LA COMMUNE DE PARIS 1871 PAR SAVIGNAC ET GUÉRIN

 LA COMMUNE DE PARIS 1871 PAR SAVIGNAC ET GUÉRINCet album est réalisé par deux passionnés de l’histoire des mouvements révolutionnaires. Un Parisien de la garde nationale observe, raconte et commente les principaux évènements, depuis le début de l’année 1870 jusqu’à la fin de la répression.

Profondément patriote, il est «  fier de sa commune  » dont il est plus témoin qu’acteur. La narration est bien documentée et l’essentiel des évènements est relaté sans développement.
Puisque l’auteure, Dominique Guérin, fait parler un homme du peuple, elle utilise un langage parlé populaire qui peut gêner certains, mais ne manque pas de saveur.

Cet album est illustré par 20 grandes planches d’Eric Savignac, en face du texte. Les peintures très colorées et originales correspondent bien à ce texte et font l’originalité de l’œuvre.

MARIE-CLAUDE WILLARD


AVOIR VINGT ANS AU QUARTIER LATIN

AVOIR VINGT ANS AU QUARTIER LATIN«  Les étudiants affectaient d’être négligés dans la tenue, d’avoir des cheveux longs et mal peignés, portaient de grosses cannes et de longues pipes, bavards, communs, criards (…), ainsi étaient ceux que l’on remarquait, écrit Jules Vallès dans ses Souvenirs d’un étudiant pauvre, qui viennent d’être réédités. « Les autres paraissaient étriqués, fripés, leurs livres sous le bras, mais point vêtus à la mode, et ayant presque tous l’air pauvre, quand ils n’avaient pas l’air canaille  », poursuit-il. L’ancien lycéen de Saint-Etienne et de Nantes appartient plutôt à la deuxième catégorie, celle qui ne rate pas une occasion de s’opposer à l’injustice. « J’ai dix ans de colère dans les nerfs, du sang paysan dans les veines, l’instinct de révolte… », écrit-il. Du 8 janvier au 5 mars 1884, un an avant sa mort, Jules Vallès publiera ses souvenirs d’étudiant dans Le Cri du peuple, quotidien qu’il a fondé en 1871 et relancé en 1883. Son récit se situe chronologiquement entre Le Bachelier et L’Insurgé, et aurait pu constituer un quatrième tome à la trilogie de Jacques Vingtras.
Ses compagnons de l’époque s’appellent Arthur Arnould, Arthur Ranc, tous deux futurs élus de la Commune et Charles Chassin, journaliste républicain qui sera arrêté par Thiers le 18 mars.
Vallès est invité chez les Arnould pour partager le pot-au-feu du dimanche. On y chante La Marseillaise ou La Carmagnole, on y boit, on y dîne, et on y discute sans fin. On parle même de lancer un journal.

L’étudiant fait place à l’insurgé

Dans ses Souvenirs, il dresse le portrait de Théophile Ferré, futur délégué à la Sûreté générale pendant la Commune et fusillé à Satory : « Un garçon aux cheveux bruns et brillants comme un écheveau de soie noire, aux moustaches fines, à la barbe soignée, dans laquelle luisait un éternel sourire qui montrait ses dents de jeune chien. Un nez d’aigle était vissé comme un éperon de combat sur cette face jeune et vive.  » Les mêmes convictions républicaines et la même haine contre le régime de Louis-Napoléon Bonaparte unissent ces jeunes hommes. Après l’interdiction du cours de Jules Michelet au Collège de France, le 14 mars 1851, « ce fut une autre vie qui commença pour moi », confie Vallès. « Je me lançai à corps perdu dans le mouvement et je me trouvai en relations avec des camarades nouveaux que j’ai désignés sous le nom de Rock, Renoul, et qui s’appelaient Arthur Ranc, Arthur Arnould, écrit-il en guise de conclusion. Le 15 avril, nous nous retrouverons dans le Quartier latin, au milieu des préparatifs de batailles, pendant l’année qui fut déshonorée par le coup d’Etat. »
Le 2 décembre, à 7 heures du matin, Ranc vient annoncer à Vallès le « coup de maillet », c’est-à-dire le coup d’État. On cherche des fusils. L’étudiant fait désormais place à l’insurgé.

