Dernièrement, un de nos fidèles adhérents nous demandait quel était l’auteur du cinquième couplet du « Temps des cerises ». Il avait écarté d’emblée Jean-Baptiste Clément dont il ne retrouvait pas le style ; et il avait raison.

Adolphe Willette - La liberté enchaînée (Le Courrier Français Illustré N° du 17 mai 1891 - source BNF-Gallica)
Adolphe Willette - La liberté enchaînée (Le Courrier Français Illustré N° du 17 mai 1891 - source BNF-Gallica)

L’origine du fameux cinquième couplet remonte au 1er mai 1891. J.-B. Clément, alors délégué du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire dans les Ardennes, est arrêté pour provocation, rébellion et outrage conte la maréchaussée. Il est condamné à deux ans de prison et cinq ans d’interdiction de séjour. Le 21 mai 1891, en appel, la peine est ramenée à deux mois de prison (qu’il ne fera jamais). Pour stigmatiser la juridiction répressive, le dessinateur Adolphe Willette, ami de J.-B. Clément, va représenter la liberté enchaînée, symbolisée par deux farouches gendarmes encadrant une jolie fille sans défense dont ils ont confisqué le panier de cerises. Pour souligner son indignation, l’artiste, qui à l’occasion taquine la muse, a joint quelques vers pour accompagner son dessin :

Quand il reviendra le temps des cerises,

Pandore idiot, magistrats moqueurs

Seront tous en fête !

Gendarmes auront la folie en tête ;

À l’ombre seront poètes chanteurs.

Quand il reviendra le temps des cerises,

Siffleront bien haut les chassepots vengeurs.

Ce dessin d’Adolphe Willette, illustrant le mordant cinquième couplet, a paru dans Le Courrier français du 17 mai 1891 ; il est dédié à J.-B. Clément. Ce même dessin, avec ses vers vengeurs, ornera la première page de couverture du livre de Tristan Rémy, « Le Temps des cerises » (1)

 

MARCEL CERF

 

Notes

(1) Les Éditeurs français réunis, 1968.

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