« HÔTEL OASIS » POUR LOUISE MICHEL

Collectif, Hôtel Oasis pour Louise Michel, Editions la passe du vent Collection Haute mémoire, janvier 2006

1905, Marseille, dans une chambre de l’hôtel «Oasis» s’éteint Louise Michel. Cent ans après, douze auteurs célèbrent celle qui proclamait « J’appartiens tout entière à la révolution sociale ».

Ils sont poète, romancier, auteur-compositeur, enseignant, autodidacte, comédien ..., ils nous parlent d’une Louise Michel éloignée des clichés habituels et restituent son engagement et son espoir :

« A force de gerbes coupées se lèvera le jour où tous auront du pain » (Louise Michel, Mémoires).

Par touches successives, à la manière des impressionnistes, chacun illustre les facettes connues et moins connues de Louise Michel : de la poétesse à la Communarde combattant sur les barricades, de la défenderesse des droits des Canaques à la pédagogue, et de la condamnée par le Conseil de guerre à la femme que toujours l’espérance anima.

Chaque évocation, chaque illustration nous convainquent de l’actualité de son engagement.

Annie Gayat

Collectif, Hôtel Oasis pour Louise Michel, Editions la passe du vent Collection Haute mémoire, janvier 2006, 108 pages.

 

RÉÉDITION DES «LÉGENDES CANAQUES» DE LOUISE MICHEL

Nouvelle édition : Louise Michel, Légendes canaques, Editions Cartouche, 82 boulevard du Port-Royal, 75005 Paris, 2006.

Louise Michel a retranscrit, lors de sa déportation en Nouvelle-Calédonie de 1873 à 1880, les parlers et les contes kanaks.

Réjouissez-vous ! Ce document introuvable en librairie vient d’être réédité par les Editions Cartouche, avec une préface de Stéphane Mangin, datée de Kanaga (Paris), du 1er Mai 2006.

Louise Michel avait livré deux versions de ses contes et légendes kanaks.

La première a été publiée en 1875 dans «les petites affiches de la Nouvelle-Calédonie» sous le titre «Légendes et chansons de gestes canaques». Ayant regagné la métropole, via l’Angleterre, elle rédige en 1885 «Légendes et chants de gestes canaques».

C’est cette seconde mouture plus complète qui est reprise par les Editions Cartouche, avec le fameux conte «Le rat et le poulpe» recueilli par son ami Charles Malats. La photo de couverture reproduit, non pas le portrait de Louise, mais celui d’un kanak.

Si Louise Michel écrit canaque de la façon la plus usitée jusqu’alors, sachez que maintenant il faut écrire kanak, mot qui reste invariable dans tous les cas, substantif, adjectif, adverbe (décision du gouvernement de Kanaky du 9 janvier 1985, citée par Gérard Obérié dans la préface de la précédente édition parue en 1988 de Légendes et chants de gestes canaques de 1900).

Michel Pinglaut

Nouvelle édition : Louise Michel, Légendes canaques, Editions Cartouche, 82 boulevard du Port-Royal, 75005 Paris, 2006. 15 euros.

 

LA DÉPORTATION DE LOUISE MICHEL. VÉRITÉS ET LÉGENDES

Joël Dauphiné, La déportation de Louise Michel, Éditions Les Indes galantes.

« La grande citoyenne », « La vierge rouge », « Viro major » (Victor Hugo), « Notre Jeanne d’Arc à nous est un homme de combat ! Cette sœur de charité est aussi un frère d’armes » (Jules Vallès), etc. Et aussi le vocabulaire de ses ennemis, nombreux, «pétroleuse», etc. Et de ceux qui se prétendent ses amis, tel Rochefort qui la compare à un «gong chinois»...

Louise Michel est en tout cas devenue une femme célèbre, à défaut d’être toujours très connue. La période la plus marquante de sa riche existence est sans doute sa longue déportation en Nouvelle-Calédonie. On la connaîtra mieux après avoir lu l’ouvrage de Joël Dauphiné La déportation de Louise Michel.... L’auteur est historien, un des spécialistes de l’histoire de la Grande île. Son travail paraît rigoureux, contient de nombreuses références et documents annexes, tous intéressants. Par exemple on y verra qu’elle n’est pas l’auteur(e) du récit paru en feuilleton, quelques jours seulement après sa mort, in Vie Populaire supplément hebdomadaire du Petit Parisien, intitulé Souvenirs et aventures de ma vie, largement embelli d’anecdotes mensongères.

