HOMMAGE À NATHALIE LE MEL AU CIMETIÈRE NOUVEAU D’IVRY-SUR-SEINE

C’est sous un ciel bleu sans nuage et un soleil radieux qu’un hommage a été rendu à Nathalie Le Mel (1826-1921). Elle n'a plus de sépulture dans ce cimetière. Elle est décédée en 1921 à l'hospice d'Ivry dans un total dénuement. Son corps a été inhumé dans une tranchée gratuite (fosse commune).

Nathalie Le Mel (1826-1921)
Nathalie Le Mel (1826-1921)

Quelques extraits de l’intervention de Sylvie Pepino, de l'association des Amies et Amis :

« Mesdames et Messieurs,

Merci à Monsieur Philippe Bouyssou, maire d’Ivry,

À Madame Nathalie Leruch, adjointe au maire en charge du travail de mémoire,

À la municipalité d’Ivry-sur-Seine, d’avoir répondu favorablement à notre demande de plaque commémorative à la mémoire de Nathalie Le Mel et de nous associer à son dévoi­lement.

La personnalité que nous célébrons aujourd’hui, 8 mars 2022, Journée internationale des droits des femmes, n’est pas très connue du grand public. Perrine Natalie Duval (son prénom Natalie est écrit sans H sur son acte de naissance), naît le 24 août 1826 à Brest dans le quartier de la Recouvrance.

Ses parents l’envoient à l’école, où elle y reste jusqu’à l’âge de 12 ans. Elle se marie le 25 août 1845 avec Jérôme Adolphe Le Mel, relieur.

En 1849, le couple s’installe à Quimper et Nathalie prend une librairie en gérance, son mari a un petit atelier de reliure juste à côté de la boutique. C’est très certainement là qu’elle apprend ce métier.

En 1861, la librairie fait faillite, Nathalie quitte la Bretagne, avec son mari et ses trois enfants. Ils s’installent à Paris, rue Béranger dans le IIIe arrondissement. Très rapidement, elle se fait embaucher dans la reliure. Elle fait connaissance d’Eugène Varlin (1839-1871), relieur.

En 1864, ils mènent ensemble une grève et revendiquent l’égalité de salaire entre les relieurs et les relieuses. Elle mène de front l’édu­cation de ses enfants, sa vie de relieuse dans un atelier, les réunions dans les clubs. Sa vie est très intense et son mari conteste cette attitude d’indépendance.

L’Association internationale des travailleurs, est créée à Londres en 1864, la branche fran­çaise en 1865. Nathalie y adhère, Eugène Varlin en est membre.

Varlin fonde en 1868 une coopérative de consommation La ménagère et, au 8 rue Larrey, un restaurant ouvrier, La Marmite pour faire face à la misère des Parisiens souffrant de la famine. Il en confie la gestion à Nathalie Le Mel. Trois autres succursales sont créées.

Ces marmites sont des lieux de rencontres pour discuter et convaincre de l’utilité de la lutte. La police les surveille de très près. Un chansonnier, Charles Keller (1843-1913), présent aux repas témoigne, ‘’Nathalie ne chantait pas, elle phi­losophait et résolvait les grands problèmes avec une simplicité et une facilité extraordi­naire, nous l’aimions tous ; elle était déjà la doyenne’’.

Nathalie se sépare de son mari qui ne supporte plus la vie militante de sa femme. Elle quitte le domicile conjugal avec ses enfants.

Durant la Commune elle crée, avec Elisabeth Dmitrieff (1851-?) l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés, pre­mière des organisations féministes en France comportant un très grand nombre d’ouvrières. Elle sera à l’origine de textes prémonitoires qui feront avancer la condition féminine.

C’est ainsi qu’elles obtiendront le versement de la pension de veuve qu’elles soient mariées ou non. Nathalie Le Mel fait partie de la Commission du travail dirigée par Léo Frankel (1844-1896). Le 16 avril, celui-ci propose la réquisition des ateliers abandonnés par les patrons, l’Union des femmes en demande la ges­tion.

