Fort Boyard, pour beaucoup de personnes, est seulement le décor original d’un jeu télévisé qui existe depuis quinze ans et dont les participants sont soumis à de rudes épreuves tenant les téléspectateurs en haleine. Combien savent que de nombreux prévenus de la Commune furent internés dans ce site surprenant ?
Le fort construit en pleine mer a pour origine un projet de 1801 du premier consul qui craignait l’invasion des Anglais par le littoral atlantique. Les travaux commencèrent en 1804. Les assises sont terminées en 1848 et la construction définitive ne sera achevée qu’en 1854. A cette date, le fort se révéla inutilisable, étant donné les progrès de l’artillerie et il devint un lieu de détention.
Fort Boyard a les dimensions suivantes : 68 mètres sur 31 et 20 mètres de haut. Les batteries sont établies en casemates avec des embrasures étroites. Il y a 66 casemates dont chacune peut contenir une vingtaine d’hommes.
A l’époque de la Commune, il n’y a pas encore de tigres à Fort Boyard, mais des gardes-chiourmes qui surveillent étroitement les prisonniers. Le 3 juin 1871, il y a 601 communards internés. Ce sont surtout des insurgés condamnés à la déportation. Rochefort, Paschal Grousset, Olivier Pain, Jourde, Assi, le docteur Rastoul séjournèrent à Fort Boyard.
Dans « Aventures de ma vie », Rochefort décrit ainsi son arrivée au fort : « Notre cœur se serra quand le mastodonte en pierre, bâti sur la roche Boyard, nous apparut dans la rougeur du matin. Noir et percé de sabords d’où sortirent des yeux féroces, figurés par les canons qui semblaient nous suivre du regard ».
Les conditions d’hygiène sont déplorables. Les détenus reçoivent un kilo de paille par homme, renouvelable tous les quinze jours. La paille piétinée devient rapidement une couche infecte où grouille la vermine.
La ration alimentaire est composée de viande de bœuf distribuée le dimanche et le jeudi, et les autres jours du lard salé, remplacé par du fromage quand le lard est avarié, parfois de la morue à l’huile, une livre de pain ou des biscuits de soldat et des haricots. Ni vin, ni tabac ; aucun légume frais n’est prévu, ce qui provoque une épidémie de scorbut chez des prisonniers déjà arrivés dans un état physique lamentable.
Le 7 août 1871, 22% des internés de Fort Boyard sont atteints par la maladie. L’évacuation des scorbutiques vers d’autres centres de détention est décidée. Le 25 août, il n’y a plus que 9,21% d’internés contaminés.
Les forts côtiers seront progressivement évacués et le Fort Boyard est définitivement fermé le 28 juin 1872.
En 1961, le ministre des armées rend le fort aux domaines. Plus tard, par vente aux enchères, il est acquis par un dentiste. Après être passé dans les mains de différents acquéreurs, Fort Boyard est maintenant propriété du Conseil général de Charente maritime.
Documentation : Louis Bretonnière, Roger Pérennès, L’internement des prévenus de la Commune à Rochefort (1871-1872), Conseil général de la Charente maritime, Université Inter-âges de Nantes, 1996.
Marcel Cerf