Ce « roman graphique » retrace la vie de Nathalie Le Mel, depuis son enfance à Brest jusqu’à Paris en 1913. Elle s’engage à fond dans tous les combats de son époque à Brest, Quimper puis Paris : luttes pour les droits des femmes et luttes sociales.
Libraire puis relieuse, elle rencontre, entre autres, Louise Michel et Eugène Varlin. Elle adhère à l’Association internationale des travailleurs (AIT), participe à la création en 1870 du premier restaurant coopératif. Sous la Commune, elle fonde l’Union des femmes pour la défense et les soins aux blessés avec Elisabeth Dmitrieff et se bat sur la barricade de la place Blanche. Condamnée au bagne, elle restera sept ans en Nouvelle-Calédonie.
Les auteurs ont réussi une biographie romancée qui se base sur de très nombreuses recherches et qui nous fait découvrir cette féministe méconnue qui, avec d’autres, a semé « des graines sous la neige ».
Les dessins sont superbes. Leurs couleurs et le graphisme varient en fonction des périodes. Il y a une grande variété de styles.
L’introduction a été écrite par Claudine Rey ; la postface par Nathalie Boutefeu, interprète de Nathalie Le Mel dans le film Louise, la Rebelle.
A la fin de l’ouvrage, il y a de nombreuses notes historiques, une chronologie et une biographie des personnages historiques rencontrés dans le roman, le tout illustré de documents iconographiques sur la Commune de Paris.
L’ensemble forme une très belle œuvre, riche et originale, qui fait la part belle à une femme remarquable mais aussi à l’histoire des luttes sociales du XIXe siècle.
MARIE-CLAUDE WILLARD
Des graines sous la neige. Roland Michon (scénario), Laetitia Rouxel (graphisme). Locus Solus, 2017
En introduction, Jacques Gaucheron retrace la vie d’Eugène Pottier et l’histoire de quelques œuvres, dont les débuts de L’Internationale. Pottier fut un poète populaire, respectant les règles de la poésie classique. Il utilise des images, des allusions pour tromper la censure, comme dans Quand viendra-t-elle ?, où il attend Marianne en 1858, sous Napoléon III.
La première partie s’intitule « Portrait d’Eugène Pottier par lui-même ». On y trouve des textes où il parle de lui. Citons son premier poème, écrit à 15 ans, des poèmes d’amour et sa lettre à Paul Lafargue en 1884. La 2e partie, « La Commune, le deuil et l’espérance », comprend onze chansons, connues ou moins connues, sur la Commune, comme La Commune est passée par là, dédiée à Édouard Vaillant. La 3e partie, « Jour après jour au retour d’exil », nous présente dix textes écrits après son retour d’exil, comme L’économie Politique, pleine d’humour, ou La grève des femmes. Ce petit ouvrage nous permet de découvrir des textes parfois méconnus, poèmes engagés, combatifs et optimistes, de grande qualité. « Tout ça n’empêch’ pas, Nicolas, qu’la Commune n’est pas morte ».
MARIE-CLAUDE WILLARD
Eugène Pottier, Poèmes et chansons, Le Temps des Cerises, 2016
Parce qu’ils sont plus instruits et détenteurs de matériaux spécifiques à leur profession (affiches, journaux), les typographes occupent, à l’intérieur du mouvement communaliste, une place particulière.
Pendant les soixante-douze jours de la Commune, ces ouvriers du livre témoignent de leurs idéaux et les font connaître. Les affiches abondent sur les murs, annoncent la réorganisation de l’administration, et relatent les faits militaires. Ils ont déjà fondé le 136e bataillon de typographes.
Ce livre le raconte très clairement et met en exergue ceux d’entre eux dont les noms et les actions sont parvenus jusqu’à nous. Eugénie Mouchon, qui revendique l’égalité des droits et l’abolition de la peine de mort, Jules Bergeret, Jean Allemane et Eugène Varlin, entre autres, sont représentatifs de ce que furent ces femmes et ces hommes, victimes d’une répression aveugle et criminelle.
Leur histoire est passionnante et dramatique, et ces ouvriers lettrés sont indissociables des événements de la Commune. Ouvriers, ils se sont battus pour l’alphabétisation dans les campagnes, et c’est aussi grâce à eux que la communication put s’établir entre les populations urbaines et rurales.
Méconnaître ce que représentèrent ces femmes et ces hommes, leur idéal, leur courage, est une faute. Tout est dit dans cet ouvrage.
