ANDRÉ LÉO. ÉCRITS POLITIQUES
André Léo, la grande Communarde
Gérald Dittmar vient de publier un recueil de 23 textes d’André Léo dont un certain nombre n’ont pas été réédités depuis le XIXe siècle. Cette publication, qui reproduit notamment 16 articles parus sous la Commune de 1871 dans le journal «La Sociale», est tout à fait utile pour celles et ceux qui s’intéressent à cette Révolution si particulière. En effet, les amateurs pourront y découvrir la pensée de cette intellectuelle révolutionnaire qui a fait à chaud l’analyse sans concession de l’événement. Féministe, elle a interpellé sans ménagement tous ceux qui oubliaient la moitié de l’humanité, socialiste-révolutionnaire, ennemie déclarée de tous les pouvoirs, elle a dénoncé, en bonne Communarde, ceux qui décidément, n’arrivaient pas à se débarrasser de leurs appétits dictatoriaux, qu’ils soient «autoritaires» ou «anti-autoritaires». Le lecteur intelligent comprendra, inutile d’insister.
Alain Dalotel
André Léo, Ecrits politiques, Editions Dittmar, 371, rue des Pyrénées, 75020 Paris. 30 euros. Disponible à l’Association.
LIBRE PENSÉE
L’année 2005 est celle de l’anniversaire de la « Loi de séparation des Eglises et de l'Etat ». La « Libre Pensée » en a fait son flambeau, elle la défend avec acharnement contre ceux qui, sous prétexte de la moderniser, veulent la détruire.
La défense de cette loi est inséparable de celle de la laïcité. Dans une note de lecture sur « L’Histoire de la laïcité » par Henri Pena-Ruiz (La Raison numéro 503), Gérard Da Silva signale l’importance de cette étude captivante où l’auteur brosse le tableau de la nostalgie des privilèges perdus par l’Eglise catholique après 1905 et met en évidence la fâcheuse tendance des religions monothéistes à engendrer des théocraties consacrant l’alliance du trône et de l’autel.
« La Commune de Lyon à l’heure de la Commune de Paris de 1871 » de Marcel Picquier fera mieux connaître l’Histoire des Communes de province. Cet excellent exposé a pour source principale l’ouvrage fondamental de Maurice Moissonnier « La Première Internationale et la Commune de Lyon » (La Raison numéro 501).
Louise Michel est à l’honneur. Tous les aspects des activités de cette femme exceptionnelle sont mis en valeur dans un très bel article : son intérêt primordial pour l’enseignement, son sens de la justice sociale, son courage, sa lutte pour l’émancipation de la femme, ses prédispositions pour la littérature, les sciences et les arts, etc., (La Raison numéro 501).
« Louise Michel et la Commune » (La Raison numéro 502), un sujet qui convient à Gérard Da Silva et qu’il traite avec sa passion pour les justes causes...
Marcel Cerf
LE CRI DU PEUPLE
Vallès s’entoure de journalistes de talent dont le passé d’opposant à badinguet (napoléon III) est le plus sûr garant de leurs convictions républicaines.
Le Cri du Peuple journal populaire, comme son nom l’indique, fut le plus lu des journaux de la Commune. Maxime Jourdan a réalisé une étude raisonnée de ses articles les plus marquants.
Ce n’est pas un travail universitaire fade et ennuyeux mais une œuvre originale qui, à travers la presse quotidienne, fait naître une histoire de la Commune vivante et discutée.
On y trouve, en premier lieu, la présence de son fondateur, Jules Vallès, l’inclassable rédacteur en chef du Cri du Peuple, ni théoricien, ni idéologue de la Révolution. Il écrit la plupart des éditoriaux qui empoignent le lecteur par leur ardente fougue révolutionnaire.
Vallès s’entoure de journalistes de talent dont le passé d’opposant à Badinguet (Napoléon III) est le plus sûr garant de leurs convictions républicaines.
Ses collaborateurs sont les représentants des différentes tendances de la mouvance socialiste : des Proudhoniens aux Blanquistes, des Jacobins aux Internationalistes. Malgré des opinions aussi diverses, Vallès réussit à donner un ton unique et inimitable à son journal qui incarne les aspirations de la jeunesse avide de liberté. Il modère les excès de langage de certains sans toutefois porter atteinte à leur liberté d’expression. Lui-même se réserve le droit de modifier ses positions et de blâmer les représentants du peuple quand ils le méritent à condition de ne pas s’écarter des objectifs de la Révolution.