Avec ce travail, du mythe, on passe à la vérité historique qui n’est pas moins passionnante....

Michelle Dumail-Bretonneau

Joël Dauphiné, La déportation de Louise Michel, Éditions Les Indes galantes.

 

LES FÊTES DE LA PATIENCE, ARTHUR RIMBAUD DIT PAR CHARLES MARTIN

Rimbaud, Les Fêtes de la Patience, dit par Charles Martin, « Collection poésies et chansons à voix haute et nue, volume n°5, Editions Vilo.

Les Fêtes de la Patience, un cadeau à lire et à écouter. Les paroles de Rimbaud dans les voix de Richard Martin et Eric Simon sont une invitation à embarquer dans le sillage d’une aventure: celle de la poésie et celle de la vie cherchée ... La vraie ! Dans ce livre disque, ce sont quinze poèmes aux « rythmes instinctifs », quinze « chansons » du temps de Rimbaud, de celui qu’il a perdu ou dont il a manqué, de celui qu’il a usé et rusé.

Etait-il présent à Paris pendant la Commune ? Peu importe, la Commune est présente dans Rimbaud. Son adhésion à l’insurrection populaire est une évidence, on retrouve l’influence de la Commune de Paris dans l’œuvre du jeune poète révolutionnaire. Ici, parmi ses chants figure « Bannières de Mai », qui est un hommage à nos morts pour la Commune.

Patrick Cavan

Rimbaud, Les Fêtes de la Patience, dit par Charles Martin, « Collection poésies et chansons à voix haute et nue, volume n°5, Editions Vilo.

 

LES AVENTURES DE MA VIE

Henri Rochefort, Les aventures de ma vie, Édition présentée et annotée par Paul Lidsky. Le temps retrouvé. Mercure de France

Paul Lidsky n’est certes pas un inconnu pour les Amis de la Commune. Il est l’auteur d’un ouvrage qui fait autorité dans le domaine historique et littéraire, Les écrivains contre la Commune. Dans ce livre qui a été l’objet de plusieurs rééditions, Paul Lidsky a fait un inventaire rigoureux et judicieusement commenté des écrivains qui ont vilipendé l’œuvre de la Commune et ses héroïques combattants.

Dans un tout autre registre, notre historien a présenté et annoté Les aventures de ma vie d’Henri Rochefort. Il s’est vivement intéressé à un polémiste, aujourd’hui un peu oublié, mais qui a connu une grande célébrité dans la seconde moitié du XIXe siècle.

Cette nouvelle présentation d’une œuvre très volumineuse a été considérablement allégée pour ne conserver que la partie la plus intéressante et la plus brillante de l’existence de Rochefort, de ses débuts à l’amnistie des Communards.

Cependant, dans l’introduction, qu’il faut absolument lire, Paul Lidsky fait allusion à la seconde partie de la carrière du pamphlétaire et à ses prises de position lors des deux crises qui ont bouleversé les prémices de la IIIe République : le boulangisme et l’affaire Dreyfus. Par quelques mesures démagogiques fort habiles, le général Boulanger a su se rendre populaire dans une grande partie de la nation et de l’armée. Autour de sa fringante personnalité s’est constituée une cohorte hétéroclite où se bousculent monarchistes, bonapartistes, radicaux, blanquistes fourvoyés et le fougueux Rochefort.

Les conjurés veulent profiter d’un putsch du général pour renverser un gouvernement discrédité par les scandales et prendre le pouvoir au son des rengaines cocardières.

Les velléités de l’apprenti dictateur font échouer le complot. Pour atteinte à la sûreté de l’Etat, le 14 août 1889, la Haute-Cour condamne, par contumace, les trois dirigeants (Boulanger, le comte Dillon et Rochefort) à la déportation en enceinte fortifiée. Prévenus à temps, ils ont pu se réfugier en Angleterre.

Amnistié en 1895, Rochefort retourne à Paris. L’affaire Dreyfus vient d’éclater et l’intrépide journaliste va choisir le mauvais camp. Le 13 janvier 1898, le J’accuse de Zola est un énorme succès de vente pour l’Aurore tandis que l’Intran de Rochefort, résolument antidreyfusard, accuse une très forte baisse de tirage. Cet échec entraîne de grandes difficultés financières pour le journal et le prestige de son directeur est fortement ébranlé.

