Le 28 mai 1871, Brest se préparait à accueillir environ 12 000 communard(e)s arrêté(e)s par les troupes versaillaises. Onze navires avaient été prévus pour les recevoir (1).
Trois navires pouvaient transporter 1 200 détenu(e)s chacun :
Le Napoléon
La Ville de Bordeaux
La Ville de Lyon
Deux autres pour 1 100 hommes (ou femmes) chacun :
L’Aube
L’Hermione
Enfin, six bâteaux pouvant transporter 1 000 prisonnier(e)s :
La Marne
L’Austerlitz
L’Yonne
Le Breslaw
Le Duguay-Trouin
Le Fontenay
Soit une capacité totale de 11 800 détenu(e)s.
Pour l’occasion « Le Breslaw », « Le Duguay-Trouin », « Le Fontenoy » et la « Ville de Lyon » avient été ramenés de la réserve de Landévennec.
Chaque bâtiment est composé d’un équipage comprenant :
1 capitaine de Frégate 1 second-maître commis
1 lieutenant de Vaisseau 1 distributeur
1 médecin-major 2 cuisiniers
1 maître d’équipage 2 agents de service
3 maîtres ou premiers-maîtres
3 seconds-maîtres
6 quartiers-maîtres
30 matelots
Soit un équipage de 52 hommes.
Ils arrivèrent en gare de Brest par wagons plombés de 1.200 prisonniers. Certains iront à la prison de Pontaniou. Mille deux cents seront dirigés en chaloupe jusqu'au fort de Quélern, à Roscanvel, en presqu'île de Crozon.
Les malades furent conduit au lazaret (établissement de mise en quarantaine) de l’Ile Trébéron ou au bâtiment-hopital « La Renommée ».
Les autres furent parqués sur les bateaux-pontons mouillant en rade de Brest.
Prosper-Olivier LISSAGARAY dans son « Histoire de la Commune » raconte :
Il y a sur les pontons des tortures réglementaires. Les traditions de Juin 48 et de Décembre 51 furent religieusement suivies en 71. Les prisonniers, parqués à 80 dans des cages faites de madriers et de barreaux de fer, disposées à droite et à gauche des batteries, ne recevaient un filet de lumière que des sabords cloués. Nulle ventilation. Dès les premières heures, l'infection fut intolérable. Les sentinelles se promenaient dans le couloir central, avec ordre de tirer à la moindre plainte. Des canons chargés à mitraille enfilaient les batteries. Ni hamacs, ni couvertures.
Pour toute nourriture, du biscuit, du pain et des haricots. Pas de vin, pas de tabac. Les habitants de Brest … ayant apporté des provisions et quelques douceurs, les officiers les renvoyèrent .…
Et Jean-André Faucher dans « La véritable histoire de la Commune – L’agonie (Tome III » de préciser :
Les marins sont des geôliers fort humains. Les fusiliers-marins sont impitoyables. Le sort des détenus à bord dépend essentiellement de ce que vaut l’officier. À Brest, l’officier qui commande en second sur la Ville de Lyon a interdit d’insulter les détenus. Le capitaine d'armes du Breslaw, par contre, est un garde-chiourme.
Ce n’est pas le même son de cloche dans la presse locale qui insiste sur l’humanité des autorités brestoises.
L’Électeur du Finistère du 17 juin écrit :
Fin mai il y avait environ 12 000 détenus sur les pontons, le 14 juin il en restait encore 10 880.
Il était nécessaire d’activer les opérations des Conseils de guerre. Jules Simon, Ministre de l’Instruction publique et des Cultes entreprend une tournée des ports en compagnie du chef d’état-major du Ministre de la Marine pour mieux connaître la situation. Il restera deux jours à Brest : arrivé le 22 juillet il repartira pour Lorient le 24.
Car pour certains prisonniers leur attente fut longue. Brièvement interrogés par des commissions militaires, leur sort était suspendu à des rapports de police qui insistaient autant sur leurs antécédents judiciaires que sur leur active participation à l’insurrection. Ceux qui furent retenus pour un supplément d’instruction furent transférés sur Versailles pour être jugés par un des 24 conseils de guerre (2). Puis une fois condamnés à la déportation ils furent réacheminés vers les bateaux-pontons, toujours dans les mêmes conditions inhumaines de transport par wagons plombés.
Les pontons-prisons des insurgés de la Commune
Sources :
Des pontons de France à la Nouvelle-Calédonie avec les insurgés de la Commune, Revue Maritime, n° 140, janvier 1958.
Déportés et forçats de la Commune, de Belleville à Nouméa, Roger Perennès, Ouest Éditions, 1991 (épuisé).
« Brest la rouge (1847-1906) » de Georges-Michel Thomas (pages 84 à 91)
« Histoire de la Commune de 1871 » de Prosper-Olivier Lissagaray (disponible sur Gallica/BnF)
« La véritable histoire de la Commune – L’agonie (Tome III » de Jean-André Faucher
https://www.commune1871.org/la-commune-de-paris/histoire-de-la-commune/chronologie-au-jour-le-jour/445-la-vie-sur-les-pontons
https://macommunedeparis.com/2019/03/28/prisons-versaillaises-automne-1871-les-pontons/
Bertrand Tillier, « Le procès des communards », Histoire par l'image
url : http://histoire-image.org/fr/etudes/proces-communards
Notes
(1) – Pour d’autres sources il y avait un douzième bâteau-Ponton « le Tilsitt ».
Le 31 mai 1871, cinq trains de marchandises formés à Versailles, rive gauche, entrent en gare de Brest. Ils transportent 3 000 condamnés extraits des camps de Satory. Les jours suivants on achemine des convois de 1 200 prisonniers.
Les convois se succèdent à cadence régulière jusqu'en juillet 1874.
Les forts, les prisons militaires, les maisons centrales ne suffisent plus, on utilise les vieux bâtiments désarmés mouillés en rade de Brest, comme le Ville-de-Bordeaux, le Napoléon, le Ville-de-Lyon, l'Austerlitz, le Fontenoy, le Breslaw, l'Hermione, l'Yonne, la Marne, le Dugay-Trouin et le Tilsitt.
500 hommes sont détenus à l'hôpital de Brest. À la fin du mois d'août 1871, 25 000 hommes sont internés sur les pontons de l'Atlantique à Cherbourg, Brest, Lorient, Rochefort, l'île d'Aix, l'île d'Oléron et Toulon.
Les chefs d'inculpation étaient : « aide apportée à la constitution à une société de résistance, cris séditieux, pour avoir servi la Commune, délit de Presse, critique la religion, homme de désordre ... ».
(2) - Pendant plus de quatre années consécutives, vingt-quatre conseils de guerre siégeront pour instruire les procès de presque 35 000 hommes, plus de 800 femmes et 538 enfants.
En dehors de quelque 2 500 acquittements et d’environ 23 000 ordonnances de non-lieu, les conseils de guerre réunis à Saint-Germain-en-Laye, Sèvres, Rambouillet, Rueil, Saint-Cloud, Vincennes, Chartres ou Versailles se montreront intraitables :
93 individus seront passés par les armes au camp de Satory, 250 seront condamnés aux travaux forcés. Par ailleurs, plusieurs milliers de communards connaîtront la déportation en Nouvelle-Calédonie, en enceinte fortifiée pour 1 000 d’entre eux environ, 3 400 y étant condamnés à la déportation simple.
À ces chiffres, il faut encore ajouter 4 500 condamnations à la réclusion et plus de 3 000 condamnations par contumace pour les communards ayant réussi à quitter la France.