Charles Beslay, élu du VIe arrondissement et doyen d’âge de la Commune de Paris, est membre de la commission des finances. Il est désigné comme délégué de la Commune auprès de la Banque de France et se montre, dans cette fonction, très respectueux de l’institution dont il prône l’indépendance et dont il assure la préservation.
Ceci lui vaudra d’être exfiltré en Suisse par les versaillais après l’écrasement de la Commune et d’être blanchi dès 1872 par le conseil de guerre.
Né à Dinan le 5 juillet 1795, Beslay a donc 75 ans au moment de la Commune. Il a un long passé politique, à la fois local et national : dans le Morbihan, il est élu conseiller général en 1830 et nommé Commissaire de la République par le gouvernement provisoire issu de la révolution de 1848 ; sur le plan national, il est élu député le 5 juillet 1831, réélu le 21 juin 1834 et élu à l’assemblée constituante en 1848. C’est à sa famille qu’il doit sa carrière : son père a été lui-même député de façon presque continue entre 1802 et 1839. C’est également à sa famille qu’il doit d’être à la tête d’une florissante entreprise locale de commerce et de banque. Le parcours de Beslay est celui d’un bourgeois libéral, tièdement républicain, attaché au maintien de l’ordre et de la propriété. Il s’intéresse néanmoins aux relations entre le Capital et le Travail qui le préoccupent au plus haut point et qu’il souhaiterait contribuer à apaiser.
Sa rencontre avec Pierre-Joseph Proudhon, dont il devient l’ami intime, l’amène à développer ses projets sociaux : il s’était déjà montré partisan d’associer des travailleurs aux bénéfices de son entreprise ; il entreprend de créer une banque d’escompte au profit du petit commerce et des travailleurs (qui sera coulée par la concurrence).
Élu un peu malgré lui, il aurait souhaité voir cantonner les attributions de la Commune au plan purement municipal. Nommé délégué auprès de la Banque de France en vertu de ses compétences supposées en matière bancaire, il partage les vues du sous-gouverneur, le marquis Alexandre de Ploeuc, sur la nécessité de préserver l’intégrité de la Banque : garante de la confiance dans le franc, elle est en effet le pivot de la stabilité économique dont bénéficient tous les Français. Beslay est cependant loin d’être le seul à penser ainsi. Pour beaucoup d’autres, y compris au sein de la Commune, la Banque de France est perçue comme une institution indispensable au bon fonctionnement de l’économie. Y porter atteinte ne ferait qu’affaiblir la France, Paris y compris ! La Banque est intouchable parce qu’elle appartient, d’une certaine manière, au domaine du sacré. Il faudra attendre encore quelque temps pour que soit reconnue la dimension politique de l’économie et de la finance.
Il n’empêche que Beslay, en bon proudhonien, manque quelque peu de réalisme. De Ploeuc le perçoit bien :
M. Beslay est un de ces hommes dont l’imagination est sans contrepoids et qui se complait dans l’utopie ; il rêve de concilier tous les antagonismes qui sont dans la société, les patrons et les ouvriers, les maîtres et les serviteurs.
Le sous-gouverneur se démène cependant pour faire échapper Beslay à la violente répression qui s’abat sur les communards. Il obtient un sauf-conduit et le transporte lui-même à Neufchâtel. Cependant les versaillais sont quasi unanimes à louer Beslay pour avoir contribué à « sauver la Banque ». En décembre 1872, il bénéficie d’un non-lieu « attendu que l’instruction à laquelle il a été procédé n’a pas relevé de charges suffisantes ». Beslay reste néanmoins à Neufchâtel où il meurt en 1878.
Georges Beisson