Les procédés de photographie sont créés en 1824 par le Français Nicéphore Niépce et ont connu des évolutions technologiques tout au long du 19ème siècle. En 1871, la photographie commence donc à être installée dans le paysage commun, du moins celui des riches, et à être reconnue comme une manière plus réaliste que la peinture pour témoigner des événements.

La Commune de Paris est le premier événement historique en France à être photographié, et a été l’occasion d’une guerre de l’image entre Communards et Versaillais pour raconter les événements.

Hippolyte Blancard - Barricade de fédérés, pièce de 8 restée dans un fossé près du musée Cluny dans le 5ème arrondissement (CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris)
Hippolyte Blancard - Barricade de fédérés, pièce de 8 restée dans un fossé près du musée Cluny dans le 5ème arrondissement (CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris)

Les photographies connues à ce jour réalisées lors de la Commune représentent principalement les barricades érigées dans les rues de Paris, ainsi que les Gardes nationaux les défendant, posant fièrement. Le cadre de ces photos est plutôt large, mais beaucoup d’entre elles permettent de visualiser les traits des hommes et femmes, permettant ainsi aux non-contemporains de poser un visage sur les révolutionnaires.

Au contraire, sitôt Paris repris par les Versaillais, ces derniers emploient des photographes pour prendre le cliché des bâtiments détruits, afin de mettre en avant les méfaits des Communards - alors que de nombreuses destructions étaient le fait des bombardements versaillais.

Barricade devant l'église de la Madeleine, Commune de 1871 - Photographie Augustin-Hippolyte Collard ( CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris)
Barricade devant l'église de la Madeleine, Commune de 1871 - Photographie Augustin-Hippolyte Collard ( CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris)

En 1871, 50 % des dépôts photographiques (1800 clichés), traitent de la Commune de Paris, dont les deux tiers portent sur les ruines.

Lorsque l’insurrection éclate, les photographes parisiens fuient Paris, sauf quelques-uns qui choisissent de rester, sentant l’importance des événements, comme Alphonse Liébert, les frères Léautté (Marcel et Jean), Augustin-Hippolyte Collard et Bruno Braquehais.

      

Maison d'Adophe Thiers (en cours de démolition), Commune de Paris (1871). Place Saint-Georges, 9ème arrondissement, Paris. Ruines, destruction, ouvriers. Hôtel Dosne-Thiers. Quartier de la Nouvelle Athènes. -  Alphonse Liébert, Photographe (CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris)
Maison d'Adophe Thiers (en cours de démolition), Commune de Paris (1871). Place Saint-Georges, 9ème arrondissement, Paris. Ruines, destruction, ouvriers. Hôtel Dosne-Thiers. Quartier de la Nouvelle Athènes. -  Alphonse Liébert, Photographe (CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris)

Parmi les photographes restés à Paris comme Eugène Disdéri, Etienne Carjat et Nadar, malgré leur sympathie pour la Commune, n’ont pas réalisé de clichés à son sujet. 

 

Bruno Braquehais

Originaire de Dieppe, Bruno Braquehais était un photographe parisien spécialisé dans les portraits en pied. Il est considéré comme le premier photo-reporter de France, grâce aux nombreuses photos  prises lors de la Commune et à ses portraits de fédérés.

Bruno Braquehais et son épouse Laure-Gouin (Collection particulère)
Bruno Braquehais et son épouse Laure-Gouin (Collection particulère)

Né sourd, Braquehais s’est spécialisé dans la lithographie à l’Institut royal des sourds et muets à Paris, puis à Caen. De retour à Paris en 1850, il rencontre le photographe Alexis Gouin et l’assiste dans la réalisation de portraits et d’images érotiques, souvent en stéréoscopie, et colorisées. En 1863, il ouvre un studio photographique situé au 11 bd des Italiens, et participe à l’Exposition universelle de Paris de 1867.

Présent à Paris en mars 1871, Braquehais décide de rester sur place, et descend avec l’ensemble de ses appareils photographiques réaliser de nombreux clichés des événements et des communards. 

Il utilisait des plaques de verre sèches, nécessitant un temps de pause de quarante secondes.

Sa présence durant la totalité de la Commune, et son activité soutenu lui ont permis de réaliser environ 140 clichés, soit quasiment 2 photographies par jour.

Bruno Braquehais - Barricade rue de Castiglione dans le 1er arrondissement (CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris)
Bruno Braquehais - Barricade rue de Castiglione dans le 1er arrondissement (CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris)

Braquehais a varié les sujets de ses photographies : barricades et bâtiments défensifs, communards et fédérés posant devant les barricades, et bâtiment en ruines. 

Braquehais a été le témoin d’événements d’importance de la Commune, comme la destruction de la Colonne Vendôme le 16 mai - où il est le seul photographe présent sur place, et celle de l’hôtel particulier de Thiers.

Braquehais, Auguste Bruno , Photographe - Groupe place Vendôme, 1er arrondissement, Paris. 1871. (CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet)
Braquehais, Auguste Bruno , Photographe - Groupe place Vendôme, 1er arrondissement, Paris. 1871. (CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet)

Ses clichés ont permis de documenter de façon inattendue la Commune de Paris. 

Malheureusement, Bruno Braquehais fait faillite en 1873 et il est condamné à la prison pour abus de confiance. Le 21 octobre 1874, il divorce de sa femme. Enfermé 13 mois à la prison de Mazas, il décède peu après sa sortie en février 1875, à La Celle-Saint-Cloud.

Une exposition lui a été dédiée par la Ville de Dieppe, permettant de redécouvrir ses travaux et réalisations.

https://www.youtube.com/watch?v=lkO7Ut156Dg

Pour en savoir plus

La Commune photographiée, Textes de Quentin Barjac, Alisa Luxenberg, Stéphane Sotteau, Denis Pellerin, Joëlle Bolloch. Réunion des Musées Nationaux, 2000

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