Partie 1

Émile Duval est un des acteurs les plus éminents des débuts de la Commune de Paris. Son nom est partout mentionné dans tous les livres d'histoire sur l'événement et pourtant que d'erreurs et d'approximations ! Que n'a-t-on écrit sur lui ? Citons en vrac : naissance dans la Manche, filiation avec l'un des meurtriers du général Bréa en 1848, beau-frère gardien de prison à la Roquette etc etc ! Quant à sa mort, on peut recenser près de dix versions différentes toutes fantaisistes ou presque. Avec un peu de méthode, de rigueur et d'honnêteté, il n'est pas difficile d'en savoir plus.

Un ouvrier blanquiste

Cette photo prise par Nadar serait celle d'Émile Duval (1840-1871) (coll part.) d'après le MAITRON et "La Commune de Paris 1871 - Les acteurs, l'évènement, les lieux" de Michel Cordillot, Éditions de l'Atelier, 2020.

Émile Victor Duval est né le 27 novembre 1840 à Paris dans l'ancien douzième arrondissement. Il est le fils naturel de Marie Madeleine Duval, née en 1799, blanchisseuse. II se marie dans le XIIIe, le 16 août 1862 avec une jeune couturière de dix-neuf ans (elle est née le 16 janvier 1843), Marie Huot originaire de Anrosey (Haute-Marne), fille d'un menuisier, Mathias Huot né en 1816 et d'une couturière Élizabeth Billard, née le 22 juin 1816 à Anrosey de Louis Joseph Billard, tonnelier né en 1780 et d'Élizabeth Guyot. C'est probablement « une camarade d'enfance » puisqu'elle habite avec ses parents à la même adresse que lui, 45 rue Croulebarbe. Duval occupe au 1er étage un logement de 2 pièces dont il est locataire. Ils ont une fille Joséphine Amélie Élise née le 15 mai 1863. L'un des témoins du mariage est Auguste Dorey, né en 1823, « beau-frère » de Duval, marchand de meubles et domicilié 20 rue Nationale. Un autre des témoins, Jacques François Guirbal, né en 1828, domicilié 48 route d'Italie puis 26 rue Vendrezanne, fort des halles, sera garde national à la 4e compagnie du 133e bataillon pendant le Siège. Duval reçoit une très bonne éducation, il sait lire et écrire et maîtrise la logique et les mathématiques. Sans doute suit-il les cours de l'école laïque du 27 de la rue Sainte-Hyppolyte située près du domicile de sa mère. (1)

Duval est mouleur fondeur en fer, son nouveau domicile est 21 rue de la Glacière. En 1864, il participe à une grève de huit jours pour obtenir la réduction de la journée de travail à 10 heures. Il s'impose rapidement comme un organisateur et devient dirigeant de la société de prévoyance des fondeurs qui en 1867 refuse d'adhérer à l'Internationale, ce que font alors individuellement presque tous les membres du bureau dont Duval. Poursuivi par la police, il est obligé de quitter Paris vers 1865. Il entre en contact avec les blanquistes par l'intermédiaire de Granger, puis de Lalourcey, Jaclard, Genton et Eudes qu'il rencontre en 1867. Il fait partie de l'organisation mise en place par Blanqui :

« un groupe central recrutant peu à peu des adhérents s'adjoignant prudemment des nouveaux venus pour une action à accomplir, à une date indéterminée ».

Louis Auguste Blanqui (1805-1881) photographié par Ernest Charles Appert vers 1871  (source : Bibliothèque historique de la Ville de Paris)
Louis Auguste Blanqui (1805-1881) photographié par Ernest Charles Appert vers 1871 (source : Bibliothèque historique de la Ville de Paris)

Il rencontre plusieurs fois Blanqui dans la rue ou dans la chambre que Eudes a louée pour le vieux révolutionnaire « à un sixième étage, boulevard Montparnasse ». Il milite activement comme propagandiste des idées blanquistes en particulier à la fonderie Gouin, 49 boulevard Richard-Lenoir dans le XIe. Il dirige activement le « 5e groupe » des formations de combat de l'organisation blanquiste. De véritables exercices militaires se tiennent « la nuit, à Montmartre, sur le boulevard extérieur [...] des concentrations, des marches ont été expérimentées ». Le 6 janvier 1869, il intervient violemment contre le pouvoir impérial à la salle du Vieux-Chêne, 69 rue Mouffetard dans le Ve ce qui lui vaut d'être poursuivi avec Ferré en correctionnelle pour « attaques au principe de la propriété et excitation à la haine et au mépris des citoyens les uns contre les autres », il est condamné le 25 février 1869, à 4 mois de prison et 100 F d'amende mais il fait opposition au jugement qui est confirmé le 16 mars. Au début de 1869, plusieurs débats secouent le parti blanquiste en particulier sur la nécessité de se procurer des armes car seuls cent hommes sur huit cents sont armés. Des coups de mains sont envisagés sur la préfecture de Police, la caserne du Prince-Eugène ou le fort de Vincennes où Jaclard possède des contacts parmi « les officiers démocrates ». D'autres suggèrent d'aller plus loin en espérant que les coups de main formeront « l'embryon d'une révolution où l'armée joindra le peuple où tous deux emporteront les Tuileries ». Duval est convoqué avec Genton chez Eudes, rue Vavin. Tous deux « réclament la présence de Jaclard, avec lequel ils ont toujours été en accord. » Finalement Blanqui et Jaclard se rencontrent sur le « boulevard extérieur » rejoints par Lacambre. Blanqui

« expose son projet de la prise d'une caserne qui resterait à fixer, et il croit à la possibilité de tenter le coup de main un des jours de carnaval, le dimanche, le lundi ou le mardi-gras, alors que la population songera à toute autre chose qu'une émeute ».

Grèves du 20 avril 1870 des ouvriers rafineurs de l'usine Jeantry-Prévost à la Villette (Source : L'Illustration -Journal Universel du 30 avril 1870)
Grèves du 20 avril 1870 des ouvriers rafineurs de l'usine Jeantry-Prévost à la Villette (Source : L'Illustration -Journal Universel du 30 avril 1870)

 

Mais Jaclard « fait des objections » en indiquant « qu'il ne faudrait pas surprendre la foule, risquer d'agir dans un milieu stupéfié, peut-être réfractaire, et, finalement dans le vide ». Le débat est animé et Jaclard se querelle avec Lacambre, Blanqui ne prenant pas position. Au cours d'une seconde rencontre, Blanqui se range à l'interprétation de Jaclard appuyé par Duval et les coups de mains sont annulés. Les militants se démobilisent et les effectifs diminuent. Duval se retire provisoirement du parti blanquiste mais continue de militer activement auprès des ouvriers fondeurs. Il prend parfois la parole dans les Clubs où ses interventions argumentées et posées sont remarquées. En avril 1870, éclate une nouvelle grève, au nom de la chambre syndicale, il se rend à Londres pour demander le soutien des syndicats anglais et de l'Internationale. Au cours de la grève « lors d'une des réunions régulières qui se tenaient salle de la Marseillaise, rue de Flandres », Duval qui préside la réunion, propose d'adhérer en bloc à l'Internationale et avec trois autres délégués il est élu pour siéger au conseil fédéral. Il est signataire d'une protestation du Conseil fédéral parisien de l'A.I.T dans La Marseillaise du 5 mai 1870 contre le plébiscite. Il anime l'Internationale, un militant E.V Lejudec écrit de lui en juillet 1870 :

« Duval [...] continue à former des sections ».

Il est poursuivi avec les autres dirigeants de l'Internationale (3ème procès) et condamné le 8 juillet 1870 à 2 mois de prison et 25 F d'amende. Il est également poursuivi avec les 61 militants républicains traduits devant la Haute Cour à Blois pour conspiration et condamné le 8 août 1870 à 2 mois de prison. Il est incarcéré le 28 août à la maison correctionnelle de Beauvais mais il est libéré le 5 septembre. Aussitôt, il reprend ses activités militantes et dirige la commission municipale du XIIIe arrondissement mise en place pour aider le nouveau maire républicain, Passedouet.

Le Siège de Paris

Serizier ( Cérizier) Marie Jean-Baptiste (1830-1872) - Photographe anonyme  (source : © Musée Carnavalet – Histoire de Paris)
Serizier ( Cérizier) Marie Jean-Baptiste (1830-1872) - Photographe anonyme (source : © Musée Carnavalet – Histoire de Paris)

Duval est le premier (avec Gustave Flourens mais dans un autre registre) à comprendre la nécessité d'une fusion entre la radicalité traditionnelle qui s'exprime au travers du Comité des Vingt arrondissements et celle, nouvelle, qui émerge dans la Garde nationale. Le 17 septembre, il assiste à une réunion publique avec Meillet, Chardon, Beaufils, Sérizier et Villot au 190 avenue de Choisy avec pour ordre du jour : « La défense nationale ». La réunion adopte une résolution s'étonnant « de l'incurie du gouvernement » et voulant « se débarrasser des ennemis de l'intérieur ». Elle réclame « l'incorporation immédiate dans l'armée active de tous les policiers, la destitution de tous les officiers de la garde mobile, la destitution de tous les commandants de divisions territoriales du pays non occupé, l'expulsion de toute famille dont un membre au moins ne participe pas à la défense et l'envoi de commissaires en province pour hâter la levée en masse ». Duval avec Sérizier, Chardon et Beaufils est désigné à l'unanimité pour former une délégation chargée de présenter les revendications au gouvernement.

Il est également désigné comme délégué au Comité central des Vingt arrondissements et le 20 septembre, il prend la parole à la salle de l'Alcazar, rue du faubourg Poissonnière dans le Xe devant deux cent trente délégués et propose qu'ils se « réunissent aux chefs de bataillon » et fusionnent avec la Garde nationale. Sa proposition est rejetée et reste pour l'instant isolée. En effet, même si les blanquistes et les Internationaux comprennent inconsciemment l'importance comme force révolutionnaire des milliers d'hommes en armes que sont les gardes nationaux, à cet effet Blanqui multiplie les articles dans La Patrie en Danger, et les principaux militants révolutionnaires dont Blanqui lui-même se font élire à la tête des bataillons, tous continueront à séparer le « parti » et la garde qui n'est envisagée que comme un vivier de propagande à noyauter comme d'habitude. On retrouve cette séparation dans les deux structures militantes mises en place par les révolutionnaires et radicaux à l'automne : la Ligue républicaine de Défense à Outrance et la Légion garibaldienne qui ne sont que des émanations militaristes du « parti » continuateurs des groupes de combat formés sous l'Empire, et Duval se tient alors éloigné des réunions centrales en intervenant de manière active dans son arrondissement.

Il demeure à cette époque 87 rue de la Glacière, il est membre de la section Glacière de l'Internationale, fait partie de la commission d'armement du Comité de vigilance et s'engage dans la 2e compagnie de guerre du 176e bataillon de la Garde nationale. En octobre il participe à la création du premier club démocratique et socialiste du XIIIe arrondissement au 190 avenue de Choisy. Le club et les gardes nationaux du XIIIe jouent un rôle actif dans les évènements du 31 octobre. En novembre se recrée un Club démocrate et socialiste du XIIIe (2) qui le 25 adhère en bloc à l'Internationale et le 2 décembre à la Ligue républicaine de Défense à outrance. Il est présenté avec Meillet et Rocher aux élections municipales du 8 novembre :

« Au nom des sociétés ouvrières, nous tous membres de l'Internationale, électeurs du treizième arrondissement, avons l'honneur de recommander aux suffrages de nos frères les candidats à la municipalité dont les noms suivent et qui son tous trois membre de l'association: L. Meillet, Antoine Rocher, Émile Duval [...]. »

Émeutes place del'Hôtel de Ville de Paris, le 22 janvier 1871 (source : Le Monde Illustré du 28 janvier 1871)
Émeutes place del'Hôtel de Ville de Paris, le 22 janvier 1871 (source : Le Monde Illustré du 28 janvier 1871)

 

Duval ne semble pas intervenir dans les réunions « centrales » (3) mais il est délégué des Vingt arrondissements et signataire de l'Affiche rouge. On ignore son rôle exact dans les événements du 22 janvier 1871.

