ZOLA L’IMPOSTEUR

Moens Julie, Zola l’imposteur, les Editions Aden, 165 rue de Mérôde – B-1060 Bruxelles – 17.

Approfondissant le travail amorcé par Paul Lidsky (1) et Nicole Priollaud (2) , Julie Moens avec Zola l’imposteur, vient de lancer une bombe dans le cénacle des fanatiques inconditionnels de Zola.

L’étude exhaustive des écrits journalistiques de l’auteur des Rougon-Macquart, pendant «la Commune», par cette jeune philologue belge, démolit le mythe de «Zola défenseur de la classe ouvrière»

Conciliateur durant son passage au journal «La Cloche», il devient partisan d’une répression sévère à partir de sa collaboration au «Sémaphore de Marseille». Le réformiste, qui a rêvé d’une alliance entre le capital et le travail, cède la place au petit bourgeois qui refuse absolument que le prolétariat prenne l’initiative de sa libération. Il brosse un tableau horrifique de Paris sous la Commune afin que la province soit dissuadée de témoigner sa solidarité et son soutien à la capitale.

Vingt ans plus tard, l’orientation politique de Zola n’a pas changé : même analyse superficielle et mensongère des événements, même incompréhension totale des mesures sociales et politiques prises sous la Commune.

Henri Guillemin, grand admirateur de Zola, mais historien scrupuleux et sans œillères, écrit dans la préface à La Débâcle  (3) : « Ce qui fait mal, plus que tout, dans La Débâcle, ce qui n’est pas digne de Zola, c’est le jugement qu’il porte sur Paris et l’image abjecte qu’il nous donne des origines de la Commune ». (l’oisiveté et l’alcool sont les deux raisons d’adhérer à la Commune)

Guillemin prononce une condamnation analogue dans sa notice de l’Encyclopédie Universalis (4) : « dans La Débâcle, Zola avait avancé de tristes propos, mais utiles à sa carrière, sur la Semaine Sanglante où, à l’en croire, les égorgeurs versaillais avaient incarné « la partie saine de la France coupant la partie gangrenée ».

Mais Guillemin sera amené à édulcorer ses accusations ; à la suite du J’accuse, le poignant appel de Zola à la Justice, il conclut : « Zola est debout, à présent, républicain socialiste avoué ».

En revanche, Julie Moens est beaucoup plus rigoureuse dans sa critique. Elle démonte les subterfuges de ceux qui veulent faire de Zola « un socialiste malgré lui ».

Certes, il a fallu à Zola un grand courage pour se dresser contre l’armée toute puissante. Pour cette belle preuve de civisme dans l’affaire Dreyfus, il mérite le respect.

Mais une telle action héroïque, peut-elle justifier qu’on décerne à l’écrivain le titre de « socialiste » ? On connaît le peu de crédit qu’il accordait à ce terme si l’on en juge par ses portraits repoussants de militants socialistes (Canon dans La Terre et Chouteau dans Germinal). La fréquentation épisodique de Jules Guesde n’a guère atténué ses répugnances.

Zola déplore les conditions misérables dans lesquelles vivait la classe ouvrière sous le Second Empire, mais il dénie à cette classe et à ses dirigeants les capacités nécessaires pour transformer la société.

La sérieuse analyse des romans ouvriers par Julie Moens annonce l’entrée du prolétariat dans la littérature mais ne dissimule pas l’idéologie anticommunarde qui sous-tend ces deux romans. Ce remarquable essai constitue une précieuse mise au point pour une lecture réfléchie de Zola.

Marcel Cerf

Moens Julie, Zola l’imposteur, les Editions Aden, 165 rue de Mérôde – B-1060 Bruxelles – 17.

Notes

(1) Lidsky Paul, «Les écrivains contre la Commune», Maspero, 1970.

(2) Priollaud Nicole, «Les reporters de l’histoire», Liann Lévi et Sylvie Messinger, 1983.

(3) Guillemin Henri, Préface de «La Débâcle», Œuvres complètes de Zola, Cercle de Bibliophilie.

(4) Guillemin Henri, «Zola», Encyclopédie Universalis, vol.16, p. 1067.

 

KABYLES DU PACIFIQUE

Mehdi Lallaoui, Kabyles du Pacifique, collection Au nom de la mémoire

A l’époque du drame subi par nos Communards de France, s’en est déroulé un autre tout aussi terrible mais pratiquement inconnu.
Une petite centaine d’insurgés algériens se soulèvent en 1871 contre l’oppression militaire française. Ceux-ci furent déportés en même temps que les Français de métropole via la France vers la Nouvelle-Calédonie.

Ce livre, grâce à toute une série de documents (lettres, photographies splendides et rares, comptes-rendus d’assises) lève enfin (avec objectivité) le voile de l’infamie trop longtemps cachée. On pénètre presque dans la vie de ces résistants tant la documentation est complète.
Les textes sont clairs nets et précis.

