La gestion du Mont-de-Piété [1] fut une des préoccupations essentielles des communards qui lui ont consacré beaucoup de temps dans leurs délibérations.
Sous le Second Empire, la majorité des ouvriers avaient régulièrement recours à cette institution — que l’on appelait « ma tante » depuis qu’un prince, pour se disculper d’avoir engagé sa montre, avait dit à la reine Marie-Adélaïde de l’avoir laissée chez sa tante — où ils engageaient linge, vaisselle,
meubles, etc… Au printemps 1871, on évaluait à près de deux millions le nombre des articles déposés.
Parmi les mesures d’urgence adoptées par le Comité central, figurait un texte rapportant l’arrêté relatif à la vente des objets engagés au mont-de-piété et l’un des tout premiers actes de la Commune fut de confirmer cette suspension par un décret publié au Journal Officiel du 30 mars.
Devant la pression exercée par les nombreux nécessiteux ne se contentant pas de cette mesure et demandant la restitution de leurs biens, la Commune engagea une assez longue discussion sur ce sujet.
Au JO du 1er mai, paraissait un long rapport de la Commission du travail et de l’échange présentant un historique de l’usure et de l’institution des monts-depiété. Ce rapport notait que ces institutions avaient
« une corrélation intime avec les bureaux de bienfaisance, l’administration des hospices, les caisses d’épargne, la société du prince impérial »
et que
« ces cinq organes de la charité publique faisaient entre eux des virements de fonds journaliers. »
Il indiquait que le mont-de-piété détenait un nombre considérable de gages sur lesquels il avait prêté une somme de 38 millions représentant une « valeur réelle » de 180 millions,
« la moyenne du prêt ne dépassant pas le cinquième de la valeur de l’objet déposé. »
La liquidation des monts-de-piété posait donc d’énormes problèmes. Le décret publié au JO à la suite de ce rapport en adopta cependant le principe, accompagné des dispositions nécessaires à sa mise en oeuvre (qui n’aura pas lieu) par un « syndicat de liquidation. »
Quelques jours plus tard, un décret publié au JO du 7 mai prévoyait que
« toute reconnaissance du mont-de-piété antérieure au 25 avril portant engagement d’effets d’habillement, de meubles, de linge, de livres, d’objets de literie, d’instruments de travail ne mentionnant pas un prêt supérieur à la somme de 20 f pourra être dégagée gratuitement à partir du 12 mai. » [2]
L’exécution de cet arrêté, donna lieu à des tirages au sort des objets à restituer au cours de plusieurs journées marquées par une grande affluence. Ces opérations, qui portèrent sur une faible partie des 900 000 articles entrant dans le champ du décret et représentant une valeur d’environ 10 millions, furent interrompues par l’entrée des troupes versaillaises dans Paris.
RENÉ BIDOUZE
Notes :
[1] Extrait du livre de René Bidouze : 72 jours qui changèrent la cité pages 134-135 – Le Temps des cerises
[2] La même mesure avait été prise par le gouvernement de la Défense nationale sur la base de 15 f. La Commune, qui avait initialement envisagé de dégager les objets jusqu’à concurrence de 50 f, avait dû, après de longs débats sur les indications détaillées fournies par Francis Jourde, se résoudre à ramener le chiffre à 20 f.