JOHN SUTTON

Jules Vallès, Souvenirs d’un étudiant pauvre, éditions Libertalia (2015).



AUGUSTE BLANQUI, CRITIQUE SOCIALE : FRAGMENTS ET NOTES

AUGUSTE BLANQUI, CRITIQUE SOCIALE : FRAGMENTS ET NOTESFragments et notes publié aux Editions Dittmar est le deuxième volume de l’ouvrage de référence d’Auguste Blanqui, Critique sociale, qui n’avait jamais été réédité depuis 1885.

Ces fragments et notes, parfois très brefs, fulgurants, nourrissent la pensée et obligent à la recherche. Épargne, crédit, impôts, propriété intellectuelle, capital, santé, misère, et tant d’autres thèmes, trouvent ici une approche d’une vision très en avance sur son temps.

Pour la période de la Commune de 1871, nous comprenons mieux, avec cette lecture, pourquoi beaucoup de communards se sentirent référents de Blanqui, même s’il ne participa pas aux évènements. Condamné à mort par contumace pour tentative de prise du pouvoir lors de l’insurrection du 31 octobre 1870, il est arrêté la veille du 18 mars 1871 et maintenu en détention par Thiers.

C’est par une lettre à sa sœur, Madame Antoine, qu’il donne les consignes pour l’édition et le classement de ces deux volumes. La première partie de ce deuxième volume, Fragments, traite en 78 pages de beaucoup de questions économiques, telle l’abondance des capitaux par exemple, ou encore l’origine des capitaux. Certains de ces chapitres sont d’une telle force qu’ils ont pu être publiés comme tels dans de petits ouvrages bon marché, sous forme de brochures, comme le chapitre Qui fait la soupe la mange !

Blanqui dénonce le système coopératif qui n’est, dit-il, « que la fantasmagorie de la délivrance … que l’on fait miroiter aux yeux des peuples », et signale que « sur les 10 milliards que produit la France, l’usure en dévore au moins 6 milliards  ».

Dans la seconde partie consacrée aux Notes, nous retrouvons, comme des coups de crayon rapides, des définitions révélatrices des conditions de vie et de travail de l’époque. Il fait partager ses colères : celle contre l’exploitation du travail des enfants ou encore, dans une note sur l’esclavage, il dénonce avec force la traite d’Annamites livrés par bateau, « d’un bon choix et à bas prix  » selon le bulletin commercial qu’il épingle. La valeur de ces bribes de travail méritait bien de ne pas être perdue !

La dernière note éclaire parfaitement l’ouvrage, en une seule phrase : « Le pauvre est un besoin pour le riche  » !

CLAUDINE REY

Auguste Blanqui, Critique sociale : fragments et notes, Dittmar, 2012, 227 pages – 30 €.



BLANQUI L’ENFERMÉ

BLANQUI L’ENFERMÉLamartine disait qu’il avait « la maladie de la révolution ». Cet homme, Auguste Blanqui dit l’Enfermé, dont la vie si riche nous est contée, lui qui déclarait que « l’œuvre préalable d’une révolution, doit-être l’éducation  », mérite d’être mieux connu.

Ayant participé aux révolutions de 1830, de 1848, il est enfermé pendant trente-six ans, souvent dans des conditions extrêmement pénibles comme au Mont Saint-Michel, à Sainte-Pélagie, à Belle-Île-en-Mer, sans oublier les autres internements.

Jamais il ne renie ses convictions et il refuse même une grâce alors qu’il est très malade, restant fidèle à sa conduite. S’il fait un mariage heureux, il n’a guère le temps de l’apprécier. Il sait que la politique qu’il fait joue sa liberté et sa vie. Il combat celle qui est contre le pauvre qui ose penser. Il demande que le peuple ait le temps de s’instruire pour voter.

L’auteur commente l’affaire Taschereau qui met en cause Blanqui et le fait apparaître comme un lâche et un indicateur. Or, il s’agit d’une machination policière où il prouve qu’il ne peut pas en être l’auteur. Mais ce document provoque le départ de quelques amis et le doute le poursuit très longtemps : « la calomnie est toujours la bienvenue, pourvu qu’elle tue, qu’importe la vraisemblance  ».

En 1880, il est ovationné lors d’un retour de voyage. Toujours fidèle à sa conduite, il reprend la politique au grand jour sous un régime de liberté.
Il fonde un journal, Ni Dieu, ni Maître.

