GUILLEMIN RÉÉDITÉ

LaCommune Henri Guillemin

À l’approche du 150e anniversaire, les éditions Les Mutins de Pangée (www.lesmutins.org) et Utovie (www.utovie.com) publient un coffret livre/DVD regroupant l’œuvre audio-visuelle et écrite produite par Henri Guillemin à l’occasion du centenaire de la Commune.

Il comprend d’abord 3 DVD restituant les émissions sur la Commune enregistrées par Guillemin pour l’émission Les Dossiers de l’Histoire de la RTS (télévision suisse) entre avril et octobre 1971 : 13 séquences, de 30 minutes chacune qui, partant de la Révolution française, nous conduisent jusqu’aux lendemains de la Commune. Pour l’occasion, les originaux, enregistrés en 16 mm, ont fait l’objet d’une restauration numérique (Ces 13 « leçons » sont visibles, dans leur version d’origine, sur le site de notre association : http://commune1871.org/index.php/la-commune-de-paris/mediatheque/videotheque ).

Les DVD sont accompagnés d’un livret (235 pages) qui reprend les Réflexions sur la Commune, publiées en 1971 chez Gallimard, amputées de la première partie, L’avènement de M. Thiers (qui couvrait la période du 28 janvier au 18 mars). Cette édition a été supervisée par Patrick Berthier, universitaire spécialiste de Guillemin, qui a notamment vérifié, et le cas échéant rectifié, toutes les notes de bas de page (l’un des reproches récurrents faits à Guillemin étant le caractère parfois approximatif de ses références). Ajoutons que cette édition a bénéficié du concours de Tardi, qui a autorisé la reproduction de ses dessins. Il s’agit donc d’une entreprise éditoriale de qualité.

Sur le fond, on est d’abord captivé par le talent de conteur de Guillemin (« sa faconde qui ferait pâlir certains griots mandingues », comme l’écrit plaisamment Boris Perrin, des Mutins de Pangée) ; on est époustouflé par son érudition, qui mobilise une quantité énorme de citations, de documents.

Pour le reste, on connaît Guillemin, « historien pamphlétaire », comme il aimait à se présenter, totalement immergé dans son sujet (« Je revois ces communards qu’il me semble avoir vraiment connus »). S’il fustige les « honnêtes gens », les « gens de Bien », c’est-à-dire « les gens qui ont du bien », qui se livrèrent à une « fureur sanglante », une boucherie sans nom, il n’exonère pas les communards de leur naïveté de « pillards respectueux » du bien d’autrui, « victimes du dressage institué par les classes dirigeantes

». Peu indulgent pour le gouvernement de la Commune, qu’il distingue du peuple communard, (les « femmes et les hommes sans nom »), il met en exergue quelques grandes figures, celles d’un Delescluze, d’un Rossel, d’un Varlin ou d’un Vallès (« le forban fraternel »), et bien sûr de Louise Michel.

MICHEL PUZELAT

Henri Guillemin, La Commune, Coffret livre/DVD, Les Mutins de Pangée et Utovie, 2018.

* Ces 13 « leçons » sont visibles, dans leur version d’origine, sur le site de notre association : http://commune1871.org/index.php/la-commune-de-paris/mediatheque/videotheque

 

 

LES 72 IMMORTELLES (tome 2)   L’ÉBAUCHE D’UN ORDRE LIBERTAIRE

Les 72 immortelles

Jean Chérasse (Voir, dans le numéro 76, la note de lecture sur le tome 1, La fraternité sans rivages.), qui analyse le message de la Commune, en présente une lecture innovante dont la fraternité communeuse et l’ordre libertaire sont les piliers : la formule sur le Tiers-État de l’abbé Sieyès devient celle du « Quart-État », cette alliance originale, sous la Commune, du prolétariat naissant avec la petite bourgeoisie travailleuse. Replacée dans le temps long des révolutions, la Commune est porteuse des doctrines de son siècle, la proudhonienne fédéraliste et associative avec la collectiviste et socialiste.