Mehdi Lallaoui, grâce à la collection : «Au nom de la mémoire» (BP 82 95873, Bezons Cedex) offre à nos bibliothèques un document d’intérêt historique majeur (tant le sujet est magistralement traité)

Dominique Monjoie

Mehdi Lallaoui, Kabyles du Pacifique, collection Au nom de la mémoire (BP 82 95873, Bezons Cedex).

 

LA DÉTENUE DE VERSAILLES (1871)

Madame Hardoin, La détenue de Versailles (1871), Les Amis de la Commune de Paris 1871.

Les « Amis de la Commune de Paris » ont décidé de publier un petit ouvrage qui va révéler les conditions de détention, jusque-là inconnues, des Communardes dans les prisons versaillaises.

Conservé à la Bibliothèque nationale, ce petit document écrit par Madame Hardoin, institutrice à Paris dans le XVIIIe arrondissement, a été retrouvé par Catherine Thomas, sa descendante.

Comment une brochure d’une telle richesse a-t-elle pu demeurer totalement enfouie depuis tant d’années ? Ce, alors que nous ne possédions aucun récit aussi détaillé, vivant et savoureux de la détention des Communardes à Versailles.

Nous ne savons pas grand chose de la vie de l’auteur de l’ouvrage qui joue un rôle effacé durant la Commune. Elle livre ici, avec un recul de huit ans, un long et remarquable reportage vécu sur la détention de quatre cents femmes, dans un style pimpant, plein d’humour, fort moderne, avec notamment d’excellents portraits de policiers, geôliers, magistrats, religieuses… Elle nous fait vivre les événements tragiques de la prison mais aussi avec beaucoup de sensibilité les amitiés qui se nouent entre les prisonnières, la solidarité qui permet de résister à des conditions de détention parfois insupportables.

En prison elle rencontre Louise Michel. Elles deviennent amies. Une amitié qui ne résistera pas à la trop grande sollicitude de Madame Hardoin pour la «grande citoyenne». Celle- ci ne supporte de personne les interventions, faites en sa faveur, pour obtenir une libération qu’elle refuse pour elle seule. Le lecteur trouvera, en annexe du livre, la lettre de protestation de Louise Michel à Madame Hardoin.

Ce petit livre tonique est fort utile pour apporter un témoignage rare et très précieux qui enrichit nos connaissances sur ce qui se passait derrière les murs des prisons versaillaises. Ainsi peu à peu s’éclaire l’arbitraire d’un système de répression féroce qui n’avait de «justice » que le nom.

Voilà un cadeau tout trouvé pour la journée internationale des femmes.

Claudine Rey

Madame Hardoin, La détenue de Versailles (1871), Les Amis de la Commune de Paris 1871.

 

LES AMANTS DE LA COMMUNE

Marc Viellard, Les Amants de la Commune, Éd. Le Temps des Cerises

D’emblée, les premières lignes du prologue nous propulsent au milieu des tombes du Père Lachaise, ce 27 mai 1871. La nuit. La pluie. La haine. Les massacres.

Jean, un garçon blond aux longs cheveux, étudiant en droit, est un jeune militant fougueux, ardent Républicain. Il nous fait rentrer dans l’Histoire en Janvier 1870. Le régime vacille. Les discussions vont bon train dans les bistrots de son quartier du XIIIe arrondissement.

Avec Jean, nous suivons les combats des hommes politiques dont les noms nous sont familiers. C’est le Paris populaire, sa gouaille et ses colères, ses manifestations. Sans transition, nous entrons dans le bel appartement du Boulevard Saint Germain pour faire la connaissance de Marthe.

Depuis le balcon, elle avait observé les petits groupes qui retournaient chez eux en évitant les barrages de police. Elle avait même osé saluer en agitant sa main blanche aux ongles soignés le garçon qui avait levé les yeux sur elle… Marthe, une jeune fille brune aux cheveux bouclés remontés en chignon, est une demoiselle de bonne famille qui ne doit pas se donner en spectacle devant les traîne-la-faim.

Mais, voilà. Les hasards de la vie font se rencontrer Jean et Marthe. Le lecteur est de suite au fait de la situation. C'est l'amour qui réunit ces deux êtres rebelles. Ils nous entraînent dans un Paris en lutte pour un monde de justice, de fraternité, participant aux combats de Louise Michel, Vallès, Flourens, Varlin, toutes les grandes figures de la Commune de Paris, partageant tour à tour l’enthousiasme et l’espoir, mais aussi les souffrances de la défaite, le désespoir face aux massacres méthodiquement organisés par Thiers.