Selon H. Fiaux, rédacteur de l'ouvrage anonyme Histoire de l'Internationale par un bourgeois républicain (4),

« les chefs de section furent convoqués par le comité de la garde nationale et par le conseil fédéral ; trois cents d'entre eux environ, répondant à l'invitation, se réunirent le 21, à six heures du matin, à la salle Favié. [...] dans la réunion de la salle Favié, Greffier, membre du conseil fédéral, proposa de faire battre la générale et de marcher sur l'hôtel de ville ; cette proposition ayant été accueillie avec indifférence, la réunion fut dissoute après une distribution nombreuse de cartouches. Le lendemain, il y eut une seconde réunion dans le même local ; après une violente discussion, ceux qui se prononcèrent pour le mouvement et qui étaient en minorité se dirigèrent vers le Ba-ta-clan [...] Après s'être retirés à Belleville, les gardes nationaux furent convoqués pour dix heures du soir à Ba-ta-clan ». (5)

Et notre auteur cite quatre messages qui mentionnent une préparation active de Duval dans la préparation du 22. Deux d'entre eux plus deux autres sous forme d'articulets de journaux sans lieu ni date sont conservés dans les archives de la préfecture de Police :

« 19 janvier 1871

En cas de défaite de la garde nationale réunissez les sections le plus vite possible

Duval »

« Au secrétaire de la section XXX

 

« Paris 20 janvier 1871

Greffier doit se rendre au Ba-tac-lan et de là à la salle Favier. Réunissez y votre section et envoyez-y des hommes de bonne volonté.

Pour le conseil fédéral Duval - Ferré »

 

« Paris 22 janvier

Le citoyen Arnold à la tête des sections de Vaugirard et de la gare de Lyon marchera sur Mazas et délivrera les détenus politiques

Pour le Comité central Duval - Billioray »

 

« Paris, 22 janvier

Liberté, Égalité, Fraternité, Justice.

Le gouvernement de la défense nationale est décrété d'arrestation.

Tous les bons citoyens sont chargés de l'exécution du présent mandat. »

 

« Paris, 22 janvier

Le citoyen maire du XIVe arrondissement est invité à prendre en considération les ordres émanant du comité central de la garde nationale. (6)

Pour le comité Signé : Mégy. »

 

« Paris, 22 janvier 1871.

Les citoyens qui n'ont pas touché leur vivres sont invités à se rendre à la salle Favié ou à la mairie.

Signés Duval, Greffier »

Après une succession de défaites des troupes françaises, Jules Favre s'entretient avec Bismarck, les 23, 24, 26 et 27 janvier, et les négociations avec le général de Valdan aboutissent le 28 à la signature d'une convention d'armistice entre les autorités françaises et prussiennes. Les réactions dans la Garde nationale et dans l'armée sont unanimes d'indignation, d'amertume et de colère. Cette agitation et le mouvement de protestation même s'ils restent limités et désordonnés traduisent une prise de conscience de la force de la Garde nationale qui commence à s'emparer de son propre destin, ce que perçoit une partie de la hiérarchie militaire :

« Le but évident est de soustraire la garde nationale à l'action du gouvernement et de le tourner contre lui à un moment donné. » (7)

Il manque encore une coordination et une ossature.

Ce même jour, le 29, Le Rappel publie une déclaration de résistance de cinq bataillons de la Garde nationale de trois arrondissements de la rive gauche, XIIIe, XIVe et XVe, les 82e, 101e, 103e, 104e et 136e bataillons :

« En 1789, nos pères vainquirent l'Europe, sans pain, sans habits, sans souliers ; en 1871 nous capitulons n'ayant contre nous que la Prusse, quand nos arsenaux sont pleins d'armes et de munitions.

Manquons-nous d'hommes, honnêtes et énergiques ? Manquons-nous de soldats ? Manquons-nous d'armes ? Citoyens, Danton disait : frappez le sol du pied, il en sortira des armées. Nous disons frappez du pied et il en sortira des généraux [...] » (8)

Emmanuel Chauvière (1850-1910) en uniforme de Fédéré
Emmanuel Chauvière (1850-1910) en uniforme de Fédéré

 

Cet appel est le premier acte marquant une coordination entre les gardes nationaux des trois arrondissements et le début de l'action concertée de Duval avec ceux qui sont prêts à le suivre, Lucien Henry dans le XIVe et Emmanuel Chauvière dans le XVe notamment.

Duval figure parmi les candidats présentés par l'Internationale, les Vingt arrondissements et la Chambre fédérale des sociétés ouvrières aux élections du 8 février mais il n'est pas élu et à partir de cette date, il va approfondir la coordination systématique des activités des blanquistes dans trois arrondissements de la rive gauche, le XIIIe, le XIVe et le XVe, et des liens étroits se nouent avec Henry et Chauvière pour noyauter la Garde nationale des trois arrondissements. Plus tardivement un contact s'établira également avec le Ve.

Discours de Duval à une réunion de la barrière Montparnasse en 1869

« Il faut supprimer ce reste de féodalité qui ne s'appelle plus noblesse mais bourgeoisie... Nous voulons l'égalité des salaires, que la valeur de chaque chose soit basée sur le temps qu'on a mis à le produire... Nous voulons l'application du droit naturel, l'égalité ; nous supprimons l'hérédité, la propriété individuelle et le capital, qui ne peut exister sans travail. En 48, on a proclamé le droit au travail, nous proclamons l'obligation au travail. Que celui qui travaille mange, mais que celui qui ne travaille pas n'ait aucun droit... Par la collectivité plus de paupérisme. »

 

Théophile Ferré (1846 - 1871) - Photographie Appert (Source BNF)    Émile Eudes (1843-1888)   Photo d'Henry Lucien dit le général (185-1896) - Peintre ; colonel sous la Commune et artisan de l’insurrection dans le XIVe arr. Date et auteur inconnu
Théophile Ferré (1846 - 1871) - Photographie Appert (Source BNF) /  Émile Eudes (1843-1888) / Photo d'Henry Lucien dit le général (185-1896) - Peintre ; colonel sous la Commune et artisan de l’insurrection dans le XIVe arr. Date et auteur inconnu

Préparation de l'insurrection

Vers la mi-février, il entreprend le regroupement des forces de l'Internationale et des autres forces révolutionnaires sur la rive gauche, Jacques Rougerie indique par exemple :

« Le Panthéon, ce qui n'est pas du tout dans la nouvelle ligne, noue le plus possible d'alliances avec d'autres bons révolutionnaires ; Tardif forme par exemple autour de la section des groupes de libre pensée tandis que sa femme dirige un Comité de républicaines laïques et socialistes du XIIIe [...] Le Panthéon et le XIIIe (de l'Internationale) se reforment en s'unissant dès la fin février. Les membres du club (démocratique) et ceux de la légion garibaldienne se reconstituent fin février et début mars en une section qui porte provisoirement le nom de La Glacière (Le Vengeur, 27 février, Le Cri du Peuple, 6 mars). » (9)

À ce moment également, la coordination commence avec le XIVe que Lepelletier est le premier à souligner :

« Ce mouvement, dans deux arrondissements de la rive gauche, le XIIIe avec Duval et le XIVe avec Henry, deux chefs de bataillon s'efforçant de grouper, de préparer les bataillons dont ils étaient sûrs n'étaient pas une préparation à la guerre civile ; ils n'agissaient pas dans l'idée ou en vue d'une prise d'armes, à échéance fixe. On eût procédé ainsi, s'il y avait eu complot, mot d'ordre donné, et rendez-vous pris à l'avance. Il n'en était rien. Duval et Henry, ne s'organisaient qu'éventuellement, en vue d'une prise d'armes qui ne deviendrait nécessaire que si l'Assemblée tentait, comme on le craignait, de renverser la République, ou d'introduire un prétendant, d'Aumale ou le Comte de Paris. Aucun de ces deux chefs de légion, nul de leurs camarades du Comité central n'eurent un moment la pensée que leurs bataillons seraient, quelques heures plus tard convoqués pour le service des barricades, pour la mise en état de défense des rues et avenues de leurs quartiers. » (10)

Fin février, Duval devient président d'un « Comité Révolutionnaire de Vigilance » dans le XIIIe dont la tâche est de s'occuper de l'armement de la Garde nationale et de réorganiser les compagnies que certains officiers avaient quittées. Ses adjoints sont : Jolivet, Denis, Delage, Paty, Ducouvray, Faure, Ducroc et Baudel. (11) Ce comité applique clairement les résolutions des différents Comités de vigilance de Paris d'inspiration blanquiste réunis en assemblée les 20 et 23 février :

« Les Comités de vigilance dans chaque arrondissement vont immédiatement procéder à leur reconstitution, en laissant à l'écart les éléments dont le tempérament ne serait pas suffisamment socialiste révolutionnaire ».

Jean-Claude Freiermuth fait remarquer à juste titre que Duval a choisi par le « biais des délégués de la Garde nationale » de former son Comité de vigilance et d'autre part qu'il est « indépendant ». Il utilise « les moyens que la Délégation et le Comité central mettent à sa disposition. Mais Duval est et reste un blanquiste. Ce qu'il cherche, c'est rassembler le plus d'hommes possible. C'était déjà son talent sous le second Empire ».

Il est peut être en liaison avec le Conseil général de l'Internationale, il est possible qu'il reçoive en effet début mars une lettre de Eugène Dupont lui demandant d'écarter Assi pour ne pas le laisser « prendre une trop grande influence sur le comité central de la garde nationale » de confier « le commandement des sectionnaires les plus résolus à Greffier ou à Van Ghell », de mettre Flourens « à l'état-major » et de donner « le commandement supérieur à Cluseret » tout en le surveillant. (12)

Prussiens, place de la Concorde, Paris, le 1er et 2 mars 1871 - Photo d'Eugène Appert (Source : © Paris - Centre de documentation, Musée de l'Armée)
Prussiens, place de la Concorde, Paris, le 1er et 2 mars 1871 - Photo d'Eugène Appert (Source : © Paris - Centre de documentation, Musée de l'Armée)

 

Le 1er mars, jour de l'entrée des Prussiens dans Paris, deux compagnies de gardes nationaux « en armes » attaquent le poste de police de la rue de l'Ouest et forcent les gardiens de la paix qui ont tenté de résister à se replier avec plusieurs blessés, sur la caserne de la rue de Tournon. Le même jour, vingt neuf agents et un officier de police, Recel, sont faits prisonniers au poste de la rue du Château, rue de Cambronne, un gardien de la paix est tué par trois gardes nationaux.

Le 3 mars, « le 103e bataillon (du XIVe) se présente en armes au Luxembourg pour enlever un canon ; on réussit à gagner du temps sans livrer la pièce réclamée mais on est obligé pour éviter un conflit, de laisser la garde du Luxembourg à la Garde nationale. »

Ce même jour, plusieurs centaines de gardes nationaux (13) des 102e, 176e, 184e et 185e bataillons sous les ordres de François Charlier et de Antoine Fabre encerclent la manufacture des Gobelins qui abrite de la poudre et des munitions dans ses caves (14). Le directeur, le chimiste Chevreul négocie l'évacuation sans leurs armes des 70 gardiens de la paix et 40 douaniers qui la protègent. Les armes et munitions saisies sont portées à la mairie. Le soir entre dix heures et demie et onze heures et demie, le poste de police des Gobelins est attaqué par quatre bataillons de la Garde nationale, les trois escadrons de gardes républicains venant des casernes de la rue Mouffetard, de la Cité et des Célestins envoyés en renfort arrivent trop tard, les armes ont été dérobées. Charles Yriarte écrit que ce soir là

« la lutte ne s'engagea point ; l'officier des Gobelins qui pouvait avancer de quinze jours l'explosion, finit par une sorte de transaction, les soldats qui tenaient le poste, de toute part cernés par une foule très supérieure en nombre, se replièrent et conservèrent leurs armes. » (15)

Dans la soirée des gardes nationaux en armes arborant le drapeau rouge se présentent à la prison de Sainte-Pélagie et réclament l'élargissement de tous les prisonniers politiques, les troupes qui occupent le poste de garde s'opposent énergiquement et les gardes nationaux doivent se retirer. D'autres gardes nationaux munis d'ordre du Comité central « provisoire » de la Garde nationale se présentent dans divers postes et exigent la remise d'armes et de munitions, au 4e secteur, poterne des Poissonniers et à l'Arsenal les gardes à l'intérieur refusent. Le soir, des gardes nationaux du 3e secteur s'emparent « de 29 obusiers de 15 centimètres, à âme lisse » et les portes du bastion 25 sont enfoncées et « plusieurs barils remplis de charges enlevés sur des voitures ».