L’ancien défenseur des Droits de l’Homme, usé et aigri, est devenu un antisémite forcené. Et pourtant il a conservé un fervent souvenir de la Commune et de tous les amis de cette période héroïque ; son attachement pour Louise Michel en est une preuve incontestable. A cause de cette fidélité à un passé qui ne peut s’effacer, Paul Lidsky se veut indulgent et écrit « Les Parisiens se reconnaissent en lui et lui pardonnent ses errements parce qu’il les avait fait rire et rêver pendant le pouvoir ».

Est-ce suffisant pour passer l’éponge ?...

Ces quelques réflexions parfois désabusées ne sont pas inutiles avant d’entrer dans le vif du sujet.

Le récit de l’existence mouvementée d’Henri Rochefort est un véritable roman d’aventures conté dans un style incisif et élégant avec des fusées d’humour subtil. Rochefort s’attarde un moment sur les origines nobles de sa famille, il en est d’ailleurs plutôt fier malgré ses convictions républicaines. Ces débuts de journaliste au Charivari et au Figaro vont le familiariser avec les milieux de la presse et de la politique.

En 1868, il crée La Lanterne dont le succès est immédiatement considérable. Ses attaques redoutables contre le Second Empire provoqueront la saisie du journal au onzième numéro. Pour pouvoir continuer la publication, il doit s’exiler à Bruxelles où il est accueilli en mars 1869 par Victor Hugo qui lui témoigne son amitié et sa générosité. A son retour en France, il fonde La Marseillaise. Le 10 janvier 1870, l’assassinat d’un de ses rédacteurs, Victor Noir, par le prince Pierre Bonaparte lui fait écrire ces mots vengeurs « J’ai eu la faiblesse de croire qu’un Bonaparte pouvait être autre chose qu’un assassin ! ». Six mois de prison à Sainte-Pélagie et 3 000 francs d’amende seront le prix de sa fière insolence. Délivré par le 4 septembre 1870, le polémiste dirige maintenant ses flèches contre l’impéritie du gouvernement provisoire, dans son journal Le mot d’ordre. La Commune proclamée, il soutient le gouvernement ouvrier mais dénonce ses erreurs.

Le 20 mai 1871, pour éviter des difficultés avec le procureur de la Commune, il préfère s’éloigner de Paris et se dirige vers la frontière. Il est arrêté à Meaux par la police de Thiers mais le commandant prussien de la subdivision veut le faire libérer. Rochefort refuse pour ne pas devoir sa liberté à un ennemi de la France. Emprisonné à Versailles, il est condamné à la déportation en enceinte fortifiée. Il connaîtra l’internement à Fort-Boyard, la citadelle d’Oléron, Saint-Martin de Ré - enfin c’est le départ pour la Nouvelle-Calédonie ; pendant ce voyage, du 10 août 1873 au 10 décembre 1873, il est torturé par le mal de mer. C’est au cours de la traversée que va naître son amitié pour Louise Michel et Nathalie Le Mel. Il a beaucoup de sympathie pour les Arabes déportés condamnés pour leur révolte contre la puissance coloniale. Il ne cesse de réclamer leur amnistie.

Sa captivité en Nouvelle-Calédonie est brève ; il s’évade le 20 mars 1874 et débarque en Australie le 27 mars. Après une escale aux îles Fidji et aux îles Sandwich, il parvient en Amérique du Nord où il apporte le démenti à toutes les informations mensongères colportées contre la Commune. Puis c’est l’exil en Angleterre et en Suisse.

Enfin l’amnistie, le 11 juillet 1880, et c’est l’arrivée triomphale de Rochefort à Paris le 12 juillet 1880. La foule des Parisiens lui fait un formidable accueil débordant d’enthousiasme et d’affection. Dans le premier numéro de «l’Intransigeant» du 14 juillet 1880, le grand polémiste exprime toute son émotion après ce retour chaleureux dans sa patrie.

Paul Lidsky a eu parfaitement raison de procéder à la réédition d’un ouvrage quasiment introuvable et qui retrace tout un pan important de notre histoire. Ses notes minutieusement rédigées éclairent la naissance de la IIIe République et apportent des éléments nouveaux à la connaissance de personnages oubliés ou mal connus.