Maxime Jourdan définit avec une grande finesse d’analyse l’idéologie du journal basé sur un socialisme un peu confus et baigné dans les réminiscences de la « grande » Révolution de 1789.
Quelques principes constituent la structure de cette idéologie : refus de la lutte de classe, distinctions entre la petite bourgeoisie travailleuse et la grande bourgeoisie parasite, glorification du peuple et rejet du gouvernement de « Foutriquet » (Thiers).
Maxime Jourdan insiste, avec raison, sur la personnalité du proudhonien Pierre Denis et son influence sur l’orientation fédéraliste du Cri du Peuple. L’auteur masqué de la « Déclaration du peuple français » fait preuve d’un triomphalisme, hélas sans fondements dans ses articles enflammée.
Dans les annexes de l’ouvrage figurent une bonne chronologie : de la déclaration de guerre à la Prusse à l’amnistie du 11 juillet 1880 ; une liste des articles titrés et signés ; un recueil des principaux articles de Jules Vallès et de ses collaborateurs : Casimir Bouis, Eugène Vermersch, J.-B. Clément, Henri Verlet, Henri Bellenger, Pierre Denis, etc.
Parmi la solide équipe des rédacteurs, citons quelques uns de leurs articles :
La garde nationale de Paris. Patriote, Jules Vallès exalte l’héroïsme de cette troupe constituée de citoyens en armes tandis que d’autres journalistes se chargeront de stigmatiser les généraux incapables du « gouvernement de la défaite nationale.
Pandore. Basile. Mercadet. Henri Verlet, commandant du 192e bataillon fédéré donne des comptes-rendus détaillés des opérations militaires mais n’évite pas certaines exagérations relatives aux pertes des Versaillais et aux victoires fictives des Fédérés.
Les larmes de crocodiles. Vermersch, malgré ses outrances et ses calomnies sans fondements, demeure un bon journaliste et un poète non négligeable.
Les décrets de la Commune. Jean-Baptiste Clément met ses dons de chansonnier au service de la Commune mais manque un peu de sens politique dans les Croquants de Bagnolet.
Paris ville libre. Pierre Denis expose son programme qui sert de prélude à la Déclaration au peuple français du 19 avril 1871.
Les journalistes qui ont collaboré aux journaux favorables à la Commune ont été lourdement sanctionnés : Jules Vallès, rédacteur en chef du Cri du Peuple condamné à mort par contumace. Henri Place dit Verlet Henri, journaliste au Cri du Peuple condamné à la déportation dans une enceinte fortifiée. Casimir Bouis, journaliste au Cri du Peuple condamné à la déportation dans une enceinte fortifiée. Jean-Baptiste Clément, journaliste au Cri du Peuple condamné à mort par contumace. Eugène Vermersch, journaliste au Cri du Peuple condamné à mort par contumace. Pierre Denis, journaliste au Cri du Peuple condamné par contumace à la déportation en enceinte fortifié... Plusieurs d’entre eux avaient exercé une fonction dans l’administration militaire ou civile de la Commune, mais dans tous les cas leur collaboration à la presse communaliste a été une circonstance aggravante dans leur condamnation.
Dans cet ouvrage qui dénote une connaissance approfondie de l’histoire de la Commune, Maxime Jourdan nous dévoile tous les aspects techniques, politiques et littéraires d’un grand journal populaire. On ne peut que souscrire à sa conclusion : Le Cri du Peuple demeure aujourd'hui un modèle de journalisme politique».
Marcel Cerf
Maxime Jourdan, Le Cri du Peuple, L’Harmattan, 306 pages. 25,50 euros. En vente à l’Association.
ÉLIE MAY : COMMUNARD ET FRANC-MAÇON
Les frères May participent avec enthousiasme à la révolution communaliste.
May, un nom qui est inconnu de la plupart des gens et pourtant les frères May furent intendants de l’armée de la Commune, une fonction qui est de grande importance en temps de guerre. Christophe Bitaud s’est attaché spécialement à Elie May parce que, des deux frères, c’est celui qui a eu la vie politique la plus intense. Il fut aussi un franc-maçon très actif et c’est cet aspect particulier de son action que l’auteur a surtout développé.
