Walery Wroblewski est né le 5 décembre 1836 à Zoludek, aux confins nord-est de la Pologne, actuellement Belarus, dans une famille de propriétaires terriens appartenant à la petite noblesse. Il fait ses études à Wilno et à Saint-Petersbourg à l’Institut supérieur des eaux et forêts. Dans cette ville, comme beaucoup d’étudiants, il entre en contact avec les démocrates révolutionnaires russes, ce qui influence sa formation politique. Ses études terminées, il travaille dans la région de Grodno en militant, en même temps, pour ses idées sociales. Quand, en janvier 1863, éclate l’insurrection contre la domination russe, le jeune Walery y prend une part active en commandant un groupe de maquisards. « Wroblewski jouissait, parmi ses compatriotes combattants de l’insurrection d’un prestige militaire mérité. D’une bravoure à toute épreuve, on racontait qu’il avait, avec une demi-douzaine de lanciers, traversé toute la Lituanie. Il avait le corps tatoué de coups de lances » (1).
Après la défaite de l’insurrection et la répression qui a suivi, il passe quelques mois en Galicie (sous domination autrichienne) ; ensuite, comme beaucoup de ses compatriotes, il se réfugie à Paris. Il y exerce différents petits métiers : instituteur, imprimeur, professeur de piano (il est très bon pianiste) ; il habite pendant quelques mois 15, rue Boursault dans le XVIIe arrondissement, une modeste chambre louée 20 Fr. par mois mais ce loyer modique est encore trop cher ! Il n’abandonne pas l’activité politique, adhère (1866) à l’Union des démocrates polonais qui lutte pour une Pologne « bâtie des mains de ses travailleurs » et libérée de la domination tsariste.
Après le 4 septembre 1870, avec un groupe de militaires polonais, il propose au général Trochu la formation d’une légion polonaise pour la défense de Paris contre les Prussiens. Trochu refuse car il a, en réserve, son fameux plan de défense qui se soldera par une totale défaite. Pour lutter contre l’envahisseur, Wroblewski entre dans la Garde nationale.
Début avril 1871, il obtient le commandement de la cavalerie des Fédérés sur la rive gauche de la Seine. Ses connaissances militaires, sa bravoure sont ensuite mieux utilisées. Cluseret, le délégué à la Guerre qui vient d’ébaucher l’organisation de trois armées pour la défense de la capitale contre les troupes versaillaises, lui confie la direction de l’armée dite du centre avec le titre de général.
Rossel, nouveau délégué à la Guerre, procédant à la répartition des différents commandements militaires, maintient Wroblewski dans ses fonctions avec l’état-major extérieur à Gentilly et intérieur à l’Élysée. Le 11 mai, à la tête des 105e et 187e bataillons fédérés (qui comptent beaucoup de Polonais), il reprend le fort de Vanves aux Versaillais. Il s’y maintient deux jours malgré des tirs d’artillerie très violents. Il doit évacuer le fort en raison de la puissance du feu ennemi et de l’effectif très réduit de ses propres forces.
Pendant la Semaine sanglante, Wroblewski oppose une résistance acharnée aux attaques versaillaises dans le XIIIe arrondissement (voir article dans ce bulletin). Replié sur le XIe arrondissement, place du Château-d’Eau, il refuse le commandement général des troupes de la Commune proposé par Delescluze. Les hommes valides et les munitions manquent. Il continue la lutte comme simple garde national.
Après la chute de la Commune, Wroblewski réussit à se cacher quelques mois à Paris. Puis il se réfugie à Londres où se trouvent déjà de nombreux Communards. Il monte une petite imprimerie dans le quartier d’Islington ; il imprime les feuilles éphémères des proscrits plus ou moins solvables. Il est l’imprimeur du Rouge et Noir de Lissagaray. Sa situation matérielle est très difficile. Marx et Engels, qui ont une très grande estime pour ce vaillant général de la Commune, lui viennent souvent en aide.
Le 30 août 1872, le 17e Conseil de Guerre le condamne à mort par contumace.
Membre du Conseil de l’Internationale, il devient secrétaire-correspondant pour la Pologne. Il assiste au 5e Congrès de l’Internationale à La Haye (septembre 1872) comme délégué du Conseil général et de la section polonaise. Il vote l’exclusion de Bakounine. Au cours d’un séjour à Genève, il noue des contacts avec le groupe des révolutionnaires russes animé par Lavrov. Il participe également aux travaux de l’émigration polonaise, surtout dans le cadre de l’Association du Peuple polonais. Après Londres, pendant quelques années, Wroblewski habite en Suisse.
En 1885, il revient en France à Nice, ensuite à Paris. Il travaille comme imprimeur à la Lanterne et comme contrôleur des ventes à l’Intransigeant, en maintenant ses contacts politiques et ses activités patriotiques, jouissant d’une énorme popularité auprès des émigrés polonais.
En 1900, malade et impotent, il est accueilli par la famille du docteur Gierszynski, et hébergé dans leur maison à Ouarville, près de Chartres. Il y meurt le 5 août 1908. Lors des obsèques du général Wroblewski, le dimanche 16 août 1908, des milliers de personnes, arborant l’églantine et la cocarde rouge, suivirent le convoi de la gare d’Orléans au cimetière du Père Lachaise (2). La Fédération socialiste de la Seine, la Fraternelle des Anciens Combattants de la Commune, le Parti socialiste révolutionnaire russe, le Parti socialiste polonais, de nombreuses organisations syndicales et ouvrières, des anonymes français ou polonais rendirent un dernier hommage au combattant de la liberté, fidèle à la devise polonaise : « Pour la liberté, la nôtre et la vôtre » et à l’internationalisme prolétarien.
Dans une lettre publiée le 12 août 1908 dans l’Humanité, Édouard Vaillant écrit :
C’est pendant l’exil à Londres que j’ai pu le voir, le connaître et apprécier toute sa valeur. Et combien alors, j’ai regretté que sa modestie, le retenant toujours éloigné de l’Hôtel de Ville, on n’y ait pu reconnaître à temps que c’était à lui qu’aurait dû être confiée la direction militaire générale de la défense.
MARCEL CERF ET THÉRÈSE GOURMAUD