L’Union des femmes appelle, le 17 mai, les ouvrières à une réunion afin de nommer ‘’des déléguées de chaque corporation pour consti­tuer des chambres syndicales qui, à leur tour, enverront chacune deux déléguées pour la for­mation de la chambre fédérale des travail­leuses’’. Le nom de Nathalie Le Mel figure sur ce texte. Le 21 mai, les troupes versaillaises ren­trent dans Paris. Le massacre commence. C’est le premier jour de la Semaine sanglante.

Elle appelle les femmes à barrer la route aux ver­saillais. 52 femmes seront fusillées sur une barri­cade rue du Château-d’Eau. Place Blanche, c’est Nathalie avec une centaine de femmes qui tient une barricade pour bloquer les troupes de Thiers qui veu­lent reprendre la butte Montmartre.

Elle est arrêtée le 21 juin 1871. Le 4e conseil de guerre siégeant à Versailles la condamne le 10 septembre 1872 à la déportation en enceinte fortifiée en Nouvelle-Calédonie. Dans l’attente de son départ, elle est emprisonnée à Auberive dans la Haute-Marne jusqu’au 5 août 1873. Elle embarque le 9 août 1873 depuis Saint-Martin-de-Ré sur le bateau, la Virginie, avec d’autres femmes condamnées à la déportation dont Louise Michel (1830-1905).

Le voyage dure pratiquement 4 mois en pas­sant par le cap de Bonne Espérance. Elle débarque sur la presqu’île Ducos le 8 décembre 1873. Nathalie y restera du 8 décembre 1873 au 20 juin 1879.

Nous n’en saurons guère plus sur sa vie en Nouvelle-Calédonie, hormis les témoignages de ses compagnons d’infortune ; son dossier ainsi que sa fiche matricule du bagne n’ont pas été conservés.

Par décret du 15 janvier 1879, le président de la République a fait remise de leur peine à 2 245 communards et communardes. Nathalie Le Mel en fait partie mais elle ne sera rapatriée que le 20 juin 1879 sur le navire la Picardie. Ce bateau a comme destination Port-Vendres dans les Pyrénées orientales. Nathalie et ses com­pagnes et compagnons de voyage arrivent à Port-Vendres le 7 septembre 1879.

Quelques semaines après son retour, elle pré­side, le 8 novembre 1879, le banquet de recons­titution de la chambre syndicale ouvrière de la reliure, disparue après la Commune.

Elle vivra alors dans une très grande précarité dans le quartier des Gobelins avec sa petite fille. Celle-ci décède et Nathalie devenue aveugle entre à l’hospice d’Ivry en 1915. Elle décède le 8 mai 1921. Le journal L’Humanité du 12 mai 1921 publie la rubrique nécrologique de Nathalie signée Hélène Brion, je vous cite un passage :

’D’une merveilleuse lucidité, elle stupéfait par son bon sens et sa conversation enjouée aussi bien que par son sens politique, tous ceux qui avaient l’honneur de l’approcher. Paix aux cendres de la très vieille militante et puisse un peu de gloire dont sont couverts Vaillant, Varlin, Louise Michel et autres com­munards venir enfin autour de cette vaillante et probe travailleuse qui voulut toute sa vie faire gloire de son métier manuel et n’accepta jamais autre chose’’.

En mars 2013, notre amie Michèle Fourmaux avec l’aide du conservateur a retrouvé trace de sa sépulture dans ce cimetière. Nous les en remercions.

Avec cette plaque commémorative dans ce cimetière, vous mettez en pratique ce texte et vous contribuez à sortir Nathalie Le Mel de l’ano­nymat. Je vous en remercie. »

Vive la Commune !

SYLVIE PEPINO

La vie de Nathalie Le Mel est retracée dans le livre d’Eugène Kerbaul, Nathalie Le Mel en vente à l’association.

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