QUAND LES UHLANS PASSERENT LA LOIRE
S’il ne se contente que d’effleurer la Commune à laquelle son héros, blessé à Buzenval, n’a pu participer, l’auteur permet de mesurer la situation dans ce milieu rural du sud de la Sologne, pourtant pays natal de nombreux Communards, dont Ranvier.
François subira la guerre, sera fait prisonnier avec son régiment de « mobiles », s’évadera, repartira au combat. Arrêté, il sera accusé de participation à la Commune et poursuivi par la vengeance d’un hobereau, déporté en Nouvelle-Calédonie dont il reviendra après l’amnistie.
Même si l’auteur ne le dit pas, on peut penser que François revenu au pays ne sera pas indifférent à l’action de ceux qui, après la défaite de la Commune, ont repris le flambeau.
Raoul DUBOIS
Alain Raffensthain, Quand les uhlans passèrent la Loire, Éd. Royer 2002.
TARDI, LE GRAND TARDI
Plus d’un siècle, un interminable siècle d’attente avant que Jacques Tardi vienne apporter son talentueux trait pour illustrer, en bd, l’immortelle épopée.
Avant lui, quelques crayonneurs voulurent s’attaquer, Versaillais du trait, aux 72 jours de la Commune de Paris.
Jacques Tardi avait prévu trois albums pour « Le cri du peuple » rédigé par Jean Vautrin (Grasset / Le livre de poche) mais, finalement, quatre albums seront proposés car la richesse de ces temps d’espérances ne se réduit pas.
L’automne 2003 installe chez les libraires « Les heures sanglantes », suite des « Canons du 18 mars et de « L’espoir assassiné ». Nous assistons aux premiers jours de cette semaine qui s’acheva dans des fleuves de sang.
Communards et Communardes se battent, luttent contre les hordes déchaînées du Duc de Magenta, maréchal de Mac Mahon, désigné par Thiers l’infâme, pour écraser la Ville rebelle.
Avec Jacques Tardi nous sommes sur chaque barricade. On entend les balles siffler, on sent le souffle de la canonnade. Les héros Vautriniens continuent à se mesurer dans une bataille infernale.
Cet album vous l’achetez, vous l’offrez. Jacques Tardi et la Commune de Paris 1871 ne pouvaient que se rencontrer et se comprendre.
Pierre Ysmal
Tardi/Vautrin, Le cri du peuple – Les heures sanglantes, Casterman, 76 p., 18,30 €.
LES NOCES ROUGES
Des romans sur la Commune, il en existe un grand nombre mais ils n’ont pas tous le ton d’authenticité poignante de l’œuvre de Gildard Guillaume.
A partir d’une riche et scrupuleuse documentation, l’auteur a procédé à une reconstitution saisissante des différentes étapes de la révolution du 18 mars.
Les épisodes les plus tragiques sont dépeints avec un réalisme sans complaisance, dans un style coloré, vivant, gaillard et même parfois paillard.
Les dialogues sonnent juste sans jamais tomber dans la caricature et le conventionnel.
Les descriptions des événements ont l’impact des reportages pris sur le vif : pendant le premier siège, les souffrances des Parisiens par la faim, le froid et les bombardements. Les prisons versaillaises où les fédérés croupissent dans la crasse et la vermine tout en subissant la haine de la bêtise de leurs bourreaux, et les atrocités de la Semaine sanglante…
Le chapitre 58 pose un problème : on peut se demander si la montée au Mur des prisonniers, à la lueur des torches, est une variante nocturne de l’exécution, au Père Lachaise, de 147 insurgés, dans la matinée du dimanche 28 mai 1871 ?
Quatre personnages principaux, appartenant à des milieux sociaux fort différents vivent intensément cette période extraordinaire :
Léon, le militant ouvrier, déjà très politisé, qui va entraîner l’honnête Nicolas, ébéniste qualifié, dans l’ardent combat pour la liberté. Sa compagne, Virginie, touchante et courageuse, est naïvement et délicieusement surprise par les transferts amoureux nés de ces circonstances exceptionnelles.
Henri, journaliste lyonnais, libertaire et adversaire implacable des bourgeois :
« Ils ont eu très peur, ils ont eu honte, ils se vengeront », se disait Henri, « On ne payera pas pour ses forfaits mais pour la trouille qu’on leur a causée ».
Édouard Deval, avocat issu d’un milieu favorisé mais qui ne peut supporter les iniquités sociales.
L’auteur qui est précisément avocat a mis son savoir au service de son talent. L’interrogatoire d’Edouard Deval par les juges du 3ème conseil de guerre est un petit chef d’œuvre de critique radicale de la justice militaire.
En dépit du sombre tableau des massacres versaillais, une lueur d’espoir apparaît au milieu des décombres de la défaite : la solidarité agissante et constructive des vaincus qui finira par triompher de l’enfer de la répression.
Cet ouvrage captivant incite à mieux connaître la Commune.
Marcel CERF
Gildard Guillaume, Les noces rouges, Éditions l’Harmattan, 422 pages, 33 €
N.B.
L’auteur ne se formalisera pas si on épingle deux ou trois coquilles amusantes :
Page 42 : Elourès pour Flourens.
Page 82 : un roquet noir et blanc appelé Flon-Flon par référence au prince Napoléon. Bien entendu c’est Plon-Plon qu’il faut lire.
Page 243 : le chancelier Gustave Nadaud. L’auteur des Deux gendarmes devra se contenter d’être seulement un spirituel chansonnier.
LES FRANCS-MAÇONS ET LA COMMUNE DE 1871
Parmi les nombreux sujets de controverse concernant la Commune, il faut compter la place des Francs-maçons dans la préparation et la poursuite du mouvement.
Si on en excepte le travail monumental d’André Combes, peu d’éléments sont exempts de passion. C’est que la Commune comme la Franc-maçonnerie sont des sujets toujours brûlants.
Notre ami Gérald Dittmar à qui nous devons déjà la réédition de l’album de photos sur le Paris de la Commune nous donne aujourd’hui un ouvrage complet et accessible aux non-spécialistes.
C’est à la fois un exposé des faits, des actions des Francs-maçons, déjà membres de l’Ordre au moment de la Commune, qu’ils soient d’accord avec l’attitude des Francs-maçons ralliés à la Commune ou de leurs adversaires, mais aussi un recueil de documents émanant des uns et des autres.
Chaque lecteur pourra juger sur pièces.
On remarquera en particulier l’intérêt du document qui clôt l’ouvrage : la lettre du Grand Maître datée du 1er avril 1871 et qui trace les perspectives de l’Assemblée Générale du 4 septembre 1871 (notons au passage la concordance de cette date avec l’anniversaire de la proclamation de la République).
On sait le rôle des Francs-maçons à Paris, en province, à l’étranger dans l’aide aux victimes de la répression et aux exilés, on sait aussi que de nombreux communards rejoindront la Franc-maçonnerie après la Commune.
Sachons gré aussi à l’auteur d’attirer l’attention sur le beau texte de Louise Michel décrivant le défilé du 29 avril :
« Aujourd’hui encore, il me semble, en parlant, revoir cette file de fantômes allant, avec une mise en scène d’un autre âge, dire les paroles de liberté et de paix qui se réaliseront dans l’avenir. » et ajoutant suprême hommage à la combattante « Plusieurs combattirent comme ils l’avaient promis et moururent bravement ».
Raoul DUBOIS
Gérald Dittmar, Les francs-maçons et la Commune de 1871, Éditions Dittmar 2003, 1 volume, 148 p., 35 €