ANNETTE HUET
Bernard Boller, Bataillons de typographes (1870-1871). De la casse au fusil, l’Écarlate, 2016.
La littérature de jeunesse depuis quelque temps s’intéresse beaucoup à la Commune de Paris et notamment la maison d’édition L’École des loisirs, qui a publié récemment plusieurs ouvrages sur ce thème. Elle édite un nouveau livre très original dans la collection Grandes images de l’histoire, mélange de documentaire et de BD destiné à un public assez jeune (à partir de 10 -12 ans pour ce livre en particulier). Il peut se lire à divers niveaux ; d’abord une narration qui occupe environ un quart des 31 pages dans un déroulement chronologique qui part des dernières années du Second Empire, qui traverse la guerre contre l’Allemagne et la défaite, et se poursuit avec le développement de la Commune, puis la répression versaillaise.
Le reste de chaque page est occupé par de grandes illustrations fourmillant de détails et de personnages, qui s’expriment à travers des bulles comme dans les bandes dessinées (mais pas de vignettes par contre). En dehors de ces grandes illustrations, il y a des portraits de personnages importants cités dans le récit, insérés dans des petits médaillons qui renvoient à une notice biographique à la fin du livre. On peut encore trouver quelques encarts dans lesquels Victor Hugo écrit ses remarques à propos des événements en cours.
Ainsi chaque enfant pourra avoir un parcours différent de lecture : certains suivront tous les détails qui fourmillent d’une illustration à l’autre. D’autres iront à la fin du documentaire pour mieux connaître les protagonistes. D’autres voudront en savoir plus et poseront des questions. Un bon documentaire qui met bien en lumière l’idéal de la Commune et qui, dans une forme très vivante, peut intéresser un jeune public.
Paul Lidsky
Yvan Pommaux, Christophe Ylla-Sommers, La Commune, L’Ecole des loisirs, 2017.
« Bruxelles est actuellement la ville du monde où se déroule le plus grand nombre de manifestations », écrit l’historienne Anne Morelli, dans la préface de l’ouvrage collectif intitulé : Le Bruxelles des révolutionnaires, de 1830 à nos jours. Elle explique que « de toute l’Europe, les manifestants y convergent : dockers refusant le dumping dans les ports européens, sidérurgistes privés de leur outil de travail, agriculteurs poussés à l’abandon de leurs terres par les multinationales de l’agroalimentaire, enseignants licenciés à la suite des coupes budgétaires et syndicalistes inquiets des décisions européennes limitant le droit de grève… » Au XIXe siècle, Bruxelles était le refuge des révolutionnaires du monde entier.
C’est au café du Cygne, sur la Grand-Place, que Marx fête le nouvel an 1848 avec une association d’ouvriers allemands établis à Bruxelles. Des concerts de solidarité y sont organisés et le Parti ouvrier belge y est fondé en 1885. L’historien belge Francis Sartorius consacre un chapitre aux communards exilés à Bruxelles de 1872 à 1880. On y apprend qu’ils fréquentaient les estaminets comme La Cour d’Espagne, rue des Bouchers, et La Bourse sur la Grand-Place. « À La Bourse, on tient des congrès, des meetings et des réunions formelles ou informelles. On y crie même "Vive la révolution !" ou y appelle à la révolution », note Francis Sartorius. En 1886, le débit de boissons À La Mouche, « sert de lieu de rassemblement des blanquistes, collectivistes et anarchistes, à l’appel des proscrits français Louis Sallard et Lamouche », précise Hans Vandevoorde. Ces deux communards exerçaient la profession de garçon de café et militèrent dans un groupe anarchiste, la Société des frères de l’ABC. Sallard décéda en 1939 à l’hospice Van Aa à Ixelles, tandis que Lamouche fut expulsé en 1886. La plupart des établissements fréquentés par les communards existent toujours, Le Cygne, devenu un restaurant de luxe, Le Mont Thabor ou La Rose. Ce qui n’est pas le cas des maisons du peuple, lieux de réunions et de fêtes de la classe ouvrière à la Belle Époque, aujourd’hui disparus. Ainsi la Maison du Peuple, place Emile Vandervelde, construite pour le Parti ouvrier belge par le grand architecte de l’Art nouveau, Victor Horta, fut détruite en 1965. Elle avait été inaugurée en 1899, en présence de Jean Jaurès.
John Sutton
Ouvrage collectif sous la direction d’Anne Morelli, Le Bruxelles des révolutionnaires, de 1830 à nos jours. CFC éditions, 2016.