La troupe belge Thalie envolée, dix ans de pratiques, place la poésie au centre de son activité théâtrale : faire vivre la poésie est son combat. En mai 2022, puis en janvier 2023, elle a donné une représentation de son spectacle « Rimbaud Verlaine vieolences », qui sera également donné dans le off d’Avignon en juillet prochain.

Les spectateurs pénètrent dans une salle de club-poésie où l’on boit, reconstituée comme dans les années 1870 à Paris. Une grande table centrale, décor symbolique primal, va accueillir quelques spectateurs volontaires mais surtout les quatre artistes du spectacle qui seront Verlaine, Mathilde Mauté, devenue Mme Verlaine, Rimbaud et un acteur qui fera le meneur de jeu et endossera plusieurs rôles. Dans la première partie, nous retrouvons des échanges ping-pong comme au club des « vilains bonshommes », fréquenté par Rimbaud et Verlaine après la période post-communarde de septembre 1871. Nous assistons aussi à une belle scène de tendresse sensuelle au possible entre Mathilde et Paul. Mais les violences sont plurielles, elles vont rompre les charmes poétiques et amoureux, les passions vont déchaîner des tempêtes corporelles. Entre Paul et Mathilde, entre Arthur et Paul, violences fort bien maîtrisées par l’art théâtral de la compagnie, mais l’évocation fait mouche.

Affiche du spectacle « Rimbaud Verlaine vieolences »

Affiche du spectacle « Rimbaud Verlaine vieolences »

Le metteur en scène Antoine Giet nous a confié :

« Plus que certains textes des poètes, la période de la Commune est mal connue en Belgique ».

Nous trouvons donc une séquence où une grande table et des chaises font barricade. Il est fort sympathique de voir choisis le bonnet phrygien et la cocarde tricolore, au lieu des képis des gardes nationaux pour évoquer la Commune. Sympathique aussi d’entendre nos amis belges scander :

« Vive la République ! ».

Ainsi est évoquée la violence féroce de la Semaine sanglante.

Mathilde fait un beau plaidoyer contre la violence faite à toutes les femmes. Nous sommes écoeuré.e.s par le réquisitoire bourgeois, intolérant et vicieux, anti-homosexuel qui suit « l’affaire de Bruxelles » du 10 juillet 1873 (Verlaine tire au pistolet sur Rimbaud).

Ce spectacle conjugue la force des textes de Rimbaud et Verlaine, les moments de vie à deux à partager avec un tiers ou la société, un regard sur les egos (je était le mot le plus employé par Rimbaud). Spectacle à voir en Avignon.

MICHEL PINGLAUT

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