Le 4 mars, la caserne de la rue Mouffetard est évacuée par les gardes républicains, et tous les gardiens du VIe arrondissement devant les menaces, doivent se replier sur la caserne de Tournon. En même temps, ceux des Ve et XIIIe arrondissement se regroupent sur la préfecture de police. Le ministre de la Guerre télégraphie :

« Une insurrection criminelle s'organise en ce moment à Paris »

et l'agence Havas publie la dépêche suivante :

« Les insurgés parisiens sont maîtres de la rive droite, le général Vinoy retranché sur la rive gauche attend le général de Paladines et les 40 000 hommes de renfort [...] »

Le journal La Patrie indique le 5 mars :

« Le Gouvernement vient enfin d'apercevoir qu'à Paris, dans le monde des prétendus républicains à outrance, on a ouvertement inauguré l'anarchie. »

Ce même jour Duval qui n'est encore que simple garde au 176e bataillon, s'intitule « Commandant supérieur de la Garde nationale du XIIIe arrondissement » et se rend avec un détachement aux fortifications du 9e secteur, il en rapporte 26 canons qu'il fait disposer devant la mairie. II installe son poste de commandement au 5 avenue d'Italie « dans une vieille maison abandonnée et dépourvue de mobilier ». L'état-major du 9e secteur de la Garde nationale quitte son siège avenue d'Italie et s'installe rue d'Ulm :

« Les officiers avaient des réunions, ils se réunissaient au Comité fédéral. Il y a eu des affiches sur lesquelles on engagea les officiers à se réunir à telle heure pour nommer leur chef. Le Comité a nommé Duval chef de secteur, j'étais au numéro 13, Duval au numéro 5, cela faisait un double service. » (16)

Le 5, Duval signe en tant que « commandant en chef du XIIIe arrondissement » un ordre à Charlier commandant du 185e bataillon de « disposer les compagnies de piquet », « de prendre immédiatement le service des postes et poudrières existant aux remparts et de ne laisser toucher aux munitions à moins qu'un pouvoir émanant de la place soit aux mains des demandants [...] ». II convoque également le commandant du 134e bataillon, Thierce au commandement du 5 avenue d'Italie « pour des affaires concernant le secteur ». Le capitaine Paty commandant de la 1ère compagnie du 134e bataillon entre alors en rébellion et refuse de suivre désormais les ordres de Thierce. Il commande au bataillon de le suivre au secteur de Duval. Il est obéi sauf par deux compagnies sédentaires, et le capitaine Grosjean et le sous-lieutenant Cayol se rangent avec trois compagnies sous les ordres de Duval. Le commandant du 9e secteur, le colonel Le Mains en réfère au général Vinoy qui signe des mandats d'arrêt contre Duval, Paty, Cayol et Grosjean et les confie au commandant Thierce. Duval se désigne alors comme commandant du 134e et désigne Paty comme chef d'état-major.

Le 6, Duval « prie » le commandant du 176e bataillon Vezin d'installer les deux premières compagnies de marche « de piquet autour de la mairie et des pièces », les deux autres « de garde, poste des Gobelins » et les compagnies sédentaires « autour de la mairie et derrière ». Il convoque également à l'école des Frères, rue du Moulin-des-Prés, les hommes du 134e « vu le refus de service manifesté par son commandant (Thierce) ». Thierce adresse la convocation au colonel Le Mains en ajoutant :

« Les armes sont appelées à servir dans un moment plus ou moins rapproché, les officiers doivent réclamer à leurs gardes le nettoyage immédiat de leurs armes ».

Le rapport est aussitôt transmis à Vinoy et Le Mains signale :

« Ce rapport prouve une fois de plus combien il est urgent de faire arrêter le nommé Duval si on veut que l'ordre ne soit pas plus longtemps menacé. »

Le 6 mars également, le Comité central « provisoire » de la Garde nationale décide le « transfert » place de la Corderie.

Le lien de Duval semble établi à ce moment avec le Comité central de la Garde nationale puisque le 6 mars et pour la première fois, on trouve un ordre donné en son nom et à celui du « Commandant supérieur de la Garde nationale du XIIIe arrondissement » :

« Au nom du Comité central de la Garde nationale, requérons la remise des pièces suivantes au chef de la troupe qui se présente pour le service des pièces du rempart actuellement à la mairie du XIIIe arrondissement.

6 mars 1871

Pour le Commandant supérieur de la Garde nationale du 13 arrondissement »

Le 7, Duval convoque tous les commandants de bataillon et il leur annonce qu'il refusera de payer la solde des gardes qui ne marcheraient pas avec lui. Sept chefs de bataillon refusent de le suivre, les 40e, 42e, 43e, 97e, 98e, et 251e. Dans la nuit du 7 au 8, Thierce est arrêté et emmené au local de l'avenue d'Italie et les mandats d'arrêt saisis sur lui, il est relâché après avoir été menacé. Dans la journée Paty, Cayol et Grosjean sont suspendus par ordre de Vinoy et d'Aurelle de Paladine, et Duval « garde au 134e bataillon » est rayé des contrôles.

Affiche placardée le 9 mars 1871 de la Fédération de la Garde nationale - État-major du XIIe arrondissement - Signée É. Duval cheh de la commission du XIIIe (source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr)
Affiche placardée le 9 mars 1871 de la Fédération de la Garde nationale - État-major du XIIe arrondissement - Signée É. Duval cheh de la commission du XIIIe (source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr)

 

Dans l'après-midi du 8, le gouvernement tente en vain d'enlever les canons du Luxembourg, craignant un coup de force identique Duval, dans la nuit fait transférer les 26 canons qui garnissent le petit tertre entourant la mairie du XIIIe, dans l'enclos de l'école des Frères et il s'en explique dans une affiche placardée le 9 :

« on nous a amené des canons et nous les entourons de nos faisceaux pour empêcher qu'on les tourne contre nous. »

Cette affiche signée par « le chef de la Commission du XIIIe arrondissement : É Duval » et les « commissaires adjoints » (du Comité révolutionnaire de Vigilance) marque l'adhésion définitive de Duval au Comité Central puisque son en tête est faite au nom de la « Fédération de la Garde nationale ».

Un ordre d'informer en date du 9 mars, sur rapport du 5 mars est signé d'Aurelle de Paladine et un dénommé Mouillefarine est mandaté pour instruire sur Duval, Cayol, Paty et Grosjean mais bien évidemment aucun effet n'en résulte. Tous les quatre sont poursuivis devant le Conseil de guerre par ordre de Thierce. Ayant reçu notification de sa mise en accusation, Paty réagit de façon désinvolte :

« Je continuerai à commander ma compagnie tant que mes gardes qui m'ont nommé ne me révoqueront »

et Paty rappelle à Thierce qu'il lui doit sa libération de la nuit du 7 :

« N'oubliez pas que je vous ai sorti d'un grand embarras maintenant je ne réponds de rien... Vu que vous avez forfait à votre parole d'honneur. » (17)

Les autorités comprennent la gravité de la situation et un ordre est donné « toute affaire cessante » de faire arrêter

« Duval, Paty, Cayol, et autres drôles qui nous assomment. La préfecture a ordre d'exécuter vos mandats à tout prix, même d'une émeute ».

Le 9 mars, la première réunion convoquant les gardes nationaux pour l'élection de délégués à la Fédération de la garde nationale est annoncée comme un ordre militaire d'autorité plus que comme une résolution démocratique librement débattue :

9e Secteur de la défense de Paris Gobelins

Rapport du 9 mars 1871

Ordre du jour

Chaque Compagnie nommera sur les rangs un délégué pour les représenter à l'assemblée générale de la garde nationale. Cette élection aura lieu au moment de la solde, tous les officiers du bataillon s'assembleront pour procéder à l'élection d'un officier pour représenter le bataillon.

Le chef de bataillon devra assister à l'assemblée générale ou y envoyer un remplaçant muni d'un pouvoir. L'assemblée générale aura lieu salle du Waux-hall (rue de l'Entrepôt) demain à midi.

Nota : Les citoyens qui auront été nommés comme délégués devront s'adresser à l'État-major de la place, avenue d'Italie n°5 afin de venir chercher un pouvoir d'[illisible]

Cachet : République Française – 13e arrondissement - État-major de la Garde nationale

 

Le 10 mars, une nouvelle assemblée parisienne de délégués adopte une proclamation réaffirmant le caractère libre et démocratique de la Garde nationale, lance un appel à l'armée régulière l'invitant à fraterniser et refuse toute autorité au général d'Aurelle de Paladines. L'assemblée invite le Comité provisoire à

« provoquer dans le plus bref délai la mise à exécution et le fonctionnement des statuts, de manière à ce que, sortant du provisoire, la Fédération soit enfin constituée d'après le principe tutélaire du suffrage universel. »

Le même jour le Comité exécutif provisoire adopte les statuts définitifs du Comité central de la Garde nationale.

Le 11 mars, les délégués de la XIIIe légion appliquant ces résolutions procèdent à l'élection d'un chef et d'un conseil de légion en séance publique, Duval est élu presque à l'unanimité. Il est assisté d'un conseil de légion. (18) II ordonne au 134e d'occuper le poste de la Glacière. Le même jour Duval assiste dans le XIVe à une heure, à la salle du Club de la Maison-Dieu, à une assemblée générale des délégués de la Garde nationale de la XIVe légion au cours de laquelle Lucien Henry est élu chef de légion. Avec Faltot, vieux républicain sympathisant des blanquistes et Chauvière dans le XVe, Duval tient trois arrondissements de la rive gauche.

Barricade de la rue de Flandre ( Salle de la Marseillaise ), 18 mars 1871 - Photographe anonyme  (source : © Musée Carnavalet – Histoire de Paris)
Barricade de la rue de Flandre ( Salle de la Marseillaise ), 18 mars 1871 - Photographe anonyme (source : © Musée Carnavalet – Histoire de Paris)

L'insurrection

Le 18 mars au matin, la XIIIe légion reçoit l'ordre du Comité central avec la Ve, et la XIVe de se tenir à la disposition de Duval qui doit « réunir tout ce qu'il pouvait pour s'emparer de la préfecture de Police [...] »

Dès le matin, Duval méthodiquement organise l'occupation du XIIIe. Jules Ferry envoie aux différentes autorités (Police, Affaires étrangères et Garde nationale) le télégramme suivant :

« Le canon que vous avez entendu ce matin et il y a une heure est celui des Gobelins. Les gardes nationaux du prétendu général Duval ont tiré à blanc, mais ils ont des munitions. Une quinzaine de pièces sont disposées autour de la mairie du XIIIe, dans la direction des avenues. Le général Duval recrute les gamins du quartier, leur donne des pioches pour construire des tranchées. Le quartier, à peu près dépourvu de troupes, appartient absolument au comité central et Duval y règne en maître. Trois gendarmes, envoyés en ordonnance sont captifs dans la cour de la mairie ».

Vers 10 heures, plus optimiste Jules Ferry télégraphie à l'état-major de la place Vendôme :

« Le maire du XIIIe arrondissement vient d'arriver ; il demande où il peut s'adresser pour avoir un piquet et quel est le nouveau secteur ; répondez-moi de suite. D'après le maire, les canons sont moins nombreux que ne le portait le précédent rapport. Pas d'écouvillons, munitions mouillées, rien de sérieux; mais à mon avis il faut veiller et envoyer là un bon piquet ».

À 10 h 45, le général Valentin télégraphie :

« [...] au XIIIe arrondissement, l'usine de M Say est envahie par le 133e bataillon. »

Sous les ordres de Duval, établi au Panthéon dans le courant de l'après-midi, des compagnies des 82e, 101e, 131e, 136e, 176e, 118e, 119e et 248e bataillons descendent la rue Soufflot, le boulevard Saint-Michel et suivent le quai des Augustins. Elles occupent la gare d'Orléans, le Jardin des Plantes et l'Entrepôt. À 17 h 45, le général Valentin télégraphie :

« Les 82e et 131e bataillons semblent se diriger sur la préfecture avec des intentions hostiles ».

À l'angle de la rue Séguier, la troupe s'arrête et une poignée d'hommes est envoyée en avant, ils n'ont aucun mal à entrer dans la préfecture qui est occupée complètement vers onze heures du soir.

« Quelques gardes du bataillon restèrent à la préfecture : l'un des frères Da Costa, le père Lardeur, ancien député de 1852, son fils qui était sergent-major, Reille, ancien officier de mobiles et quelques autres ». (19)

Dans la nuit, Fabre qui siège au Comité central depuis le 3 mars, écrit de la mairie du IVe arrondissement :

« Ordre est donné au Ve arrondissement de s'unir immédiatement au XIIIe pour prendre possession des forts de Bicêtre, Ivry et Choisy le Roi où les Prussiens doivent passer la nuit ».

L'ordre est confirmé le 19 au matin :

« Ordre est donné au Ve et XIIIe arrondissements de prendre possession des forts de Bicêtre, Ivry et Choisy-le-Roi - Fabre, Gouhier, Lullier général en chef ».

Affiche de la Commune de Paris du 24 mars 1871 - Nomination de Brunel, Eudes et Duval ((source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr)    Affiche de la Commune de Paris (après le 24 mars 1871) des généraux commandants Brunel, Duval et Eudes ((source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr)
Affiches de la Commune de Paris du 24 mars 1871  - (source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr) - à gauche, nomination de Brunel, Eudes et Duval et à droite affiche des Généraux Commandants

Duval communard

Le 19 mars, Duval est désigné par le Comité central comme délégué à la préfecture de Police avec Raoul Rigault. Le 24 mars, Eudes et Duval avec Brunel sont nommés par le Comité central, délégués à la Guerre avec le grade de général. (20)

Il déclare :

« Paris, depuis le 18 mars n'a d'autre gouvernement que celui du peuple : c'est le meilleur. Jamais révolution ne s'est accomplie dans des conditions pareilles à celle où nous sommes. Paris est devenu ville libre [...] ».

