Place au Peuple !

Depuis quelque temps, la Commune est revenue au centre de l’actualité. Nuit debout, Gilets jaunes, manifestations salariales… Il n’est pas de démonstration de rue qui, à un moment ou à un autre, ne se réclame pas de la Commune de Paris 1871.

Comment s’en étonner ? La rue et la grève ne veulent plus des inégalités, des salaires au rabais, du droit du travail bafoué, de la précarité, du travail méprisé et de la discrimination des jeunes, des femmes, des immigrés. Or que faisait la Commune ? Elle commençait à réduire le temps de travail, à décréter le moratoire des loyers, à atténuer l’endettement des plus modestes, à instaurer l’égalité des hommes et des femmes dans le travail et dans l’éducation.

Une des idées centrales de la Commune était que la République est infirme quand elle n’est pas sociale, quand le droit du travail n’est pas respecté, quand le travailleur n’a pas son mot à dire sur son lieu de travail, quand l’association ouvrière n’est pas tenue pour une condition décisive du bien vivre. Dans un moment où se parachève le détricotage de tout ce que la lutte sociale avait conquis, pièce par pièce, ce parti pris ne mérite-t-il pas d’être rappelé ?

Ce n’est décidément pas un hasard si tous les grands moments de notre histoire sociale et démocratique contemporaine ont été des clins d’œil appuyés à la Commune de Paris. Le Front populaire, la Libération, Mai 68 se sont explicitement réclamés de la Commune, comme si le grand exemple était un carburant, une manière de se donner un peu plus de courage, l’occasion de se redire que l’histoire n’est jamais finie quand les individus s’assemblent pour proclamer leurs droits.

Il y a plus que cela. La Commune disait aussi que la République est un mot creux, si elle oublie que la démocratie ne doit pas être entre les mains exclusives des nantis et des experts, mais entre celles du peuple tout entier. Or les mouvements qui agitent aujourd’hui la planète entière, de Paris à Hong Kong, de Rome à Alger, en passant par Santiago, disent avec éclat que le peuple est bien trop souvent tenu en lisière. Persister dans cette voie est injuste. De plus, c’est dangereux : le dédain du peuple nourrit la rage et la rancœur et, ce faisant, peut conduire au pire et non au meilleur. En adossant la colère et la combativité à l’espérance, la Commune ouvrait au contraire la voie vers une société plus juste et plus fraternelle. En cela, elle ne nous donne pas de leçon toute faite, mais quel merveilleux exemple.

Plus que jamais, son mot d’ordre peut être une boussole : place au Peuple ! Enfin.

JOËL RAGONNEAU

 

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