Ce sont l’état obsidional de Paris et l’impact de la capitulation qui poussent à la demande de Commune, avec le rôle du comité central des 20 arrondissements, organe civil portant les idées radicales populaires, avant de devoir céder sa place à l’organe militaire, le comité central de la Garde nationale. Des dix « chemins de traverse » apportant compréhension, celui sur « les Provinciales noires et Rouges », précisé par l’historien Jean Bouvier, rappelle qu’oublier la Province, c’est « mutiler artificiellement notre histoire nationale » ; celui sur « les belles heures du communisme libertaire » fait de la Révolution communaliste la matrice de ce courant de pensée au sein d’une République libertaire, égalitaire, fraternitaire et universelle : une fête rouge et noire mais aussi une « Commune-bis », celle des femmes. « Le double pari » de l’autonomie communale, autour du principe fédératif et de l’émancipation, pose la nature originale de la Révolution de 1871, et la notion de « bon gouvernement » réintroduit l’exigence de démocratie directe avec ses contre-pouvoirs populaires, le fonctionnement de la « belle équipe » du Conseil de la Commune en étant un révélateur.

Une révolution plus en rêves qu’en actes ou l’imaginaire oublié de la Commune, le « luxe communal » du manifeste de la Fédération des artistes ; l’expérience actuelle du confédéralisme démocratique en Kurdistan syrien touche au socialisme écologique. Les témoignages sont parlants : ceux de Flourens, de Vallès, d’Arnould, de Lefrançais, de Victorine Brocher, de Reclus, etc., les historiens convoqués, tels Kristen Ross ou Jacques Rougerie, avec l’ombre d’Henri Guillemin et de ses Réflexions sur la Commune .

Souhaitons que les productions qui ne manqueront pas de paraître d’ici l’année 2021 emprunteront cette voie de l’histoire sociale et populaire pour exposer, avec le sens critique afférent, les fondements de l’utopie de 1871.

JEAN ANNEQUIN

Jean A. Chérasse, Les 72 immortelles, volume 2. L’ébauche d’un ordre libertaire - Un regard neuf et affectueux pour la juste mémoire de la Commune de Paris 1871. Dessin d’Éloi Valat, Éd. Du Croquant, 2018.

* Voir, dans le numéro 76, la note de lecture sur le tome 1, La fraternité sans rivages.

 

 

THÉOPHILE FERRÉ 1846-1871 UNE VIE AU SERVICE DE LA RÉVOLUTION

THÉOPHILE FERRÉ  UNE VIE AU SERVICE DE LA RÉVOLUTION

Ce livre devrait impérativement figurer dans la bibliothèque des Amis et Amies de la Commune pour une excellente raison : il n’y a pas un seul autre ouvrage qui soit consacré à la vie de Théophile Ferré. Stéphane Rayssac fait œuvre d’historien et consulte les archives de première main : archives de la Préfecture de police de Paris, Bibliothèque historique de la Ville de Paris, Archives nationales, Institut français d’histoire sociale. Il consulte également les passages consacrés à Ferré dans les écrits des auteurs contemporains.

L’ouvrage est conçu selon un ordre strictement chronologique et présente une biographie rigoureuse.

Né le 6 mai 1846 à Levallois-Perret, d’une famille très modeste d’origine ariégeoise, Théophile Charles Gilles Ferré est amené à sacrifier de plus longues études pour pouvoir travailler rapidement : il devient comptable en 1864. Il s’établit rue de Clignancourt, dans le XVIIIe arrondissement, participe à de nombreuses réunions politiques dans ce quartier populaire et y fréquente des groupes blanquistes, avec lesquels il se sent en harmonie.

Il y devient ami de Raoul Rigault, un intime de Blanqui. « Son caractère se précise, ses idées politiques s’affermissent. Ferré est un doctrinaire cuirassé dans ses certitudes, c’est aussi un dialecticien précis dans ses raisonnements. »

C’est dans les réunions publiques que Ferré acquiert sa notoriété : il passe pour un orateur redoutable. Il se retrouve plusieurs fois en prison pour délit d’opinion, à Sainte-Pélagie.

Il rencontre Louise Michel au printemps 1869. Celle-ci, plus âgée que lui de quinze ans, va l’aimer avec passion, tandis que lui ne lui donnera que son amitié toute platonique.

Il participe à différentes manifestations contre l’Empire, puis contre le gouvernement de défense nationale.

