Aujourd'hui encore, aucun témoignage et aucun écrit ne peuvent affirmer ou réfuter la présence de Rimbaud à Paris durant la Commune. Une certitude, c'est la présence de Rimbaud à Paris, à la veille de la Commune, entre le 25 février et le l0 mars 1871 ; le poète en parle longuement dans un courrier date du 17 avril adressé à Paul Demeny. La Commune est proclamée le 18 mars, le 21 mai, les Versaillais occupent Paris et font la chasse aux Communards.

Arthur Rimbaud (1854-1891)
Arthur Rimbaud (1854-1891)

Durant ce temps, Rimbaud serait resté à Charleville. D'ailleurs, c'est de sa ville natale, le 15 mai, qu'il écrit à Georges Izambard, son ancien professeur ses « colères folles qui me poussent vers Paris où tant de travailleurs meurent pourtant encore tandis que je vous écris ! ». Dans ce texte majeur où Rimbaud fait part de son évolution poétique, on peut aussi constater tout son désarroi vis a vis du combat perdu des Communards. Dans ces lignes on trouve cynisme, provocation, révolte, envie de sacrifice et surtout la grande souffrance d'un adolescent.

Rappelons qu'il s'agit d'un garçon de seize ans et demi, élevé dans le strict respect de la religion et de l'ordre établi, dans un milieu familial étriqué et conservateur, avec une mère avare de tendresse. Charleville n'offrait guère d’échappatoire à la monotonie qui régnait dans cette petite ville de garnison. Malgré tout, il s'affranchira de ces lourdes contraintes. Il choisira le camp des opprimés et de la contestation, affichant sans réserve son adhésion au combat « pour changer la vie ».

Ce choix. dès l'âge de quatorze ans, il l'exprime avec toute son intelligence et son talent dans ses premières œuvres. C'est toute l'émotion et toute la générosité contenues dans « Les étrennes des orphelins », la fierté et l'engagement exprimés dans « Soleil et chair » ou dans « Le forgeron » ; citons le rapidement « Ô l'homme a relevé sa tète libre et fière », « Le peuple n'est plus une putain ». Dans une composition qui lui valut un premier prix académique, il ose dénoncer (il n'a pas quinze ans !), à propos du thème imposé, « Jughurta », la politique de conquête menée par la France en Afrique du Nord. Il qualifie les Français d'envahisseurs qu'il faut chasser par les armes ! Avec beaucoup d'habileté, il substitue l'Emir Abd El Kader à Jughurta. Abd El Kader, personnage illustre et contemporain de Rimbaud, a lui aussi dirigé la résistance contre les Français, les envahisseurs. Ces lignes sont écrites en juillet 1869, alors que Badinguet est empereur et la censure vigilante !


Rimbaud - Les Mains de Jeanne-Marie, 1919, éd. Berrichon.djvu
Rimbaud - Les Mains de Jeanne-Marie, 1919, éd. Berrichon.djvu

C'est donc très jeune qu'il refuse les idées et règles bourgeoises, et qu'il prend consciemment parti pour l’humanitarisme contre le conservatisme et l'ordre social imposé. Avec les Communards, il dénonce une classe qui capitule facilement et qui se presse de traiter avec l’adversaire pour conserver le pouvoir et ses privilèges. Bismarck plutôt que la République et la Commune !

Celle-ci défaite, Rimbaud exprime sa rage et sa déception dans des poèmes qui seront parmi les plus beaux de son œuvre, à la fois très durs et généreux : « Le cœur du pitre », « l’orgie parisienne », et ces « Mains de Jeanne-Marie » :

« Elles ont pâli, merveilleuses

Au grand soleil d'amours chargés

Sur le bronze des mitrailleuses

À travers Paris Insurgé ».

Rimbaud n'a pas mis genou à terre. Communard il est, Communard il reste. Dans les deux années qui suivront la Commune, c'est à corps perdu qu'il poursuivra son travail de poète.

Ses chefs d'œuvre resteront marqués par l'éternelle révolte et par une vision anticipatrice et moderne de la vie. Ils placent l'homme et le poète hors du commun et de l'oubli. Le poète génial, l'éternel insurgé et le chantre de la Commune fascinera toujours. Les combattants de la Liberté trouveront toujours à leurs côtes Arthur Rimbaud, lui qui écrivait :

« Je m'entête affreusement à adorer la liberté libre ».

Cette volonté est celle des Communards d'hier, d'aujourd'hui et de demain.

Denis Bonvalot

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