Le 26, il est élu membre de la Commune par le XIIIe avec 6482 voix sur 8100 votants, il fait partie de la Commission exécutive de la Commune avec Eudes, Bergeret, Lefrançais, Pyat, Vaillant et Tridon, chargée de faire appliquer les décrets de la Commune et les arrêtés des autres commissions. (21) Il est également membre de la Commission militaire avec Eudes, Bergeret, Chardon, Ranvier, Pindy et Flourens. Le 28, il donne l'ordre à Chardon de s'emparer des canonnières mouillées près de Javel et de les ramener au centre de Paris afin de les soustraire « aux manoeuvres de la réaction ». (22)

L'origine de la marche sur Châtillon

Dés le 20 mars, les journaux annoncent une possible « marche sur Versailles ». Par exemple, le journal anglais The Standard du 21 mars écrit :

« Télégrammes [...]

Paris 20 mars :

Le bruit a couru que le la Garde nationale avait l'intention de marcher sur Versailles ».

Toute la semaine, on en parle dans les Clubs :

« [...] Hier au club de la Marseillaise (dans le XIXe) on parlait très haut de la marche sur Versailles. Je crois du reste que demain l'Internationale doit agiter la question à la salle Robert, la même proposition est faite par Bavois et Tapie mais on veut attendre la formation des bataillons de marche et des batteries de mitrailleuses afin de ne pas se faire surprendre. » (23)

Selon Maurice Dommanget :

« Avec Brunel et les blanquistes du Comité central tels qu'Eudes, Faltot, Duval et son aide de camp le chaudronnier Chardon, Édouard Moreau eût voulu réduire les forces non fédérées qui s'agitaient encore dans la capitale, puis organiser une expédition contre Versailles. Eudes avait proposé, dans la nuit du 18 au 19, la marche sur Versailles. [...] Hors du Comité central, d'autres blanquistes tels Jaclard et Th. Ferré. Ce dernier criait, monté sur le char funèbre du premier garde national tué à la Butte Montmartre : « À Versailles ! » et ce cri de combat trouvait un écho dans la foule résolue à venger le mort ». (24)

Jules Bergeret (1831-1905)  Jean-Baptiste Chardon (1839-1898)  Jean-Louis Pindy (1840-1917) en 1871, photographie Atelier Charles Reutlinger  Gabriel Ranvier (1828-1879) à Londres (détail), vers 1875, photographie Appert, collection particulière

Jules Bergeret (1831-1905) /  Jean-Baptiste Chardon (1839-1898) /  Jean-Louis Pindy (1840-1917) en 1871, photographie Atelier Charles Reutlinger /  Gabriel Ranvier (1828-1879) à Londres (détail), vers 1875, photographie Appert, collection particulière

Les Communards se préparent

Le 29 mars, les membres de la Commission militaire tentent d'établir une chaîne de commandement digne de ce nom :

Le roulement de services militaires de la Place de Paris sera tous les jours par l'état-major de la place Vendôme et le mot d'ordre partira de la même place. À cet effet, les chefs de légion pour les légions organisées et les chefs de bataillon pour celles qui ne le sont pas encore enverront tous les jours à 9 heures du matin à l'état-major de la place Vendôme (Bureau de service), un capitaine adjudant-major pour y prendre le service du lendemain, à 9 heures du soir un adjudant sous-officier pour le mot d'ordre. Tout ordre de service et tout mot d'ordre émanant d'un autre service seront considérés comme nuls et leurs auteurs rigoureusement poursuivis.

Général Bergeret commandant la Place de Paris membre de la commission militaire, chargé de l'exécution du présent décret.

Paris 29 mars 1871

Les membres de la Commission militaire Pindy Eudes Bergeret Duval Chardon Flourens Ranvier 

 

Le 31 mars seulement, Bergeret, Eudes et Duval (25) signent l'ordre de réorganisation de la Garde nationale en compagnies de marche et sédentaires. Ce dispositif reprend le principe posé par le décret du 8 novembre 1870 de la séparation entre les deux catégories de compagnies, les quatre premières compagnies de chaque bataillon, obligatoirement composées avec les célibataires et les veufs sans enfants âgés de 20 à 45 ans formant les compagnies de guerre :

Ordre du 31 mars 1871 - Garde nationale du Département de la Seine - 1ère armée - État-major Général – Secteur

Ordre est donné à tous les bataillons de la Garde nationale de reformer les compagnies de marche dans les anciennes conditions

Signé Général É. Eudes - Général Bergeret - Général É. Duval

Cachet rouge : Commune de Paris - Commission exécutive

Cachet rouge : Général commandant la Place de Paris. 

 

Ce n'est que le 1er avril, que les chefs de légion sont convoqués à un conseil de guerre place Vendôme pour préparer l'offensive :

« Le 1er avril, autant qu'il m'en souvienne, je fus appelé avec les autres chefs de légion, à un conseil de guerre à l'État-major de la place Vendôme : c'est probablement là que fut élaborée et résolue la marche sur Versailles qui coûta la vie à Flourens ; j'y passai environ deux heures [...] » (26)

Eudes confirme cette préparation « tardive » :

« La sortie du 3 avril fut arrêtée en séance de la Commission exécutive du 31 mars et le 1er avril. Le plan développé par moi fut développé dans la séance du 1er avril [...] » (27)

Cluseret ajoute :

« Eudes m'apprit qu'accompagné de Duval et Bergeret (à la suggestion de ce dernier), il avait à l'insu de la commission exécutives (28) décidé de faire un mouvement général sur Versailles. Je demandai quelles étaient les ressources de la Commune pour une telle attaque. Eudes me présenta les chiffres suivants qui prouvaient sa complète ignorance de l'état réel des effectifs. Bergeret et Flourens auraient 80 000 hommes et 80 pièces d'artillerie. Duval presque autant et Eudes davantage. Selon lui il devait y avoir 200 000 hommes en mouvement. En fait il n'y en avait pas 60 000 et dans quelles conditions » (29).

À l'impréparation matérielle qu'il faut cependant nuancer, il faut ajouter l'impréparation du commandement et les désordres provoqués par les changements constants d'état-major de compagnies, les départs pour Versailles, la faible autorité de certains nouveaux élus ou leur inexpérience. Le colonel Henry, chef de la XIVe légion, commandant 10 bataillons, 1 bataillon de sapeurs-pompiers, 1 bataillon de vétérans, 1 compagnie de génie, des services auxiliaires, a 21 ans, aucun passé ni expérience militaires ! Il n'est même pas sûr que dans toute cette affaire, il ait tiré une seule cartouche !

Sur les arrondissements de la rive gauche, deux légions sur cinq ne connaissent pas de difficultés de commandement et d'organisation: la XIIIe et la XIVe !

Dans le VIe arrondissement peu touché par l'insurrection, Adolphe Doé (30), délégué militaire du VIe, délégué au Comité central écrit le 31 mars qu'il y a que trois bataillons mobilisés, les 83e, 84e, et 85e et que « nous sommes organisés par bataillons et non par légion. » Le 3 avril, il est mentionné par l'état-major en marge d'une de ses lettres :

« Il n'y pas de chef de légion dans l'arrondissement. »

3 avril 1871 – Plaines de Nanterre, les  fédérés sont repoussés par les versaillais (source : Le Monde Illustré du 8 avril 1871)

3 avril 1871 – Plaines de Nanterre, les fédérés sont repoussés par les versaillais - Dessin dde Robida (source : Le Monde Illustré du 8 avril 1871)

 

Le 4, il écrit que

« sur 6 bataillons je n'en possède plus que 2 qui ont leur surcroît de service. Il n'y a pas de chef de légion mais un chef de bureau militaire du VIe arrondissement. » (31)

De fait le chef de légion ne sera élu que le 12 avril !

Dans le XVe, la confusion règne. Le 30 mars, le Comité de légion décide de révoquer Andignoux et Gaudier du Conseil de légion et du Comité central « pour refus de rendre des comptes », la mesure devenant effective « après le danger passé ». (32)

Dans le Ve la situation est encore plus confuse puisque trois autorités sont en conflit, le chef de légion élu Blin, le conseil de légion et son président Allemane et la municipalité dont le « maire » est Régère. Allemane écrit :

« La légion se trouve sous le commandement d'un sieur Blin, dont les antécédents militaires ou civiques sont complètement ignorés de tous. D'où vient cet homme dont, on a fait un colonel de légion, ce qui correspond au grade de général de brigade ? Tout le monde l'ignore, excepté probablement le gouvernement de Versailles. On dit qu'il a été placé là par Lullier et que Régère l'y maintient. Tous les cadres sont désorganisés ; l'équipement, l'armement des bataillons sont dans un état déplorable [...] » (33).

Dans une lettre du 28 mars, Allemane prévient

« les délégués de cercles de bataillons qu'il n'y aura pas d'élections de chef de bataillon jusqu'à nouvel ordre. Un capitaine désigné prendra le commandement par intérim » (34).

Le 28 mars sur initiative de Allemane et du commandant du 59e bataillon, Féray, est nommée une délégation de la Ve légion pour réorganiser le Comité de légion dont Allemane est élu président le 1er avril et dont il reconnaît qu'il ne connaît pas exactement les attributions. Le 30 mars, le conseil de la Ve légion écrit à Bergeret pour lui signaler la mauvaise transmission des ordres :

« Citoyen, depuis plusieurs jours des ordres ont été transmis directement aux commandants de bataillon, il en est résulté ceci. C'est que tel bataillon que vous commandiez étant de service, il lui était impossible d'exécuter vos ordres. Nous demandons que les ordres soient adressés directement au colonel de la légion et sans distinction et sans indication de numéros pour éviter toute confusion. ».

De la même façon, le commandant de la Ve légion (Blin ?) télégraphie la veille de l'offensive :

« Reçu ordre de la place de battre la générale. Pourquoi s'adresser au maire quand il y a des chefs de légion. » (35)

Duval est obligé d'intervenir lui-même pour rétablir l'autorité de certains chefs de bataillon :

« Quelques bataillons ayant nommé leurs officiers à une très faible majorité, le Comité (central) sur la proposition du citoyen Duval déclare que tout le monde doit accepter les chefs nommés à l'élection. Ils ne peuvent être remplacés que si le Comité d'accord avec les gardes, les suspend de leur fonction. » (36)

Duval en bon blanquiste militant a commencé à réorganiser la Garde nationale mais comme il veut en même temps mener à bien les tâches à la préfecture, il n'aboutira pas à grand chose et la perspective d'une bataille avec les troupes versaillaises, de ce point de vue, est soit le résultat d'un orgueil démesuré, soit d'une profonde immaturité. On constatera le mélange des genres dans le communiqué suivant :

Sous comité de la Garde nationale - Séance du 28 mars - Présidence du citoyen Bergeret

Le général Duval propose de mette à l'ordre du jour certaines mesures d'ordre et de sûreté. En face de l'attitude de la réaction et du gouvernement de Versailles, il est bon d'assurer l'avenir de la Révolution et de la Commune. Dans ce but, tous les gardes nationaux qui voudront conserver leurs armes et leur solde devront faire chez leur sergent-major et sur un livre spécial, une déclaration d'adhésion au Comité. Tous les réfractaires seront immédiatement désarmés. Des souliers et effets d'habillement seront distribués à ceux qui en manquent Les secours continueront à être payés aux gardes nationaux nécessiteux. Les gardes nationaux adhérents au Comité seront seuls employés à la garde de la cité.

Les agents de police seront supprimés.

Les services spéciaux de sûreté générale et des mœurs seront supprimés temporairement et ne pourront être rétablis que dans le but d'assurer la paix publique et avec de profondes modifications, la sûreté du pays ne devant pas entraver la liberté particulière.  (37)

 

Le 30 mars, Henry Prod'homme chef d'état-major de la Place envoie le capitaine Gobillard en tournée d'inspection de la porte de Billancourt à la porte Maillot, son rapport ne signale aucun mouvement suspect.

Le 1er avril à 4 heures du matin, Henry Prod'homme fait savoir à la Commission exécutive à l'Hôtel-de-Ville que des renforts ont été dépêchés auprès de Bergeret. À 7 heures et quart, il annonce :

« [...] Officiers d'état-major de leur excursion jusqu'au Pont de Sèvre tout va bien, rien n'a eu lieu [...]. Alarme inutile. Tout bien gardé »

Ce même jour Eudes est nommé par la Commission exécutive au commandement des XIe, XIIe, XVIIIe et XIXe Légions :

« Commune de Paris - Commission exécutive - Nomination du général Eudes au commandement des 11°, 12, 18 et 19 légions. Il devra s'entendre avec les chefs de ces légions pour faire exécuter ses ordres.
Général E. Duval, Vaillant, G. Lefrançais Général Eudes 1er avril 1871 » (38)

Cette nomination tardive au dessus des chefs de légion régulièrement élus n'est pas de nature à faciliter la trans- mission des ordres vers les braves gardes nationaux déjà bien rebelles à tout ordre émanant de leurs propres chefs !