Le roman s’interrompt à quatre reprises pour laisser place aux périodes historiques par l’envoi de très belles lettres de Marthe à Sophie.
Marthe, déportée en Nouvelle-Calédonie, est de retour à Paris en 1880. Elle adresse une lettre à Maxime Du Camp, dont voici la dernière phrase :

«… Monsieur Du Camp, nous serons là, nous les fantômes des Fédérés avec nos descendants, pour vous enfoncer dès que vous perdrez pied et vous faire mordre la poussière. Vive la Commune ! »

Cette dernière lettre est l’épilogue du roman.

Jacqueline Hog

Marc Viellard, Les Amants de la Commune, Éd. Le Temps des Cerises, 291 p., 20 euros

 

MARX RACONTÉ À MON FILS

Marie-Hélène Boutet de Monvel, Marx raconté à mon fils, Éd. Au bord de l’eau, 1 vol

Difficile de parler de Marx et de sa place dans le mouvement des idées sans tomber dans le schématisme, qu’il soit hagiographique ou dénonciateur. Encore plus lorsqu’on veut s’adresser à des jeunes ou à des lecteurs non familiers de l’histoire du mouvement ouvrier du XIXe et du XXe siècle.

Il me semble qu’on peut féliciter l’auteur, professeur de philosophie, familière de la traduction des textes de Marx et d’Engels et en particulier de la correspondance volumineuse de Marx, pour cette centaine de pages.

Un bon exemple de son travail est donné par les quelques pages du chapitre Marx et la Commune, l’essentiel est dit et les diverses caricatures remises à plat.

Il est bien clair que l’auteur ne partage pas certaines interprétations «marxistes» de l’œuvre de Marx, mais elle en marque avec force les lignes directrices, la volonté de rendre compte de la réalité de son temps en l’envisageant dans son devenir. C’est d’un « être humain vivant » dont elle nous parle, avec ses ombres et lumières, mais avec une évidente sympathie. Ça nous change un peu des caricatures ou des règlements de comptes.

Raoul Dubois

Marie-Hélène Boutet de Monvel, Marx raconté à mon fils, Éd. Au bord de l’eau, 1 vol, 12 euros.

 

UN BANQUET DE LA COMMUNE AU DÉBUT DU SIÈCLE DERNIER

Lucien Descaves, Philémon, vieux de la vieille.

Dans son livre Philémon, vieux de la vieille, l’écrivain Lucien Descaves a relaté le déroulement d’un banquet de la « Fraternelle des Anciens Combattants de la Commune » au début du XXe siècle. Le narrateur assistait à ce repas en compagnie de Colomès, le personnage dont le roman relate la fin de vie.

À son arrivée, il notait la présence, sous le drapeau rouge orné du millésime « 1871 », de plusieurs anciens de la Commune : Allemane, Navarre, Martelet, May, Gromier, Goullé, Tupin, Audebert, Woog, Larapibie ; d’autres anciens s’étaient fait excuser : Vaillant, Camélinat, Pyndy, Ostyn.
Participaient aussi à ce repas, des « Amis de la Commune », trop jeunes pour avoir participé à la Révolution de 1871, mais qui pouvaient cependant adhérer à l’association.

Hyppolite Ferré, le frère de Théophile fusillé à Satory, trésorier de l’Association, recevait le pris du repas.

À la fin du banquet, venait le moment des poèmes et chansons. Après que le Dr Goupil, eût déclamé les Châtiments de Victor Hugo, un vieux lithographe, le père Poutrel, chantait un refrain de sa jeunesse :

« Assez de pleurs, assez de rois !
Vive la République ! »

Ce fut ensuite au tour de Colomès, d’entonner le Chant du pain de Pierre Dupont :

« On n’arrête pas le murmure
Du peuple quand il dit : j’ai faim
Car c’est le cri de la nature :
Il faut du pain ! il faut du pain ! »

Ce fut un triomphe. Puis un jeune syndicaliste révolutionnaire chanta le Chant du travailleur :

« Ouvrier, prends la machine
Prends la terre, paysan ! »

Ils terminèrent par La Belle… qui était comme un appel à une nouvelle Commune :

« Ah quand viendra la Belle ?
Voici des mille et des cents ans
Que Jean Guêtré t’appelle ».

Enfin tous ensemble lançaient le cri de : Vive la Commune, prélude à la séparation. Il s’agissait de ne pas manquer le dernier tramway car de nombreux convives habitaient la banlieue où les loyers étaient moins chers.

Le récit de Lucien Descaves montre combien nos banquets actuels avec les chants que nous entonnons en chœur et l’émotion qui s’en dégage rappellent les repas au cours desquels, les «Anciens Combattants de la Commune» aimaient à se retrouver.

Yves Lenoir

Lucien Descaves, Philémon, vieux de la vieille.

Le prochain banquet des « Amis de la Commune de Paris », héritier de ceux des « Anciens combattants de la Commune », aura lieu le dimanche 20 Mars 2005, au siège de la CGT à Montreuil. Prix du repas : 30 Euros ; demi-tarif pour les enfants de moins de 12 ans. Inscriptions au siège de l’Association avant le 28 février.

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