Tableaux représentant l’incendie de l’Hôtel-de-Ville ou les otages fusillés à la prison de la Grande Roquette… Rien d’étonnant à ce que le musée de la préfecture de police de Paris, ne présente pas la Commune sous un jour favorable. Mais quelques pièces rares, comme la carabine d’un communard gravée d’un bonnet Phrygien, justifient à elles seules la visite.
Raoul Rigault (1846-1871)
Raoul Rigault (1846-1871) - source IISH, Amstaerdam

Le 18 mars 1871, à 7 heures du soir, le général Valentin, préfet de police de Paris quitte la préfecture pour Versailles avec 2 000 policiers. Cet événement marque le début de la Commune, pour le musée de la préfecture de police (PP) de Paris [1].

Henri Rochefort (1831-1913)
Henri Rochefort (1831-1913)

Six jours plus tard, il installe ses bureaux dans le pavillon Louis XIII du château de Versailles. Son successeur, Raoul Rigault, est nommé délégué à la Sûreté, le 19 mars par le comité central de la Commune. Le nom de celui qui mourut en uniforme, en criant : « Vous êtes des assassins ! Vive la Commune ! », n’est bien sûr pas évoqué dans le musée. Le rédacteur en chef de La Marseillaise, Henri Rochefort, est le seul communard dont il est fait mention, et ce pour des faits antérieurs à la révolution de 1871. Arrêté le 12 janvier 1870, à la suite de l’émeute qui suivit l’enterrement de Victor Noir, journaliste de La Marseillaise assassiné par le prince Pierre Bonaparte, Henri Rochefort fut condamné à six mois de prison.

Il fut libéré le 4 septembre, lors de la proclamation de la République. Dans une lettre datée du 5 octobre 1884, conservée dans les collections, le journaliste rappelle qu’il occupait à la prison de Sainte-Pélagie « au pavillon de la presse, la grande chambre du 1er étage, qu’avait avant moi habitée Delescluze ». « Je savais qu’en effet, la clef en avait été empruntée par un des citoyens qui était venu me délivrer, mais j’ignorais qu’elle fut en votre possession », ajoute Henri Rochefort, s’adressant à un correspondant resté anonyme qui restitua la fameuse clef, désormais exposée dans le musée.

Musée de la préfecture de police -  4, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève Paris 5ème
Musée de la préfecture de police -  4, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève Paris 5ème

 

Les gardiens de la paix contre la Commune.

Sous un tableau représentant le mur des otages à la Grande-Roquette, on peut voir dans une vitrine la casquette d’un gardien de la paix mobilisé pendant la Semaine sanglante.

Sur ordre du maréchal Mac-Mahon, commandant en chef de l’armée de Versailles, les gardes nationaux hostiles à la Commune et les gardiens de la paix mobilisés qui servirent d’éclaireurs aux troupes versaillaises, pendant la semaine du 21 au 28 mai 1871, devaient porter des brassards blancs sur le bras droit et des bandeaux de la même couleur, cousus sur leur képi, pour ne pas être confondus avec les insurgés. « Le blanc est la couleur du commandement militaire et avait, pour les officiers versaillais, une connotation monarchique, en opposition avec le drapeau rouge de la Commune », explique le cartel du musée de la préfecture de police.

Dans la même vitrine, est présentée une carabine Sharp, modèle 1863, qui était en fonction dans la cavalerie fédérale américaine pendant la guerre de Sécession (1861-1865). D’importants stocks d’armes ont été achetés par le gouvernement de la Défense nationale pour en doter les armées républicaines.

Carabine Sharp, modèle 1863
Carabine Sharp, modèle 1863

 

Arrivées en France à l’automne 1870, elles ont été distribuées à la Garde nationale mobile des départements. La carabine exposée a probablement franchi l’enceinte de Paris juste avant l’insurrection de 1871. Détail intéressant : un bonnet phrygien est gravé sur la crosse. En revanche, ne sont exposées dans le musée de la PP, ni les nombreuses lettres de dénonciation, ni le registre d’identification surnommé « missel rouge » [2], où étaient consignés les signalements et les photographies des communards recherchés.

Courbet à New-York ?

Il faut lire le court chapitre du livre de Bruno Fuligni, Dans les secrets de la police [3], réalisé à partir des archives de la préfecture de police, pour en apprendre un peu plus sur les aspects méconnus de la répression.

Dans le fameux « missel rouge », sous la photo d’identification du peintre Gustave Courbet, on peut lire ce portrait caricatural :

Grand, gros, voûté, marchant difficilement, à cause de douleurs dans le dos, cheveux grisonnants, air d’un paysan goguenard, assez mal vêtu.

Croyant l’avoir démasqué, un indicateur nommé Garaud écrit à la police :

Je puis vous affirmer que le trop fameux Courbet est caché au quartier Latin et qu’il a même un passeport américain pour gagner New-York.

Heureusement à l’époque, la police scientifique était encore balbutiante et laissa échapper quelques « gros poissons ». C’est ainsi que deux élus de la Commune, Jules Vallès et Jules Miot, étaient toujours activement recherchés en France par la maréchaussée, alors qu’ils avaient gagné Londres depuis des mois…

 

FRANÇOIS ZIMMER

Portrait de Mme Marie Leroy par Charles Appert (source : © Musée Carnavalet – Histoire de Paris)
Portrait de Mme Marie Leroy par Charles Appert (source : © Musée Carnavalet – Histoire de Paris)

Quatre mille portraits de communards, sous forme de cartes de visite sont envoyés à la police des frontières.


Notes

[1]Commissariat du 5e arrondissement : 4, rue de la Montagne Sainte-Geneviève, Paris 5e. Tél : 01 44 41 52 50

[2] Ce surnom lui vient de sa reliure en cuir avec un fermoir en forme de croix.

[3] Editions L’Iconoclaste (2009).

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