Maison dans laquelle a été arrêté le général Duval et arbre contre lequel il a été fusillé, Châtillon. Blancard, Hippolyte , Photographie entre 28-01-1871 et 16-03-1871 (Source : © Paris Musées / Musée Carnavalet) 
Maison dans laquelle aurait été arrêté le général Duval et arbre contre lequel il aurait été fusillé, Châtillon. Blancard, Hippolyte , Photographie entre 28-01-1871 et 16-03-1871 (Source : © Paris Musées / Musée Carnavalet)

Partie 2

Questions sur la mort d'Émile Duval, général de la Commune

Nous avons suivi dans la première partie le rôle d'organisateur joué par Émile Duval, cet ouvrier fondeur qui, à 30 ans, se voit désigné par le Comité central de la Garde nationale, délégué à la guerre avec le titre de général. C'était le 24 mars 1871. Deux jours après, il est élu membre du Conseil de la commune. Il entreprend alors la réorganisation de la Garde nationale et se lance témérairement mais déjà bien tard, trop tard, dans une expédition contre les Versaillais qui ont eu le temps de se réorganiser.

La mort de Émile Duval est un des épisodes les plus cités et les plus mal connus de l'histoire de la Commune.

Il faut écarter en premier lieu l'histoire mille fois rapportée et totalement fantaisiste due probablement à la plume alerte de Vallès dans Le Cri du Peuple du 6 avril, de la rencontre entre Duval et Vinoy qui l'apostrophant, lui demande ce qu'il aurait fait à sa place. (39)

Où Duval a-t-il été arrêté ?

Après avoir vainement tenté de bousculer les troupes versaillaises, Duval et son état-major avec un millier d'hommes environ se replient dans la soirée du lundi 3 avril 1871 sur le plateau de Châtillon soutenus par l'artillerie du fort de Vanves pour passer la nuit dans la redoute. Selon Vuillaume,

« là étaient réunis : Chardon, Schneider, Henri Menet, Lucien Henry, Sebourg, Collier (en réalité Caullier) de la 14e légion ; Lecœur, Mézirard, Ledrux chefs des 103e, 104e et 136e. Pas un membre du Comité central n'était là. Duval, assis près d'une table semblait désemparé. À peine répondait-il aux quelques questions qui lui étaient posées en vue des mesures à prendre pour la nuit. Il ne s'était pas reposé depuis quarante-huit heures. II paraissait exténué. Il refusa de quitter le plateau pour se mettre à l'abri sous le feu des forts. Il avait certainement déjà pris la résolution de ne pas rentrer vivant à Paris » (40)

Eudes écrit :

« Un officier d'état-major se rendit à la redoute de Châtillon et trouva Duval dormant paisiblement dans une casemate convaincu que dans la redoute, il était à l'abri
de toute surprise. Il était cinq heures du matin, l'officier revint à mon quartier-général à cinq heures et demie [...] » (41)

Peut-être Duval a-t-il appris la nomination de Cluseret comme délégué au ministère de la Guerre et son remplacement ainsi que celui de Bergeret et Eudes par Delescluze, Vermorel et Cournet à la Commission exécutive ? Cluseret dans ses mémoires fait remarquer à juste titre l'absurdité de ce message en pleine offensive et le parti que pouvait en tirer les Versaillais.

À partir de cinq heures et demie du matin le 4 avril, après un déluge de tirs, les Versaillais envahissent le plateau de Châtillon et entreprennent d'encercler la redoute.

L'assaut est mené par le 109e, commandé par Derroja du côté de Fontenay-aux-Roses et les 70e et 7e de marche de la brigade Pechot de front, le 19e chasseurs à l'arrière, appuyés par deux batteries de douze.

À 300 mètres environ, les Versaillais chargent à la baïonnette. À huit heures, la redoute est prise par quatre compagnies du 1er et du 2e bataillons du 70e de marche, Lucien Henry, le colonel de la XIVe légion est arrêté dans la redoute par des soldats du 1er bataillon, vers huit heures et quart, le commandant Dabadie arrive dans la redoute.

Duval est sorti de la redoute. Peut être pour organiser une riposte avec une partie des défenseurs du plateau qui réussissent à se replier avec leurs mitrailleuses vers le village à l'abri de murs et tirent sur les Versaillais. Il n'est probablement pas arrêté à proximité de la redoute car il serait tombé entre les mains des hommes du 70e mais plutôt vers le village de Châtillon ratissé par les hommes du 19e chasseurs. Il aurait pu se réfugier dans une maison au bas de Châtillon. L'Ami de la France du 6 avril indique qu'il est fait prisonnier en s'échappant « dans la direction de Paris. »

2 avril 1871 – Barricade du pont de Neuilly, l’attaque des versaillais. – Dessin de Vierge (source : Le Monde Illustré du 8 avril 1871)
2 avril 1871 – Barricade du pont de Neuilly, l’attaque des versaillais. – Dessin de Vierge (source : Le Monde Illustré du 8 avril 1871)

À quelle heure a-t- il été arrêté ?

On possède quelques récits de l'attaque du plateau qui a dû être pris définitivement vers sept heures. On peut estimer que Duval est arrêté entre six heures et huit heures le mardi 4 avril. (Je tiens pour fantaisiste, le lieu, les Moulineaux, et la date de midi avancés par Henri Bellanger dans Hommes et choses du temps de la Commune).

Comment est mort Duval ?

Les témoignages sont plus ou moins contradictoires, Nous les présentons en vrac avant d'en tirer une conclusion vraisemblable.

La version la plus simple est celle du Gaulois du 5 avril :

« Quelques instants après (son arrestation) il (Duval) était fusillé ainsi qu'un officier de son état-major et un commandant »

et le journal poursuit :

« C'est au coin de la route de Choisy à Versailles au Petit-Bicêtre que le général Duval aurait été fusillé avec un lieutenant-colonel et un capitaine d'état-major de la Commune. »

Une seconde version est rapportée dans une lettre anonyme « d'un détenu de Brest au journal La Liberté de Bruxelles » :

« On nous dispose en cercle sur le plateau et on fait sortir de nos rangs les soldats qui s'y trouvaient. On les fait mettre à genoux dans la boue et, sur l'ordre du général Pellé, on fusille impitoyablement, sous nos yeux, ces malheureux jeunes gens, au milieu des lazzi de MM les officiers qui insultaient à notre défaite par toutes sortes de propos atroces et stupides. Enfin, après une bonne heure employée à ce manège, on nous forme en ligne et nous prenons le chemin de Versailles entre deux haies de chasseurs à cheval ; sur la route, nous rencontrons le capitulard Vinoy escorté de son état-major. Sur son ordre, et malgré la promesse formelle que nous avait faite le général Pellé, que nous aurions tous la vie sauve, nos officiers, à qui on avait violemment arraché les insignes de leur grade, allaient être fusillés, quand un colonel fit observer à M. Vinoy la promesse faite par son général. Le complice du Deux-Décembre épargna nos officiers, mais ordonna qu'on passât immédiatement par les armes le général Duval, son colonel d'état-major et le commandant des Volontaires de Montrouge. » (42)

Ce témoignage qui mentionne la prétendue promesse faite aux prisonniers est en partie complété par une lettre à l'historien Louis Fiaux :

« Le fait est contesté car j'ai entendu raconter tout autrement cet épisode par des officiers qui y assistaient. Duval aurait dit : c'est moi qui suit le général Duval ! prenez ma vie, épargnez celle des soldats. » (43)

L'exécution du général Duval (L'Ami du Peuple du 2 avril 1885)
L'exécution du général Duval (L'Ami du Peuple du 2 avril 1885)

Une troisième version est celle du Cri du peuple du 9 avril (reprise par La Vérité et le Journal Officiel de la Commune), elle contient quelques éléments vraisemblables et d'autres plus fantaisistes :

« [...] Les fédérés ont été conduits entre deux rangs de soldats jusqu'au Petit-Bicêtre, petit groupe de maisons situées sur le rebord de la route de Choisy à Versailles ; un combat très vif a eu lieu ici le 17 septembre, et une grande fosse, surmontée d'une croix noire, indique l'endroit où les victimes de cette journée ont été enterrés. C'est à cet endroit que le Général Vinoy, arrivant de Versailles, avec son état-major rencontra la colonne des prisonniers, il donna l'ordre de s'arrêter, en descendant de cheval.

- Il y a parmi vous, fit-il un monsieur Duval qui se fait appeler général, je voudrais bien le voir.

- C'est-moi dit Duval avec fierté en sortant des rangs.

- Vous avez aussi deux chefs de bataillon avec vous. Les deux officiers désignés sortirent des rangs.

- Vous êtes d'affreuses canailles, dit Vinoy, vous avez fusillé le général Clément-Thomas et le général Lecomte, vous savez ce qui vous attend.

- Capitaine, reprit le signataire de la capitulation de Paris, s'adressant au commandant de l'escorte, faites former un peloton de dix chasseurs, et vous, messieurs, passez dans le champ à côté.

Les trois officiers de la Commune obéirent simplement, ils sautèrent un petit fossé suivi du peloton funèbre. Le général et les deux commandants furent acculés contre une
petite maisonnette qui, ironie du sort portait sur sa façade, l'inscription suivante : Duval Horticulteur. Le général Duval et ses compagnons d'armes ont mis eux-mêmes habits bas et, deux minutes après, ils tombèrent foudroyés au cri de "Vive la Commune !" [...] »

La quatrième version est racontée par Élisée Reclus dans une lettre du 4 mars 1902 à Gaston Da Costa, elle reprend une partie du dialogue cité ci-dessus entre Vinoy et Duval, colportée par « une rumeur transmise de bouche en bouche » :

« - Vinoy - Où sont les chefs de bande ?

- Duval - Me voici

- Et les autres ?

- Un chef de bataillon – Moi

Un troisième se joint à Duval et son compagnon.

Vinoy - Fusillez moi ça.

L'ordre fut aussitôt exécuté dans une petite prairie qui se trouvait à gauche de la route (côté sud) et à l'ouest d'un restaurant portant le nom de Duval.

Les deux chefs de bataillon tombèrent en avant, foudroyés.

Duval chancela, pencha d'abord en avant, puis se rejeta en arrière de tout son long et paraissant fort grand dans la majesté de la mort ». (44)

Affiche de la Commune de Paris N° 67 du 5 avril 1871 - Appel à "l'héroÏque population parisienne" du Comité central de la Garde nationale (source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr)     Affiche de la Commune du 9 avril 1871 - Paris XIIIe - Appel à vanger Duval (Source : Gavroche N° 133)
Affiche de la Commune de Paris N° 67 du 5 avril 1871 - Appel à "l'héroÏque population parisienne" du Comité central de la Garde nationale (source : La Contemporaine – Nanterre / argonnaute.parisnanterre.fr) / Affiche de la Commune du 9 avril 1871 - Paris XIIIe - Appel à vanger Duval (Source : Gavroche N° 133)

 

Dans un récit plus sobre rapporté sans référence par son neveu Paul, Élisée Reclus raconte :

« Nous cheminions sur la route de Versailles, cinq par cinq gardés de chaque côté par deux cadres de fantassins et de hussards. En face, on voyait arrêté un groupe de cavaliers étincelants, le général et son état-major. La colonne s'arrête. Nous entendons des paroles violentes, un ordre de mort. Trois des nôtres, entourés d'une troupe de soldats, franchissent lentement un ponceau qui relie la route à un pré entouré de haies et limités à l'est par une maisonnette. [...] Nos trois amis s'alignent à vingt pas de la maison, montrent leur poitrine et relèvent la tête, "Vive la Commune !" Les bourreaux sont en face. Je les vois un instant cachés par la fumée et deux de nos camarades tombèrent sur la face. Le troisième chancelle comme s'il allait tomber aussi du même côté, puis se redressant, oscille à nouveau et se renverse face au ciel. C'était Duval. » (45)

La cinquième version est donnée par le colonel Lambert devant la Commission d'enquête parlementaire sur le 18 mars :

« - Quand la troupe de Duval a été prise, le général Vinoy a demandé :

-Y-a-t-il un chef?

Il est sorti des rangs un homme qui a dit :

- C'est moi je suis Duval.

Le général a dit :

- Faites-le fusiller.

Il est mort bravement. Il a dit :

- Fusillez-moi.

Un autre homme est venu disant:

- Je suis le chef d'état-major de Duval.

