancien collège des Jésuites de la rue Lhomond. Mais l’école venait à peine d’ouvrir lorsque la Semaine sanglante commença.

Jean Allemane

Le combattant valeureux

Le 21 mai, lorsque parvient la nouvelle de l’entrée des Versaillais dans Paris, Allemane se porte à la tête des troupes du Ve à leur rencontre jusque dans les VIIe et XIVe arrondissements. Mais il faut bientôt défendre le Ve qui s’est couvert de barricades.
Le mercredi 24, les Versaillais investissent le Quartier latin, défendu par quelques centaines de fédérés retranchés autour du Panthéon. Allemane est partout, courant d’une barricade à l’autre, tandis que la mairie tombe.

Arrestation et condamnation au bagne

Réfugié à Belleville, au 25 rue Levert, il est arrêté, le 28 mai, à la suite d’une dénonciation. Traduit devant la justice militaire, il est condamné aux travaux forcés à perpétuité pour «  arrestations arbitraires, excitation à la guerre civile, complicité dans les incendies du Ve arrondissement, occupation d’un établissement public et participation à la construction de barricades ».
Suivront sept années de bagne, en Nouvelle-Calédonie. Ces années constitueront une part importante de ses Mémoires d’un Communard, publiés en 1906, qui sont un réquisitoire contre la honteuse institution du bagne.

Jean Allemane
Jean  Allemane dans son imprimerie

Militant politique et défenseur des libertés publiques

Après son retour en France en 1880, l’histoire d’Allemane se confond avec celle du mouvement ouvrier et socialiste en construction. Il reprend son métier de typographe et participe à la création de la Société fraternelle des anciens combattants de la Commune en 1889.
Syndicaliste, militant politique, il adhère à la Fédération du Parti des travailleurs socialistes de France, le premier parti socialiste français créé en 1879. Il s’en sépare bientôt avec Paul Brousse et les « possibilistes », qu’il quitte, en 1890, pour créer le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR), bien implanté en particulier dans les XIe et XXe arrondissements. Les «  allemanistes  » comptent avant tout sur l’action ouvrière et se défient des élus et de l’action parlementaire. Mais lorsque éclate l’affaire Dreyfus, Allemane est l’un des premiers, avec Jaurès, à prendre le parti de Dreyfus et de la « défense républicaine  » :

Chaque fois que les libertés publiques sont en danger, le devoir des militants est de se mettre du côté des défenseurs de ces libertés publiques.

En décembre 1899, il participe au premier congrès des organisations socialistes françaises au Gymnase Japy, prélude à l’unité socialiste. En 1905, il est l’un des fondateurs de la SFIO, avec Jaurès, Guesde, Vaillant, etc.
En 1901, il avait été élu député POSR dans le quartier de la Folie-Méricourt dans le XIe arrondissement. Il est réélu en 1906, sous l’étiquette SFIO. Mais, battu en 1910, il redevient simple militant, portant jusqu’à la veille du Front Populaire la mémoire de la Commune et d’un long passé de luttes ouvrières. Il meurt en 1935, à l’âge de 92 ans, à Herblay (dans l’actuel Val d’Oise) où il s’était retiré.

 

MICHEL PUZELAT

 

Les Transportés

Paroles : Jean Allemane 
Cette chanson a été écrite à propos de la Commune

Vaste Océan, tes vagues écumantes, 
Ont vu passer ces soldats d’avenir, 
Calmes et fiers, sur leurs prisons flottantes, 
Ils te narguaient car ils savaient mourir ; 
Si leurs geôliers redoutaient la tempête, 
Jamais leur coeur ne referma d’effroi, 
La foudre en vain fit rage sur leur tête 
Pour éprouver ces fils du peuple-roi.

Refrain

Si la patrie est enchaînée, 
Par eux qu’elle soit délivrée ; 
Par eux que la France chérie 
Retrouve l’énergie 
Et soit régénérée.

En s’apaisant, ô comble d’infamie ! 
Tes flots soumis les mèneront au port, 
Ne pouvaient-ils leur arracher la vie, 
Le bagne est-il préférable à la mort ? 
Ilot maudit, que ne vit pas Le Dante, 
Enfer nouveau, repeuple tes cachots : 
Ils sont à toi !… pour les briser enfante 
Tous les tourments et double tes bourreaux.

Refrain

Sur leur rocher, fouillant l’horizon sombre, 
Où le soleil vient creuser son lit, 
Exténués, on peut les voir dans l’ombre 
Debout encor, car l’espoir les nourrit. 
Ils sont tes fils, ô France bien-aimée, 
Entends leur voix, fais cesser leur douleur ; 
Mais, hâte-toi, la houle désolée 
Roule des morts dans les coraux en fleur.

Refrain

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