Prosper-Olivier Lissagaray relate, dans son histoire de la Commune de 1871, qu’un arrêt de la Commission de la Justice ordonna aux directeurs des établissements d’aliénés d’envoyer, sous quatre jours, un état nominatif et explicatif de leurs malades. Lissagaray écrit :

« Que la Commune eût fait le jour dans ces tanières, et l’humanité serait sa débitrice ».

Lissagaray relate également l’épisode très révélateur de la prodigieuse hypocrisie de la morale bourgeoise et cléricale, du couvent des sœurs de Picpus :

« Des gardes nationaux avaient éventré les mystères du couvent de Picpus, découvert trois malheureuses enfermées dans des cages grillées, des instruments étranges, corselets en fer, ceintures, chevalets, casques qui sentaient l’inquisition, un traité d’avortement, deux crânes encore couverts de cheveux. Une des prisonnières, la seule qui eût conservé la raison, racontait qu’elle vivait depuis dix années dans cette cage ».

La sœur qui faisait la fonction de supérieure répond à Rigault (que la Commune avait installé à la préfecture de police) qui l’interroge sur la raison de l’enfermement de ces femmes :

« – C’était pour rendre service à leurs familles ; elles étaient folles. Tenez, vous, messieurs, qui êtes des fils de famille, on est quelquefois bien aisé de cacher la folie de ses parents.

– Mais vous ne connaissez pas la loi ? –

Non, monsieur le commissaire, nous obéissons à nos supérieurs.

À qui ces livres ?

– Je n’en sais rien ».

Prosper-Olivier Lissagaray (1838-1901)
Prosper-Olivier Lissagaray (1838-1901)

Cette anecdote révèle à la fois le caractère profondément inhumain de la morale bourgeoise de l’époque et nous laisse entrevoir l’esprit profondément humaniste et libertaire de la Commune. Belle époque que celle où le socialisme était encore une aurore généreuse et pleine de rêves et n’était pas devenu, par une cruelle ironie de l’Histoire, le crépuscule sanglant de tous les espoirs humains.

On peut également noter l’ironie que constitue de nos jours l’existence d’un pavillon Louise Michel à l’Hôpital Psychiatrique de Soisy-sur-Seine. Problème symbolique où la bourgeoisie coopte pour leur ôter leur pouvoir subversif les plus belles figures de l’Histoire révolutionnaire. Cette militante anarchiste passionnée qui donna toute sa vie à la grande cause de la Révolution sociale serait très probablement affligée du sort que l’on réserve aux patients de ce pavillon, en ces temps de restrictions budgétaires, de casse des services publics et de suppression de lits dans les hôpitaux et en psychiatrie en particulier.

Balthazar Alessandri

Dernières publications sur le site