Il a été fusillé. Trois en tout à cette place. » (46)

La sixième version est relatée par Le Mot d'ordre du 11 avril

« [...] Elle (la colonne de prisonniers) allait se remettre en marche, quand le général (Vinoy) avise un autre militaire portant sept galons sur sa manche. Il le fait sortir des rangs et lui demande : qui êtes-vous ? Je suis le général Duval, répondit celui-ci - ordre fut donné de le fusiller sur l'heure, ce qui eut lieu. Le général Duval n'a montré aucune défaillance ; il s'est bravement découvert et est tombé mort sous le feu du peloton d'exécution ».

La Vérité du 6 avril de son côté ne mentionne qu'un lieu différent :

« Au moment de mettre sous presse on nous assure que le général Duval aurait été fait prisonnier avec onze cent gardes nationaux dans les environs de Bièvre et qu'il aurait été fusillé sur les bords de la route qui conduit de cette localité à Jouy. »

On peut ajouter une septième version assez semblable rapportée indirectement par Louis Ledrux à Maxime Vuillaume selon le témoignage de Mézirard prisonnier de la colonne.

Une huitième version finalement assez proche est racontée dans Le Chambard socialiste en 1894 :

« Il était environ huit heures du matin, le 4 avril, lorsque Duval, qu'accompagnait le chef de légion Henry, fut cerné avec un millier de fédérés dans la redoute de Châtillon. Ils mirent bas les armes et furent conduits entre une double haie de soldats jusqu'au Petit-Bicêtre, où ils croisèrent un nombreux état-major à la tête duquel était le général Vinoy. Le général Vinoy descendit de cheval, commanda la halte, et s'approchant de la colonne des prisonniers :

- Il y a parmi vous, dit-il, un monsieur qui se fait appeler général. Et je voudrais bien le voir.

- C'est moi, dit Duval, en sortant des rangs.

- Vous avez aussi deux chefs de bataillon avec vous ?

Les deux commandants vinrent se placer aux cotés de Duval.

- Faites former un peloton de dix chasseurs, commanda le général Vinoy. Et vous, messieurs, passez dans le champ à côté.

Les trois officiers se dirigèrent vers la place indiquée, simplement, sans forfanterie. Ils s'adossèrent à un mur après avoir mis bas leurs vareuses. Le peloton fit feu. Ils tombèrent foudroyés. »

Cette version contient des éléments de vérité incontestables : la présence de Henry avec son grade de chef de légion (alors qu'en 1894, il est bien oublié !), la présence des chasseurs (ce qui est peu connu), en revanche, la présence des deux chefs de bataillon est en partie erronée, comme on le verra car l'un ne l'est pas et puis on ne comprend pas pourquoi Henry qui a le grade de colonel de légion n'est pas fusillé. (47)

Une neuvième version, la seule véritablement différente est racontée par La Vérité du 7 avril :

« Le général Duval et ses deux officiers d'ordonnance avec quelques fédérés ont pénétré dans une petite maison au bas de Châtillon, et cernés par les soldats refusent de se rendre ; un feu meurtrier est dirigé sur les gardes nationaux ; quelques-uns sont tués, d'autres parviennent à fuir, les soldats qui sont entrés fusillent le général Duval et ses deux aides de camp [...] »

Cette version peut être complétée par celle du Gaulois du 5 avril qui raconte :

« Au moment où les gardes nationaux se rendirent, on découvrit au milieu d'eux un homme tout chamarré qui déclara se nommer le général Duval [...] »

La mort de Duval vue par l'Ami du Peuple du 2 avril 1885
La mort de Duval vue par "l'Ami du Peuple" du 2 avril 1885

Une dixième version définitive me semble-t-il résulte du témoignage d'un soldat du 3e régiment de hussards qui m'a été communiqué par un lecteur de Gavroche.

« Prise de la Redoute de Châtillon pendant la Commune

La mort du général fédéré Duval

Par M Émile Ronget (47a)

Ancien Maréchal des logis au 3e Hussards

[…]

Quelques minutes plus tard, je reprenais mon rang et ma place au milieu de mes camarades.

La redoute venait d’être enlevée ; les fédérés qui l’occupaient, sous les ordres du général Duval, avaient sans doute reconnu la résistance impossible, et les troupes régulières furent accueillies sans qu’un seul coup de feu fut tiré. Les fédérés s’étaient rendus sans condition. Quant à nous, cavaliers, nous attendions sur une route la suite des événements, notre intervention étant devenue inutile. Bientôt, une longue file de prisonniers quittait la redoute et s’avançait, de notre côté. En tête se trouvaient la plupart des officiers et c’était réellement curieux, de voir la tenue militaire des chefs, les uns portant l’uniforme de la garde nationale ou de la mobile, d’autres le pantalon rouge avec la redingote, et plusieurs avaient, endossé des effets civils avec des galons cousus sur les manches de leurs vestons. Officiers et soldats étaient tous sans coiffure, les képis, les chapeaux et les casquettes jonchaient le sol. Cet ordre, au moins étrange, avait été donné dès le départ de la redoute. La longue file de prisonniers s’avançait lentement, encadrée par les chasseurs à cheval et les houzards. Le lieutenant-colonel de B..., du 3e régiment de houzards (47b), dirigeait la marche de la colonne ; il avait à ses côtés plusieurs officiers du même régiment. Sur la gauche et au premier rang je suivais, à côté de mon officier, le lieutenant de Vil...(47c), et, à côté de mon cheval, le touchant presque, marchait un tout jeune homme de haute stature et dont le beau et mâle visage reflétait une grande tristesse, mais aussi une sombre énergie. C’était un des officiers fédérés ; sur la manche de sa redingote s’étalaient cinq galons d’or. Quel était donc ce jeune colonel ? J’appris quelques instants après qu’il se nommait Henry, qu’il était recherché comme modèle par les peintres et les sculpteurs. C’était bien, en effet, le colonel Henry de la Commune, qui fut, dans la suite, condamné à mort et mourût quelques années plus tard au bagne (47d). A ses côtés se trouvaient de nombreux officiers subalternes et, au tout premier rang s’avançait très droit et très crâne le général Duval ayant à sa droite un commandant, à sa gauche un très jeune capitaine. (47e)

Le temps était superbe, le soleil l’embellissait de ses feux. Oui, c’était franchement une première et belle journée de printemps et, pourtant, un lourd et poignant silence pesait de tout son poids sur toute la très longue colonne. A peine avions-nous franchi quelques centaines de mètres qu’un bref commandement se fit, entendre “Halte !” En face de nous sur la même route, un général suivi de son escorte arrivait au grand trot d’un vigoureux et superbe alezan. Nous reconnûmes aussitôt le général Vinoy. Son visage sévère, le .pli du front, l’éclair des yeux indiquaient une violente colère mal contenue. Le général s’avança jusque sur le premier rang des prisonniers et, d’un à-coup brusque du mors, arrêta net son cheval à un pas de Duval. Puis, s’adressant à celui-ci : “Qui êtes-vous ? ” dit-il. “Je suis le général Duval”, répondit d’une voix forte ce dernier. “Ah !” le général Vinoy, se tournant vivement du côté d’un mandant de son escorte, s’exprima ainsi : “Qu’on fusille immédiatement cet homme”. Puis, fixant une seconde deux officiers qui se trouvaient aux côtés de Duval, il ajouta, les désignant du doigt : “Qu’on fusille également ces deux autres là, et qu’on se dépêche”.

Un long frémissement vient de secouer toute l’immense et lugubre colonne, des ordres sont donnés en toute hâte, le peloton d’exécution s’avance sur le bord de la route sous les ordres d’un adjudant. Les trois condamnés n’ont pas bronché et, sans y être invités, comprenant d’eux-mêmes, ils franchissent le fossé et, à quatre mètres, font face aux soldats qui préparent leurs armes. L’adjudant s’empresse, il donne les dernières instructions à ses hommes. Je me trouve placé pour suivre facilement toutes les phases, tous les détails du pénible drame ; j’ai le coeur serré, une immense pitié envahit tout mon être. Car enfin, si ces hommes sont des révoltés, si, en présence de l’ennemi qui foule encore le sol sacré de la Patrie, ces malheureux, ces égarés ont semé et acclamé la guerre civile, si, enfin, ils ont réellement mérité la mort, pouvons-nous oublier, nous, les soldats du devoir, les défenseurs du Drapeau et du territoire, que ces hommes, hélas!, sont des Français. Duval s’est placé au milieu ; c’est un homme au-dessus de la moyenne, dans la force de l’âge, les traits du visage sont particulièrement ingrats et sont envahis par une courte barbe dure et mal soignée, d’un reflet presque fauve, les yeux brillent d’une flamme étrange ; mais tout, dans cet homme, dans son geste, dans sa pose, dans le port de la tête surtout, indique l’indomptable énergie et le courage. A sa droite se dresse dans sa haute taille le commandant qui porte sur sa poitrine la médaille commémorative d’Italie. (47f) C’est un bel homme, c’est sûrement aussi un courageux. A sa gauche, de petite taille, se place modestement le capitaine ; il est jeune (47g) et, pourtant, la mort ne l’émeut pas, c’est un brave. Simultanément, tous trois quittent leurs vêtements, les plient soigneusement et les disposent à terre devant eux. Ils sont calmes, sans forfanterie, la crainte de la mort ne trouble ni leurs pensées, ni leurs traits et, pourtant, l’instant est bien proche. Duval vient de mettre la main dans sa poche, il en retire une petite bourse de soie verte à anneaux d’acier qui renferme quelque argent ; d’un geste mesuré, exempt d’ostentation, il lance cette bourse en disant : “Pour le peloton d’exécution”. Elle tombe aux pieds d’un des soldats qui, vivement, la ramasse et la rejette à son tour aux pieds du général Duval. C’est fini, la seconde terrible va sonner, l’adjudant vient de se placer vivement sur là droite du peloton. Duval a compris, il étend les bras en croix, ses compagnons l’imitent et trois cris s’échappent de leurs poitrines : “Vive la Com… !” Ils n’achèvent pas, le sabre s’est abaissé, une forte détonation retentit, le commandant et le petit capitaine tombent, face en avant, ils sont, morts. Duval reste debout, il fléchit, balance une seconde, puis, lentement, s’écroule sur le côté droit; un dernier soubresaut du corps, puis plus rien. — “En avant, marche” et nous laissons derrière nous trois cadavres, trois Français énergique, intelligents, courageux, trois révoltés qui auraient bien dû savoir mourir aussi crânement, quelques semaines plus tôt, aux côtés de mes braves camarades que j’ai vu tomber à Sedan et ailleurs, pour le drapeau, pour la patrie, pour l’honneur !  »(47h)

Quelles conclusions tirer de ces différentes versions ?

1° - Duval est sorti de la redoute  entre six heures et huit heures.

2° - Il a été arrêté probablement vers Châtillon peut être dans la « petite maison » mentionnée par La Vérité  et photographiée par Hippolyte Blancard. 

3° - Il a été emmené prisonnier avec les autres fédérés.

4° - Vinoy avec le mépris et la morgue habituels des généraux versaillais, le fait sortir des rangs avec les deux autres officiers reconnaissable en raison de son uniforme « chamarré » et par « les insignes de général de son képi » ou de sa manche  (48) 

et le dialogue est réduit au minimum, les témoignages du colonel Lambert, de Élisée Reclus, du Mot d'Ordre, de Mézirard et d'Émile Ronget se rejoignent et il est fusillé sans autre formalité devant la maison Duval horticulteur sur la route du Petit-Bicêtre, chemin de Meudon, en face de la gendarmerie. (48a)

Qui sont les deux officiers fusillés en même temps que Duval ?

Les grades et les qualité des deux officiers varient selon les témoignages, finalement c'est Emmanuel Chauvière puis Maxime Vuillaume qui donnent leur identité : Lecœur et Mauger.

Émile Lecoeur est né le 16 septembre 1844 à Rouen (Seine-Inférieure) de François Lecœur, perruquier né en 1816, et de Marie Anne Villelmyne, mariés en 1843, engagé volontaire le 4 octobre 1862, nommé caporal le 11 avril 1863 puis sergent le 11 juin 1865, libéré le 10 octobre 1869, ayant participé à la campagne de Cochinchine de 1864 à 1866, coiffeur, domicilié 7 rue Ferrus, sous-lieutenant à la 2e compagnie pendant le Siège, il est élu commandant du 103e bataillon (du XIVe) le 27 mars après l'éviction de Landanski. Il est le frère de Victor Albert Lecœur, né en 1846 à Rouen, coiffeur, mobile pendant la campagne de 1870 et qui s'engage aussi dans le 103e bataillon, il est ensuite affecté au 129e bataillon. Il est condamné par le 8ème Conseil de guerre à 5 ans de détention, réduits à 4 en 1875. Son père domicilié 16 rue Saint- Jacques, est garde à la 6 compagnie du 103e bataillon pendant le Siège.