Sa mort survient le 1er janvier 1881. La foule qui n’était pas venue lors de son vivant, vient honorer le mort.

ANNETTE HUET

Gustave Geffroy, Blanqui l’Enfermé, L’Amourier éditions, 2015. 600 pages ; dessins d’Ernest Pignon-Ernest.



JE TE PARLE AU SUJET D’ÉDOUARD VAILLANT.
LA TÊTE PENSANTE DE LA COMMUNE

JE TE PARLE AU SUJET D’ÉDOUARD VAILLANT.  LA TÊTE PENSANTE DE LA COMMUNEDepuis les biographies de Maurice Dommanget et de Jolyon Howorth, aucun ouvrage nouveau n’était paru sur Édouard Vaillant, délégué à l’enseignement et membre de la commission exécutive de la Commune de Paris. Avec la parution du tome I d’une nouvelle biographie qui va jusqu’au retour d’exil, notre ami Jean-Marie Favière, ancien professeur au lycée Édouard Vaillant de Vierzon et vaillantiste ardent, remet bien justement à l’honneur un homme d’une grande dimension humaine et politique trop méconnu, mais aussi le département du Cher en Berry.

La grande originalité de l’ouvrage tient dans le choix de l’auteur de dialoguer tout au long des pages avec son fils : l’intérêt essentiel de cette démarche repose sur son aspect didactique et sur l’actualisation des événements. La lecture en est donc très vivante et agréable.

Grâce à l’exploitation précieuse des fonds Vaillant de la médiathèque de Vierzon et des archives départementales de Bourges, Jean-Marie Favière remonte le fil de la jeunesse d’Édouard Vaillant et apporte sur ce plan des informations précises sur ses différents lieux d’habitation ainsi que sur son entourage familial et sa mère née Ambroisine Lachouille. L’étude des séjours d’Édouard Vaillant en Allemagne et Autriche donne aussi un éclairage particulier sur sa soif de connaissances tout au long de sa vie ; son rapport direct avec le philosophe allemand Feuerbach, à l’humanisme athée et matérialiste, fut un moment clé pour sa réflexion future dans l’esprit socialiste et révolutionnaire qui le guidait. Son engagement dans la Commune est mieux connu, quoiqu’il n’ait jamais écrit de mémoires ; seul son témoignage dans «  Enquête sur la Commune  », paru dans La Revue blanche en 1897, précise son sentiment sur ces 72 jours qui le virent en fonction comme délégué à l’enseignement et membre de l’exécutif, «  la tête pensante de la Commune  », à la fois déterminé dans ses actes et soucieux d’unité.
FavièreL’activité qu’il continua à mener en exil, la rédaction du Manifeste « Aux Communeux » démontrent le rôle éminent qu’eut Edouard Vaillant pour l’évolution de la pensée socialiste.

L’admiration que lui porte Jean- Marie Favière se sent tout au long de l’ouvrage : respect pour un homme toujours dans l’action mais aussi pour son écoute et son influence, lui qui fut à l’origine de nombreux projets.

Au-delà de l’aspect biographique et de l’interprétation, toujours sujette à discussion, de certains faits événementiels de la Commune, Jean-Marie Favière nous entraîne sur de multiples terrains de connaissances à travers de nombreuses digressions. De même, plusieurs réflexions personnelles portent sur des sujets de fond essentiels qui mériteraient un passionnant débat d’idées, entre autres : la primauté entre démocratie et République, la problématique de l’histoire de la Commune comparée à celle de la Seconde guerre mondiale, la caution de la défense patriotique en 1870, le dilemme de la Révolution en situation de conflit extérieur, la propagande révolutionnaire, la fin de la Première Internationale.

Cette parution est un des événements majeurs de l’année Vaillant dans le Cher en Berry. Saluons donc vivement cet ouvrage d’un historien local laudateur d’une figure restée trop dans l’ombre de Jaurès et Guesde, et née en province : cette Province dont étaient natifs les trois-quarts des communards et communardes de Paris.

JEAN ANNEQUIN

Jean-Marie Favière, Je te parle au sujet d’Edouard Vaillant. La tête pensante de la Commune, J.P.S Editions, 2015.

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