Ferré est à la tête du Comité de vigilance du XVIIIe arrondissement. À ce titre, il joue un rôle important le 18 mars, tant pour empêcher l’enlèvement des canons de Montmartre que pour prendre le contrôle de la capitale après le départ de Thiers.

Ferré est élu à la Commune par son arrondissement avec 80% des suffrages exprimés. Il est le plus jeune des élus de la Commune. Il devient membre de la Commission de sûreté générale, chargé de la police et de la sécurité publique. « On retrouve dans ses ordres ses traits de caractère. Une humanité certaine lorsqu’il fait évacuer les écoles et les prisons, mais aussi une intransigeance révolutionnaire, une constance et une énergie qui ne le quittent pas. » Il votera d’ailleurs pour la création du Comité de salut public en mai.

Il est arrêté en juillet 1871, jugé du 7 août au 2 septembre 1871 par le 3e Conseil de guerre, condamné à mort et exécuté à Satory le 28 novembre 1871.

Cette biographie rigoureuse ne fait malheureusement l’objet d’aucun commentaire. La personnalité de Ferré reste floue. Au demeurant, il n’y est même pas très sympathique.

GEORGES BEISSON

Stéphane Rayssac, La Commune de Paris : Théophile Ferré (1846-1871). Une vie au service de la Révolution, Éditions Universitaires du Sud, 2018.

 

 

À PROPOS DE CHARLES LONGUET

Dittmar Charles Longuet

Charles Longuet est un de ces révolutionnaires, un peu oubliés aujourd’hui, qui vont traverser le XIXe siècle, se nourrir des débats de la Commune pour construire un projet social concret.

Originaire du Calvados, il y crée les premières sections socialistes près de Caen, puis il vient à Paris, s’opposant à l’Empire. Il s’implique au sein de l’AIT. Le 5 septembre 1870, il exige des mesures pour protéger Paris contre les Prussiens. L’ouvrage de Gérald Dittmar présente l’intérêt de soumettre aux lecteurs des textes d’origine. L’analyse du 18 mars par Longuet constitue un vrai reportage : « Les journaux réactionnaires continuent à tromper l’opinion publique en dénaturant avec préméditation et mauvaise foi les évènements politiques dont la capitale est le théâtre depuis trois jours ». Les enjeux sont parfaitement énoncés et le lecteur peut comprendre les risques qui fragilisent la Commune. Le passage le plus fort du livre est sans doute la retranscription des débats et des votes du 28 avril au 1er mai au sujet de la création d’un Comité de salut public. Les figures les plus emblématiques de la Commune argumentent avec passion et intensité leurs différentes positions. Quelques jours après, des positions clés tombent, comme la gare de Clamart le 6 mai. Longuet parvient à échapper au massacre de la Semaine sanglante, se réfugie à Londres, y rencontre Jenny Marx qu’il épousera. Il crée avec Lissagaray et Rouillion un Comité des proscrits de la Commune. De retour en France en 1880, il reprend le combat. Proche de Marx, il préface l’ouvrage de celui-ci La Guerre civile en France . Cette préface, reproduite dans l’ouvrage, est porteuse d’espoir grâce aux travailleurs. « D’eux seuls néanmoins, j’attends l’acte de volonté, de liberté, de robuste douceur, l’acte d’humanité et de beauté par où sera inaugurée la société nouvelle ».

À noter aussi une copieuse bibliographie et des biographies de nombreux fédérés qui restent à compléter, ainsi qu’une iconographie intéressante, peu connue, mais un peu sombre.

FRANCIS PIAN

Gérald Dittmar, Charles Longuet 1839-1903, Editions Dittmar, 2018.

 

 

LE PETIT DICTIONNAIRE DES FEMMES RÉÉDITÉ

Petit dictionnaire des femmes de la Commune

Le Petit dictionnaire des femmes de la Commune, paru en 2013 et qui était épuisé, vient d’être réédité dans une version enrichie.

Pour se le procurer, s’adresser à l’association.

Claudine Rey, Annie Gayat, Sylvie Pepino, Petit dictionnaire des femmes de la Commune. Les oubliées de l’histoire, Amies et Amis de la Commune de Paris 1871, 2018, 20 €.

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