Joseph Emile Mauger est né le 3 mars 1837 à Saint-Säens (Seine-Inférieure), il est incorporé au 6° hussard le 29 septembre 1855, devient brigadier le 7 décembre 1856, puis brigadier fourrier le 14 février 1857, il participe à la Campagne d'Italie en 1859 et 1860 et est décoré de la médaille d'Italie et de la médaille de la valeur militaire de la Sardaigne, employé, il est domicilié 105 rue de la Procession, adjudant des sous-officiers au 103 bataillon pendant le Siège, durant le combat du 3, il détient une mitrailleuse dont il se sert efficacement contre les Versaillais.

Avril 1871 - Sortie pacifique sur Versailles, dessinateur-lithographe G. de Marcilly, vers 1871.  (source : © Musée Carnavalet – Histoire de Paris)
Avril 1871 - Sortie pacifique sur Versailles, dessinateur-lithographe G. de Marcilly, vers 1871. (source : © Musée Carnavalet – Histoire de Paris)

Où Duval et ses deux compagnons sont-il enterrés ?

D'après les différents témoignages, on peut retenir trois possibilités (49)

Le Cri du peuple déjà cité du 9 avril conclut :

« Il repose aujourd'hui côte à côte avec les défenseurs de la capitale contre l'étranger »

c'est-à-dire

« sur le rebord de la route de Choisy à Versailles »

« un combat très vif a eu lieu ici le 17 septembre », « une grande fosse, surmontée d'une croix noire »

indiquant

« l'endroit où les victimes de cette journée ont été enterrées. »

On retrouve cette indication dans le récit du Chambard socialiste de 1894.

Un témoin qui signe O. La dans La Vérité du 7 avril écrit :

« Nous avons vu les trois corps un peu plus tard à la maison Prévôt à 500 mètres de l'ambulance militaire de la croisée de Bièvre, c'est-là sans doute qu'ils ont été enterrés cette nuit. »

Dans L'Avenir national du vendredi 14 avril 1871, il est écrit :

« La veuve du général Duval n'aurait pu nous dit-on, obtenir le corps de son mari que sur une lettre de l'archevêque de Paris au général Vinoy. L'archevêque aurait écrit la lettre à la Commune que Mme Duval obtiendrait de la Commune deux laissez-passer pour deux prêtres qu'il voulait envoyer à Versailles. La Commune se serait empressée de donner les deux sauf-conduits. Mme Duval a vu le général Vinoy, qui lui a rendu son mari. Mais elle a dû s'engager à ne pas le rapporter à Paris et à l'inhumer dans un village des environs ».

La démarche de la femme de Duval est confirmée par trois sources différentes. En premier, Le Cri du Peuple de Vallès qui mentionne l'affaire trois fois et de façon contradictoire : le 15 avril 1871, il est écrit que le corps de Duval a été rendu à sa femme sous condition qu'il ne soit pas enterré à Paris puis le 16, le journal contient une lettre de Mme Duval confirmant l'entretien avec Mgr Darboy et sa volonté de faire revenir le corps :

« Il est vrai que j'ai été trouvé l'archevêque de Paris et que je lui ai demandé une lettre pour Vinoy [...] Je veux ramener mon mari à Paris » ;

enfin le 2 mai un article signé (Sophie) Hamet relate une visite chez Mme Duval en notant la présence de sa fille

« si jeune d'avoir perdu son père et sans le voir une dernière fois car la pauvre petite était en province, et ce n'est que depuis peu que sa mère l'a pu faire revenir [...] mais on refuse à rendre ce cadavre à cette femme et à cet enfant ! ».

La seconde source est une lettre de Cluseret dans ses mémoires (T I, p. 25), en revanche, il affirme qu'elle ne donne rien et, ce qui est faux, qu'en représailles, Rigault ordonne l'arrestation de Darboy. En troisième, l'ouvrage anonyme, Saint-Sulpice pendant la guerre et la Commune contient de nombreux détails inédits.

Selon une lettre de Henri-Joseph Icard, directeur du Séminaire Saint-Sulpice, le 9 avril

« dans l'après-midi, le directeur de la prison (Caullet) est venu me prier de l'aider à rendre un service. Il s'agissait de faire porter à Versailles, par un homme sûr, une lettre que Monseigneur l'Archevêque a écrite au général Vinoy, pour lui demander l'autorisation de transporter à Paris le corps de Duval, l'un des généraux de la Commune. »

La lettre ajoute

« c'est une mission un peu délicate car le transport des restes de Duval va devenir l'occasion d'une grande manifestation ; mais il ne convenait pas de refuser, et une pareille démarche de l'Archevêque de Paris, ainsi que la nôtre, montre l'esprit de conciliation qui nous anime...».

Nos amis Alain Dalotel, à gauche et Pierre-Henry Zaidman à droite. La "place d'Italie" redevient "place Émile Duval"
Nos amis Alain Dalotel, à gauche et Pierre-Henry Zaidman à droite. La "place d'Italie" redevient "place Émile Duval"

Le lundi de Pâques, 10 avril, John Hogan, directeur au Séminaire Saint-Sulpice, Vigouroux, un séminariste tous deux « en soutane » et Sire, un autre séminariste arrivent à Issy pour y rencontrer Eudes, munis d'un laissez-passer signé de Rigault. Leur mission est « d'aller réclamer à Versailles le corps du général Duval ». Eudes donne son accord et marque sa satisfaction mais son aide de camp le colonel Gois semble plutôt hostile. Avec deux autres séminaristes, ils partent « dans la voiture du Séminaire ». Après discussion, ils franchissent les lignes communardes puis sans difficultés les lignes versaillaises. À Versailles, Hogan et Sire sont d'abord reçus par Vinoy qui commence « à écrire l'autorisation demandée » puis se ravisant, la déchire et déclare

« il nous faut un certain temps pour retrouver ce corps [...] Vous direz à Mme Duval d'envoyer voir dans quelques jours. Du reste, je passe le commandement au maréchal de Mac-Mahon ; c'est lui qui décidera et c'est lui qu'il faudrait voir. »

Les deux hommes se rendent donc chez Mac-Mahon qui leur fait une « réponse dilatoire ». Hogan et Sire retournent seuls à Issy.

« [...] Après deux jours Mme Duval, ne voyant rien venir perdit patience et écrivit à Mgr Darboy pour le prier d'intervenir à nouveau. »

Le prélat écrit une nouvelle lettre. Le jeudi 13 avril, Sire et Hogan repartent pour Issy où ils rencontrent Ferrat et Josselin qui hostiles à toute négociation renvoient Hogan à Paris et enferment Sire. Finalement Sire est libéré et réussit à rencontrer Eudes qui furieux fait arrêter Ferrat et destituer Josselin. Et l'auteur de conclure :

« L'honnête mais altière générale Duval avait demandé, comme Eudes, une sévère punition pour ces deux officiers. Elle ne leur pardonnait pas d'avoir, par leur intervention arbitraire, empêché l'apothéose de son mari, l'ancien ouvrier de l'usine Cail. »

Sans tirer de conclusion définitive, on peut simplement remarquer que la présence de la fille de Duval laisse supposer que l'enterrement a eu lieu ou devait avoir lieu.

Pierre-Henri Zaidman, Émile Victor Duval (1840-1871) : un héros du XIIIe arrondissement, ouvrier fondeur, général de la Commune de Paris, Préface de Marcel Cerf, Éditeur(s) : Ed. Dittmar, 2006

Pourquoi le colonel Henry de la XIVe légion n'a-t-il pas été fusillé ?

Selon le récit de Ledrux rapporté par Vuillaume, Mézirard qui assiste à l'exécution de Duval, de Lecœur et de Mauger, « avait près de lui, Lucien Henry, qui dû d'être sain et sauf à la précaution qu'il avait prise d'arracher ses galons. »

Duval et Flourens tués, 3000 gardes nationaux hors de combat, les XIIIe, XIVe et XVe légions désorganisées... Triste bilan que la Commune brièvement informée par Chardon ne saura même pas tirer et discuter. Et Duval entrera dans la légende. Son nom sera donné à la place de la Mairie (la place d'Italie actuelle) et plusieurs enfants du XIIIe porteront le prénom de Duval. De temps à autres les blanquistes dans les années 1880 publient un article de commémoration dans Le Ralliement et Le Réveil du Peuple, et le mythe commencera.

En 1944, les Maquisards de Clamart en souvenir donnèrent le nom de Commandant Duval à la rue du Marché non loin du lieu (50) où un triste matin d'avril 1871, il fut assassiné.

Pierre-Henri Zaidman - Article  paru dans Gavroche, revue d'histoire populaire N° 132 de novembre-décembre 2003 et N° 133 de janvier-février 2004

Gavroche est une revue d'histoire populaire trimestrielle créée en 1981. La revue a cessé d'être publiée depuis le numéro 166 d'avril-juin 2011. La totalité de la revue Gavroche a été mise en ligne sur le site http://archivesautonomies.org/spip.php?rubrique263

 

 

Notes :

(1) On recense trois autres écoles laïques de garçons dans les années 1850-1860 dans le XIIIe : 76 boulevard d'Italie, 3 rue Boutin et place de l'Église-Neuve de la Gare et une école dirigée par les frères, 13 rue de la Maison-Blanche (Merci à Christiane Fillioles pour le renseignement).

(2) Les Statuts sont adoptés en séance le vendredi 18 novembre 1870, les membres de la Commission du Club sont : Léo Meillet, Auguste Baillet, Sicart, Chardon, Gobert, Pachot, Leballeur (Club républicain démocratique et socialiste du XIIIe arrondissement - Règlements et Statuts [Paris], Association générale typographique - Faubourg Saint-Denis 19 - Berthelemy et Cie (sd) - 7p.

(3) Eudes confirme ce relatif retrait : « [...] Je l'ai retrouvé le 10 mars, fonctionnant déjà comme chef de la XIIIe légion » (Notes sur Duval et sur Louise Michel et sur les circonstances qui ont fait échouer la sortie du 3 avril - IFHS AS 99bis).

(4) L'identification de H Fiaux est faite par Maurice Dommanget et confirmée par Robert Le Quillec.

(5) On ne voit pas très bien de quel comité de la Garde nationale il s'agit !

(6) Rappelons qu'à la date du 22 janvier, il n'y pas de Comité central ! Ces documents sont-ils des faux ?

(7) Télégramme du commandant du 2e secteur du 30 janvier 1871 (A N. F7 12666).

(8) La déclaration est également publiée dans La République des Travailleurs, n° du 15 pluviôse an 79 (4 février 1871).

(9) Jacques Rougerie - L'A.I.T. et le mouvement ouvrier à Paris pendant les évènements de 1870-1871-1871 - Jalons pour une histoire de la Commune de Paris - Van Gorcum/PUF (1972/73).

(10) Édmond Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871 - I - Mercure de France (1911). Lepelletier place cette coordination dans son exposé des évènements juste avant le 18 mars et dans un souci de défendre le caractère défensif et spontané du 18 mars, il sous estime probablement la volonté de Duval de prendre le pouvoir mais sa vision n'en est pas moins très lucide.

(11) Jean-Claude Freiermuth, Un arrondissement de la rive gauche pendant le Siège et la Commune : le XIIIe. Mémoire de maîtrise - Université de Paris I (1973). (Pour l'analyse de la situation dans le XIIIe, le travail et la recherche novateurs du regretté Freiermuth, sont indispensables). Phillip Johnson développant les travaux de Jacques Rougerie souligne également, sans que l'on puisse déterminer le rôle de exact de Duval qu'à « la fin de février le club (démocratique et socialiste du XIIIe auquel appartient Duval) et les sections de L'A.I.T. et de la Légion Garibaldienne fusionnent avec la section Panthéon de l'A.I.T du Ve pour former les sections réunies du Ve et du XIIIe arrondissement ». (Phillip Johnson - The Paradise of Association. Political Culture and Popular organisations in the Paris Commune of 1871 - The University of Michigan Press (1996) et Jacques Rougerie - L'A.I.T. et le mouvement ouvrier à Paris pendant les événements de 1870-1871 - op. cit.

(12) Lettre de Eugène Dupont à Duval s.d. (Histoire de l'Internationale (1862-1872) par un bourgeois républicain). On tiendra compte de toutes les précautions sur l'authenticité de cette lettre. (Eugène Dupont, né en 1831 ou 1837, luthier est le secrétaire-correspondant pour la France auprès du Conseil général de l'Internationale).

(13) Le préfet de Police intérimaire Albert Choppin avance le chiffre de 4000 (Edmond Villetard - Extraits des dépositions recueillies par la Commission d'enquête, classés, discutés et résumés - Charpentier (1872).

(14) Douze cent mille cartouches selon Vinoy (Edmond Villetard - Extraits des dépositions recueillies par la Commission d'enquête, classés, discutés et résumés - op. cit).

(15) Charles YRIARTE - Les Prussiens à Paris et le 18 mars - Plon (1871).

(16) Enquête Parlementaire sur l'insurrection du 18 mars – Annexes - t IX - Déposition du colonel Le Mains, p. 827.

