C’est une enfant des faubourgs, de la Butte-aux-Cailles, du XIIIe naissant, qui nous fait découvrir ce que fut cet hiver terrible, du 14 novembre 1870 au 26 janvier 1871, très peu de temps avant le début de la Commune de Paris.
Celie, une gamine de dix ans et son petit chien Floréal, trouvé près de la Bièvre, nous entraînent dans un Paris soumis au siège de l’armée prussienne et de ses bombardements incessants.
A travers ses aventures, on découvre la population de ce quartier parmi les plus pauvres de Paris : il est peu urbanisé, encore situé sur les bords de la Bièvre, où vivent tanneurs et mégissiers. Les habitants, à majorité ouvrière, vont souffrir de cet hiver, du froid et des privations liées au siège.
C’est la course à la nourriture. Des bandes de gamins chassent le chien, le chat, le rat ; de longues queues se tiennent devant les boutiques aux trois-quarts vides ; avec la recherche permanente de bois de chauffage. Devant tant de difficultés, les mairies vont concevoir des cantines ouvrières et des entraides spontanées se forment.
L’auteur nous décrit toute une série de personnages attachants, qui vont nous entraîner dans cette période qui allait engendrer en mars 1871 la Commune de Paris. On se trouve mêlé à ces gens qui refusent la défaite, qui se posent des questions sur l’attitude passive du gouvernement de Défense nationale et sur les tergiversations du général Trochu. Sans le savoir eux-mêmes, ils sont en train de créer le ferment populaire de la Commune de Paris.
Et puis il y a ce Paris aujourd’hui disparu et tellement bien décrit, la Bièvre, le quartier Croulebarbe derrière la manufacture des Gobelins. Le texte est accompagné d’une riche iconographie bien insérée dans le livre.
JEAN-LOUIS GUGLIELMI
Fred Morisse, Un hiver de chien (Paris 1870-1781), Depeyrot, 2017. 520 p.
C’est une très belle BD que nous livre un jeune auteur plus que prometteur. La Commune a fait l’objet (bien plus que le cinéma de fiction qui l’ignore malheureusement) de nombreux volumes de bandes dessinées. Mais ici la démarche est extrêmement originale et novatrice, tant du point de vue du scénario que du point de vue graphique.
Découvrant qu’il réside dans un immeuble de Belleville où a habité un communard très mal connu, Gilbert Lavalette, l’auteur se lance sur ses traces dans le Paris des années 1860 et 1870. Ce qui nous vaut un regard où se croisent une recherche historique sensible, une quête biographique avec toutes ses difficultés (du Maitron aux Archives, en croisant le témoignage de Victorine Brocher), et une reconstitution palpitante du Paris de l’avant-Commune (le volume s’arrête au 18 mars). Le souci du respect rigoureux de l’histoire ou des faits historiques marque cet ouvrage, qui est aussi un témoignage vivant de ce que peut être la recherche quand elle ne se sépare pas de la compréhension sensible. L’empathie n’interdit pas, ne doit pas interdire la critique.
L’originalité graphique est marquée dans le choix très fort de Raphaël Meyssan de réaliser entièrement son travail avec des gravures issues des journaux illustrés et des images de l’époque, retravaillées pour s’adapter aux faits racontés dans le volume. Ce qui nous plonge, de manière formidable, dans le Paris du siège et de la Commune, en évitant cet anachronisme qui est le risque de toute BD.
Certes, l’œuvre originale d’un dessinateur apporte un imaginaire riche et complémentaire au récit. Ici, plus modestement, l’auteur laisse la place à la source de l’époque qu’il enrichit de son regard.
Mais qui était donc Lavalette ? Vous le saurez en lisant ce passionnant roman graphique, où vous irez des Folies-Belleville en 1868 aux Archives de la Guerre à Vincennes en 2017, de la manifestation devant l’Hôtel de Ville du 30 octobre 1870 à l’émouvante tombe de Lavalette au cimetière de Bagneux, du modeste logis ouvrier de Victorine à l’insurrection du 18 mars. Nous en attendons la suite avec une grande impatience.
JEAN-LOUIS ROBERT
Raphaël Meyssan, Les damnés de la Commune 1- À la recherche de Lavalette, Delcourt, 2017.