Marcel Cerf

Henri Rochefort, Les aventures de ma vie, Édition présentée et annotée par Paul Lidsky. Le temps retrouvé. Mercure de France, 24.50 euros

 

ANDRÉ GILL. CORRESPONDANCE ET MÉMOIRES D’UN CARICATURISTE

André Gill, Correspondances et mémoires d’un caricaturiste, Présentation Bertand Tillier, Éditions Champ Vallon.

Ce livre publié aux Editions Champ-Vallon est consacré à André Gill que les Amis de la Commune connaissent bien. En effet, il fut un citoyen très mobilisé par la Commune de Paris, ce qu’illustrent ses nombreux dessins dans la presse de l’époque mais également sa coopération dans l’action révolutionnaire. Certes, cette seconde activité fut plus limitée car la fantaisie naturelle de l’homme que Jean Richepin décrivit comme « le pamphlétaire du crayon » le poussait plus facilement aux expressions spontanées générées par son grand talent qu’à une participation planifiée dans la revendication.

Oubliant que Gill soutint la Commune avec une très grande et très notable efficacité, Jules Vallès le fustigea en écrivant: « Il ne voulut pas prendre parti, il repoussa tous les képis et se contenta de coiffer le bonnet de l’artiste. » C’était bien sévère ! Certes, le jeune André passait volontiers une soirée dans un cabaret à l’instar de ses compagnons. Plaisir de jeunesse. Mais Vallès a jeté le voile d’une manière hâtive sur les activités de cet artiste qui, au-delà de ses qualités de peintre et d’homme de théâtre, fut un citoyen engagé et un charismatique caricaturiste au service de la Révolution de 1871. C’était aussi négliger le fait qu’André Gill fut nommé au Comité révolutionnaire ayant pour but l’organisation de l’enseignement artistique ainsi que la réorganisation des musées. Et qu’il y siégea (Journal officiel du 22 Avril 1871) aux côtés de Courbet, Dalou, Corot, Daumier, Manet et Eugène Pottier.

L’édition et la présentation du présent livre, dues à Bertrand Tillier, permettent donc une approche plus conforme à la réalité. Son autre mérite est de nous présenter une biographie sérieuse du caricaturiste accompagnée de deux éclairages infiniment révélateurs : les lettres et les mémoires.

Vous y puiserez le plaisir d’une lecture attachante et constaterez qu’au-delà de son influence mobilisatrice, l’artiste a vécu une conscience politique sans ambiguïté. De plus, il a apporté aux journaux, il y a plus de cent trente ans, un nouveau et indéniable souffle. En grande partie, grâce à lui, le sens de la provocation nécessaire aux prises de conscience et l’art de la caricature sont devenus des critères de modernité et de liberté. Annonçant nos actuels Canard Enchaîné, et Charlie-Hebdo, nous devons aux iconographes de ce siècle et notamment à André Gill cette audace dans le trait et cette liberté d’expression qui sont les caractéristiques d’une presse démocratique.

Claude Chanaud

André Gill, Correspondances et mémoires d’un caricaturiste, Présentation Bertand Tillier, Éditions Champ Vallon.

 

ARTHUR RIMBAUD GÉOGRAPHE ?

Cette question était le thème du colloque qui s’est déroulé le 9 octobre 2004, au siège de la société de géographie, pour le 150e anniversaire de la naissance du poète « contemporain de la Commune de Paris ». La revue, publie l’essentiel des interventions liées à cet événement. Littéraires, historiens, diplomates, géographes et explorateurs, spécialistes et « connaisseurs » de Rimbaud mettent l’éclairage sur un aspect de la personnalité et de l’œuvre de « l’homme aux semelles de vent » : son talent géographique.

Rimbaud le vagabond, l’aventurier, se rapproche à un moment de sa vie de la géographie des scientifiques. Il contribue à augmenter le peu de connaissance que l’on a, à l’époque, de la Corne de l’Afrique et inspire la création de Djibouti. Ce « trafiquant d’âmes » à la veille de sa mort rêvait de continuer à explorer et à écrire. Il fut de ceux « dont les regards sont partis pour l’horizon ».

Patrick Cavan

Arthur Rimbaud géographe ?, revue La Géographie, numéro de janvier 2006.

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