(17) Thierce qui se rangera du côté de Versailles, s'installera pendant la Semaine sanglante à la mairie du XIIIe et mettra la main sur le fonds de solde des gardes nationaux que les Communards en toute honnêteté avaient laissé, ce qui lui vaudra en 1873 d'être poursuivi et condamné pour abus de confiance, il devra en outre rembourser au Trésor l'argent détourné !

(18) Il faut souligner l'état d'avancement de la mobilisation dans l'arrondissement qui vit sur ses ressources, la municipalité ayant déserté ses fonctions, les garde nationaux subviennent à financer leur propre sort : « [...] Étant dans un arrondissement le plus nécessiteux de Paris nous avons contracté quelques dettes pour assurer le succès de la cause que nous défendions et une somme de 4 à 500 francs en dehors de notre état de solde sera suffisante pour couvrir l'honneur du drapeau communal. » (Sans date, non signé, S.H.A.T. Ly 32). (Signalé par Rémy Valat).

(19) Maxime Vuillaume - Mes Cahiers Rouges.

(20) Les pouvoirs militaires de Paris sont confiés aux délégués Bergeret, Eudes et Duval. Ils ont le titre de génraux et agiront de concert en attendant l'arrivée du général Garibaldi acclamé comme général en chef. (SHAT Ly 20). Bergeret, chef de la XVIIIe légion, s'installe le 19 mars à l'état-major de la Garde nationale, il a été confirmé comme délégué commandant la Place par le Comité central le 19 mars et le 23 mars puis par la Commune le 1er avril. Eudes est délégué à la Guerre par désignation du même jour.

(21) Il est à noter qu'il n'est élu qu'en cinquième position avec 27 voix sur 58.

(22) L'action de Duval à la Commune et son rôle au sein du Comité central où il siège depuis le 15 mars en qualité de chef de légion ne peuvent être étudiés ici, en particulier, il faudrait déterminer sa position exacte quant au rôle que doit jouer le Comité central après l'élection.

(23) Lettre du 31 mars 1871 signé Charles et adressé à Antoine (PPo Ba 364/3).

(24) Maurice Dommanget - Blanqui la guerre de 1870- 1871 et la Commune - Domat-Monschrétien (1947).

(25) Bergeret, chef de la XVIIIe légion, s'installe le 19 mars à l'état-major de la Garde nationale, il a été confirmé comme délégué commandant la Place par le Comité central le 19 mars et le 23 mars* puis par la Commune le 1er avril. Eudes est délégué à la Guerre par désignation du même jour et Duval, délégué à la préfecture de Police avec Raoul Rigault. Le 24 mars, Eudes et Duval avec Brunel sont nommés par le Comité central, délégués à la Guerre avec le grade de général**. Après l'élection de la Commune le 26 mars dont ils sont membres, tous les trois font partie de la Commission exécutive de la Commune. Ils sont également membres de la Commission militaire.

* « Tous les services militaires en ce qui concerne l'exécution sont confiés au général Bergeret commandant la place de Paris [...] Par délégation du Comité central, la délégation exécutive militaire » (S.H.A. T. Ly 20).

** « Les pouvoirs militaires de Paris sont confiés aux délégués Bergeret, Eudes et Duval Ils ont le titre de généraux et agiront de concert en attendant l'arrivée du général Garibaldi acclamé comme général en chef » (S.H.A.T. Ly 20).

(26) Louis Rossel - Mon rôle sous la Commune Louis Rossel (1844-1871). Mémoires. Procès et correspondance. Présentés par Roger Stéphane - Jean Jacques Pauvert (1960).

(27) Émile Eudes - Notes sur Duval et sur Louise Michel et sur les circonstances qui ont fait échouer la sortie du 3 avril.

(28) Je ne discute pas cette affirmation ici.

(29) Gustave Paul Cluseret - The Military Side of the Commune (Le côté militaire de la Commune) Fornightly Review 1st july 1873, Vol XX p. 1-24, Part I ; p. 213-233, Part II ; p. 351-370, Part III (traduction de Eudes dans Fonds Eudes I.F.H.S. 14 AS 99bis).

(30) Adolphe Casimir Ernest Doé, comptable, marié et père d'un enfant, domicilié 29 rue de Seine, 30 ans en 1871, sergent au 84e bataillon, condamné par le 8ème Conseil de guerre aux travaux forcés, peine commuée en bannissement en 1879.

(31) Lettres des 31 mars, 2 et 3 et 4 avril 1871 (S.H.A.T. Ly 27 et Ly 39).

(32) S.H.A.T. Ly 21.

(33) Jean ALLEMANE - Mémoires d'un communard

(34) S.H.A.T. Ly 35.

(35) Conseil de la Ve légion au général Bergeret du 30 mars 1871 et commandant de la Ve légion à Place du 2 avril (S.H.A.T. Ly 39).

(36) Paris-Journal, 3 avril 1871 et J. d'ARSAC - Les Conciliabules de l'Hôtel de Ville. Comptes rendus des séances du Comité central et de la Commune - F- Curot, Éditeur (1871). Marcel Cerf dont on connaît l'érudition sur la Commune doute fortement de l'authenticité de ces compte rendus et Robert le Quillec écrit : « Ouvrages très hostiles à la Commune [..] sans grande valeur historique [...] le texte ne fait que reproduire les articles de Paris-Journal [...] ». Si l'on en croit le compte rendu de la séance du 23 mars, le « sous comité » serait une émanation du Comité central, présidée par Assi qui « jusqu'aux élections, veillera à l'organisation de la garde nationale. »

Les originaux des procès-verbaux du Comité central sauf ceux des 15 février et 3 mars n'existent pas au S.H.A.T. (Ly 20). Les archives militaires ne contiennent que des pièces faites par les militaires en 1872. Lissagaray dans l'édition de 1876 de l'Histoire de la Commune écrit : « Les procès-verbaux du premier Comité central ont disparu, mais un de ses membres les plus assidus reconstitué de mémoire les séances capitales. C'est dans ses notes, contrôlées par plusieurs de ses collègues, que nous prenons ces détails [...] » (note 1 p.106). Dans l'édition Marcel Rivière de 1947 qui est la reproduction de l'édition définitive de chez Dentu (1896) Lissagaray apporte quelques modifications : « Les procès-verbaux du Comité central n'ont jamais été rédigés, mais un de ses membres a reconstitué les séances capitales. [...] » (note 1 p. 92). On remarque la différence entre « ont disparu » et « n'ont jamais été rédigés ». Le membre « des plus assidus » est peut-être Arnold (Informations de Marcel Cerf)

(37) Cf. note précédente.

(38) Copie dans Henry Prod'homme S.H.A.T. 8J 711 6e Conseil.

(39) La même histoire est mentionnée dans L'Ami de la France du 6 avril. Élisée Reclus en attribue la paternité aux Versaillais dans le but « d'expliquer, de légitimer presque la conduite de Vinoy». Une version tout aussi fantaisiste est rapportée par un témoin dans La Vérité du 7 avril 1871. Le caractère imaginaire du dialogue est également mentionné par le journaliste anticommunard Auguste Lepage dans Voyage aux Pays révolutionnaires - Dentu (1879). Mais je tiens pour totalement mensonger ce que rapporte cet auteur sur la lâcheté supposée de Duval et Henry qui auraient soi-disant cherché à cacher leur identité et la dénonciation de celle de Duval par ses hommes ce qui lui aurait valu d'être fusille !

(40) Maxime Vuillaume - Mes Cahiers Rouges - X, Proscrits - Cahiers de la Quinzaine (1914). Le récit de la bataille de Châtillon est rapporté à Vuillaume par Ledrux, chef du 136e bataillon puis commandant du fort de Vanves.

(41) Émile Eudes - Notes sur Duval et sur Louise Michel et sur les circonstances qui ont fait échouer la sortie du 3 avril.

(42) Benoit Malon - La troisième défaite du prolétariat français - G. Guillaume et fils (1871) - Réédition E.D.H.I.S (1969) et Louise Michel - La Commune - P.V. Stock (1ère éd 1898).

(43) Gaston Da Costa, La Commune vécue, 18 mars 28 mai 1871, vol 1- (Paris), Quantin (1903-1905).

(44) Lettre à Louis Fiaux Tarbes, 31 mai 1889 - Papiers Louis Fiaux BHVP MS 1762.

(45) Paul Reclus - Les frères Élie et Élisée Reclus ou du Protestantisme à l'Anarchisme - Imprimerie des Gondoles [Choisy-le-Roy], Les Amis d'Elisée Reclus (1964).

(46) Commission d'enquête parlementaire sur le 18 mars - Annales de l'assemblée Nationale - Tome IX - Imprimerie du Journal Officiel (1872), p. 571-572. - Cité également par G. DA COSTA- op. cit., p. 376-377.

(47) Cette version est reprise dans un récit populaire contenant étonnamment des détails vrais sur Lucien Henry : sa qualité d'étudiant élève aux Beaux-Arts auprès de Gérome, son âge, son travail de modèle pour gagner sa vie et sa fonction de chef de légion placé sous l'autorité de Duval avec mentions de quelques numéros de bataillons. (L. Berthier - Histoire de la Commune de 1871 - Arthème Fayard (sd)).

(47a) Antoine Philibert Émile Ronget, né en 1846 à Cuisery (Saône-et-Loire), maréchal des logis au 3e régiment de hussards.

(47b) Hélion Jacques François de Barbançois, né en 1821 à Villegongis (Indre), lieutenant-colonel au 3e régiment de hussards.

(47c) Jean Paul Félix de Cullan de Villarson, né en 1843 à Sainte-Anne (Martinique), sous-lieutenant au 3e régiment de hussards.

(47d) Heureusement, Lucien Henry survivra à la déportation et s’installera en Australie où il deviendra un artiste reconnu.

(47e) Mauger et Lecoeur.

(47f) Le fait est exact, ce qui renforce la crédibilité du témoignage. Le général de Saismaisons qui arrive après la mort des trois fusillés remarque que l'un deux est revêtu d'un « uniforme de commandant » et qu'il porte la « médaille militaire » (Général C. de Sesmaisons, Hier et aujourd'hui : les troupes de la Commune et la loi de deux ans. R. Chapelot et cie, 1904). Mauger avait participé à la campagne d'Italie et était titulaire de la médaille commémorative et de la médaille de la valeur militaire de la Sardaigne.

(47g) Lecoeur est âgé de 27 ans.

(47h) Une curieuse gravure d’un dénommé A. Gauthier, exécutée le 3 août 1871 pendant sa détention à Mazas et conservée au musée Carnavalet, représente un mur, lieu d’exécution, avec cette inscription : « ICI FUT FUSILLE UN BRAVE SUR L’ORDRE D’UN LACHE » et cette mention de l’auteur de la gravure : « Un passant pendant la nuit a posé une croix et l’inscription ci-dessus. A. Gauthier ». (Reproduite dans G. Bourgin, La Guerre de 1870-1871 et La Commune. Flammarion, 1938, p. 315).

(48) Témoignage indirect de Louis Ledrux rapportant les propos de Mézirard dans Maxime Vuillaume - Mes Cahiers Rouges - X, op. cit., p. 115. L'uniforme de Duval est ainsi décrit par Rouffiac, sous-chef de la prison du 9e secteur : « [...] Tout chamarré selon les insignes de son grade, qu'il cherchait à porter le plus dignement possible [...] » (J. Rouffiac - Souvenirs historiques sur le Siège de Paris et le commencement de la Commune [Paris], Imprimerie G. Binard (1874). Louis Ledrux cité par Vuillaume écrit : « Il coiffe le képi aux six galons et aux étoiles de général. Par dessus son uniforme, il a revêtu une capote d'artilleur, sans galons. »

(48a) D’après un témoignage cité par A. Panthier, La guerre de 1870 à Sceaux. Le Puy-en-Velay, Imprimerie. La Haute-Loire, 1930. J’étais allé sur le terrain, il y a plusieurs années et je crois que c’est exact, d’autant que d’autres témoignages confirment la localisation de l’horticulteur qui se nommait Duval ! confirmés par l’annuaire de Sceaux de 1868 qui mentionne bien un Duval horticulteur au Petit-Bicêtre et Marcel Cerf qui avait vu une photo de ses installations à la BHVP.

(49) Le dossier contumace contre Duval du 6e Conseil de guerre mentionne deux attestations du maire du XIIIe du 30 septembre 1872 et du maire de Châtillon du 6 décembre 1872 certifiant qu'aucun acte de décès n'a été dressé dans ces deux communes et le rapport de l'officier rapporteur devant le Conseil mentionne la déclaration négative de la municipalité de Versailles en date du 21 janvier 1873 (S.H.A.T. GR 8J 6e Conseil 237 n°857).

(50) L'urbanisation forcenée rend presque impossible une localisation précise.

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