Un peuple en mouvement

Quand une société se bloque, le peuple revient parfois sur le devant de la scène. Et, à ce moment-là, comment s’étonner que la Commune s’offre à nous comme un remarquable cas d’école ?

Au printemps de 1871, la France est exsangue, militairement vaincue, occupée, amputée, en panne d’institutions. La République proclamée est fragile, minoritaire, menacée. Or, dans l’instant le plus sombre, surgit l’étincelle populaire du 18 mars, à la fois prévisible et inattendue.

Des années de pouvoir bonapartiste, de spéculation effrénée, d’anémie démocratique ont certes attisé le mal-vivre des démunis, l’amertume des pauvres, la colère des travailleurs. Mais les catégories populaires éparpillées, mal logées, chassées des centres-villes, semblent n’avoir plus de repères. L’Empire a accru l’exploitation qui les enserre, mais la République, qui les a abandonnées en 1848, ne semble toujours pas décidée à se tourner vers elles.

Il suffit alors d’un événement, fortuit mais chargé de sens — la confiscation des canons de la Garde nationale — pour que s’attise la flamme.

Tandis que les structures d’action collective restent instables, les organisations de défense incertaines, les formations politiques encore peu nourries, des femmes et des hommes se mettent en mouvement. Celles et ceux qui se côtoyaient sans toujours se connaître, ouvriers, employés, artisans, gens de maisons, intellectuels, tant d’autres encore s’assemblent en agissant. Ils étaient dans l’ombre de la vie quotidienne ; ils passent dans la lumière de l’action publique.

En s’engageant, les simples gens se font peuple politique. Les dominés deviennent, un temps trop bref, des acteurs à part entière, se réunissant en corps, discutant, décidant, agissant, combattant enfin. Les notabilités les contenaient à la lisière du suffrage universel ? Ils installent les mécanismes d’une démocratie directe. Le droit au travail, proclamé en 1848, restait une abstraction ? Ils jettent les bases d’une République sociale. Le centralisme napoléonien rabougrissait l’initiative du bas ? Ils proclament les vertus d’une fédération des libertés communales.

On sait aujourd’hui le retard que la cruelle répression de la Semaine sanglante fit prendre à la République. De longues années sont passées, mais aujourd’hui que l’Assemblée nationale a enfin répondu à notre demande en adoptant une résolution réhabilitant les communards, il est bon de faire de leur exemple un sujet de réflexion utile pour l’action. La démocratie est bien peu de chose quand le peuple est aux abonnés absents. La République est bien fragile quand les catégories populaires, marginalisées, ne se constituent pas en peuple acteur de son propre destin.

LA COORDINATION DES AMIES ET AMIS DE LA COMMUNE DE PARIS 1871

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