Les parents des frères May sont joailliers et appartiennent à la petite bourgeoisie juive républicaine. Elie May, opposant au second empire, milite dans la mouvance blanquiste et athée. Les frères May participent avec enthousiasme à la révolution communaliste, ils sont nommés à des postes de direction : Gustave, intendant général, Elie, directeur de la Manufacture des tabacs puis intendant divisionnaire. Mais la gestion est rapidement suspectée surtout par Gustave Tridon, membre de la Commune et membre de la commission militaire. Il rédige un rapport mettant en cause l’honorabilité des responsabilités de l’intendance.
Tridon est un homme intelligent et cultivé, le plus remarquable disciple de Blanqui. Pourquoi met-il tant d’acharnement à détruire l’estime accordée aux frères May ? Christophe Bitaud avance une explication qui n’est pas sans fondement : Tridon est l’auteur du molochisme juif ouvrage « qui en fait avec Fourier et Toussenel, le représentant de l’antisémitisme socialiste » (1). Cette déviance existe chez certains socialistes du XIXe siècle.
Varlin qui remplace les frères May, s’empresse de leur rendre justice et les lavera de tout soupçon. Pourtant les calomnies persisteront jusqu’en 1876, à New-York où Elie s’est réfugié.
Après l’amnistie, il revient en France et reprend sa place dans la lutte politique (avec quelques erreurs de parcours) Il se présente plusieurs fois aux élections mais sans succès. Il sera plus heureux dans la franc-maçonnerie puisqu’il obtient le titre de Vénérable d’honneur ad vitam aeternam de la loge Les Trinitaires.
Le 28 juillet 1918, Elie May est nommé président de « l’Association fraternelle des anciens combattants et des amis de la Commune » A sa mort, le 21 octobre 1930, il sera remplacé par son vieux camarade Camélinat, comme lui épris de justice et libre penseur (l’un S.F.I.O., l’autre communiste)
« Ainsi, tout au long d’une vie marquée de beaucoup plus d’échecs que de succès, Elie May, fidèle à ses convictions, s’est battu avec opiniâtreté pour ses idéaux de justice et de fraternité, et c’est peut-être aussi tous les combats qu’il a perdus qui nous le rendent si attachant (2) »
Marcel Cerf
N.B :
Par souci d’exactitude, signalons quelques coquilles sur les noms propres : Félix Piat pour Félix Pyat - Guérault pour Richard Gérault - Delecluse pour Delescluze. *
Christophe Bitaud, Élie May communard et franc-maçon, Babelio.
(1) Dommanget Maurice, Hommes et choses de la Commune, p. 125, éditions de la coopérative des amis de l’Ecole émancipée, Marseille, 1937.
(2) Christophe Bitaud.
EMILE EUDES, GÉNÉRAL DE LA COMMUNE ET BLANQUISTE
Une vie tout entière, consacrée à la défense des exploités, mais surtout il œuvre pour un changement de société plus juste, plus égalitaire et plus social.
Cet ouvrage retrace la vie d’un révolutionnaire, avant, pendant et après la Commune. Vie intense, courte, il est mort à 45 ans le 5 août 1888, en prenant la parole dans un meeting pour la défense des ouvriers terrassiers en grève. Vie tout entière, consacrée à la défense des exploités, mais surtout œuvre pour un changement de société plus juste, plus égalitaire et plus social.
Emprisonné, condamné à mort, s’est battu courageusement pendant les 72 jours de la Commune attaquée par les Versaillais. Il a connu les dures conditions d’exil avec sa femme et ses enfants en Suisse, en Belgique, en Angleterre jusqu’à son retour en France. Il a toujours eu foi en son idéal, malgré les mensonges, les calomnies, les bassesses de la part de la presse de Thiers, entre autre le Figaro. Ce qui était «normal» puisqu’il en était l’ennemi, l’homme à abattre.
Mais ce qui est le plus intolérable, ce sont celles venant de la part de membres de son propre camp. Le 6 août 1888, le journal l’homme libre annonçait la mort d’Emile Eudes avec son portrait en première page et ce poème de Jules Jeannin, dont nous citons ce passage :
« Salut à toi, martyr à l’âme grande et belle ! Pour mot de ralliement nous redirons ton nom ; Et nous nous souviendrons à l’heure solennelle Car nous aurons aussi notre Panthéon. Ce qui du soldat, frappé debout à la tribune Luttant contre le mal, pour le bien, ce vrai tout Sachant nous souvenir, et vive la Commune ! Mais encore, comme lui, sachons tomber debout. »
Claude Le Helloc
Jean-Louis Ménard, Émile Eudes, général de la Commune blanquiste, Editions Dittmar, 371, rue des Pyrénées, 75020 Paris.