Léon David Brès (1) est né le 6 juillet 1838 au mas du Cambonnet (ou Chambonnet) dans la commune de Saint-Martin de Boubaux dans les Cévennes de basse Lozère. Son père David, 25 ans, est culti­vateur, sa mère Victoire Laval a 24 ans. La population de Saint-Martin de Boubaux est presque exclusivement protestante et ferme­ment républicaine. Elle participa à la résistance au coup d’État de 1851 et 24 habitants du vil­lage furent poursuivis pour cette action. Parmi eux, cinq portaient le patronyme de Laval. On peut imaginer qu’ils relevaient, de plus ou moins près, de la parentèle de la mère de Léon David. Parmi eux Jean-Louis Laval pasteur de l’église réformée, âgé de 55 ans (2). Lors du référendum, le non l’emporte à 55 %.

Léon David apprend le métier de cordonnier, profession de son grand-père. En 1858 il passe le conseil de révision et tire au sort. Mauvais numéro : il est affecté, pour 7 ans, au 20e régi­ment d’artillerie, d’abord à Valence, puis dans l’est. Il est libéré des obligations militaires le 31 décembre 1865. Le 26 août 1865, à Lunéville, il avait épousé Catherine Bigot, 30 ans, et légi­timé Auguste, l’enfant de cette dernière né en 1853 à Lunéville et dont il ne peut être le père biologique.

On retrouve Léon David à Paris en 1870. Il habite au 48 rue de la Roquette (11e arrondissement) et exerce la profession de cordonnier. Il vit en concu­binage avec une femme dont il a un enfant bien qu’il soit marié et père de famille, selon l’acte d’accusation devant le conseil de guerre. Dès la création de la Garde nationale il intègre le 66e bataillon (bataillon de marche), 2e compagnie de guerre. Le 28 novembre 1870, il est élu caporal par 51 voix sur 74 votants. Il obtient le 2e meilleur score (3). On peut noter que sur les huit caporaux élus, trois habitent rue de la Roquette. Quelques jours plus tôt, le 12 novembre, à la mairie du 11e, les officiers du bataillon avaient élu leur comman­dant : 5 candidats, 5 professions de foi. Augustin Avrial, ouvrier mécanicien, né à Revel (Haute Garonne) en 1840, déclare :

qu’avec le comman­dant il y avait chez lui l’homme politique, qu’il entendait placer les opinions républicaines socia­listes de front avec l’autorité militaire que lui confé­rait son grade de commandant

Les autres candi­dats affirment les mêmes sentiments. Sur 91 votants Avrial est élu commandant du 66e bataillon avec 47 voix, contre Duffour, 44. Les autres candidats se sont retirés.

Léon David Brès et le 66e bataillon vont partici­per activement à la défense de la Commune. A Issy, sur les remparts, à la mairie du 15e, à la gare Saint-Lazare. Puis fin avril, canonnier de forma­tion, il intègre à sa demande la 4e batterie d’artil­lerie de la 11e légion. Il combat d’abord à la porte Maillot. Là, il signe une pétition, adressée à Dombrowski, en faveur d’un capitaine démis de ses fonctions pour ivresse.

Face à l’avancée des Versaillais, la 4e batterie est disposée au Père-Lachaise. Dans un premier temps, lors de son procès, Brès tente de se disculper en indiquant qu’il était resté chez lui du 21 au 25 mai. Mais sa logeuse déclare que le 25 mai, Brès est rentré chez lui

noir de poudre et très exalté en criant il faut brûler le faubourg Saint-Germain qui nous a fait beaucoup de mal

Les canons de la Commune au Père-Lachaise du 23 au 27 mai 1871 (série La Commune / Paris incendié) -  Anonyme , Dessinateur-lithographe Bès et Dubreuil , Editeur (source : © Musée Carnavalet – Histoire de Paris)
Les canons de la Commune au Père-Lachaise du 23 au 27 mai 1871 (série La Commune / Paris incendié) - Anonyme , Dessinateur-lithographe Bès et Dubreuil , Editeur (source : © Musée Carnavalet – Histoire de Paris)

 

Finalement Brès reconnait avoir actionné la 4e batterie depuis le Père-Lachaise encore le 25 mai. Arrêté chez lui le 28 juin, il est conduit dans un des lieux de déten­tion des communards en attente de son procès.

Le 4 mai 1872, le 16e conseil de guerre le condamne à la déportation simple en Nouvelle Calédonie. Enfermé au fort de Quérlem en Bretagne, il embarque le 14 janvier 1873 sur L’Orne et arrive à Nouméa le 4 mai 1873, avant d’être dirigé vers l’Ile des Pins. Sur le bateau on peut imaginer qu’il a échangé avec Alexis Rieutord, capitaine dans le 184e bataillon originaire de Chamborigaud, dans les Cévennes gardoises, à quelques kilomètres de Saint-Martin-de-Boubaux, lui aussi condamné à la déportation simple et qui était détenu à Saint-Martin-de-Ré (4). Après plu­sieurs demandes de grâce, il obtient gain de cause le 15 janvier 1879, tout comme Alexis Rieutord. Le 1er novembre, il quitte Nouméa sur La Creuse et débarque à Brest le 5 mars 1880. Allemane, Amouroux sont dans le même convoi.

Après l’accueil enthousiaste des Brestois et le bon repas offert, c’est le retour à Paris où, là aussi, l’accueil est très chaleureux. La Lanterne du 7 avril 1880 indique que 12 épouses et 10 enfants de déportés se trouvaient sur le bateau. On peut sup­poser que parmi elles et eux figuraient Marie Morin épouse Rieutord et leurs enfants pour certains nés à l’Ile des Pins. Et Léon David Brès, que devient-il ? Il ne retourne pas à Saint-Martin-de-Boubaux. On ne dispose d’aucune autre information.

ROBERT MALCLÈS

 

Notes :

(1) Pour plus de détails voir Le lien des chercheurs cévenols N° 210 ;

(2) Voir la liste établie par Jean-Claude Farcy ;

(3) Archives de la Seine. D.2R4 ;

(4) Pour Alexis Rieutord, voir le N°86 de notre revue.

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