CLAUDINE REY
NATHALIE LE MEL,
RELIEUSE ET COMMUNARDE

CLAUDINE REY NATHALIE LE MEL, RELIEUSE ET COMMUNARDE
Préfacé par Roger Martelli, historien, ce petit opus illustré de Claudine Rey est issu d’une conférence-débat à l’Institut CGT d’histoire sociale du Livre parisien.

Il revient sur le long parcours de vie révolutionnaire de Nathalie Le Mel (1827-1921) et succède aux conférences déjà éditées sur Jean Allemane et Eugène Varlin.

D’origine bretonne, elle monte à Paris où elle devient relieuse. Adhérente de l’AIT, elle dirige avec Varlin un mouvement de grève, avant de fonder ensemble une coopérative alimentaire «  La Marmite  ». Le succès aidant, plusieurs succursales seront ouvertes. Pendant la Commune, elle est à l’origine de l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés et elle se bat sur les barricades. Jugée par les versaillais, elle est déportée avec Louise Michel en Nouvelle-Calédonie. De retour en France, elle poursuivra son combat féministe. À propos de la controverse sur le travail de nuit des femmes (p. 26), précisons que le contradicteur Gustave Rouanet est une figure du socialisme français. Disciple de Benoît Malon, il sera par la suite un député de Paris proche de Jaurès.

Claudine Rey reconnaît que des zones d’ombres sur sa vie existent encore. Cependant, elle réussit à réhabiliter cette femme au parcours admirable, encore trop souvent méconnue.

Cette brève et instructive biographie est suivie par un débat entre plusieurs acteurs du mouvement ouvrier actuel. Parmi les thèmes abordés, les intervenants s’interrogent d’abord sur l’héritage du mouvement communaliste dans le mouvement syndical qui se développe à partir des années 1880. L’autre sujet traité est le rôle des femmes durant la Commune, qui est réévalué depuis plusieurs années maintenant. Le débat revient aussi sur l’inévitable question de la réhabilitation des communards qui est toujours aujourd’hui une revendication majeure.

Eric Lebouteiller

Conférence-débat, Institut CGT d’histoire sociale du Livre parisien, 2014.



JEAN-BAPTISTE DUMAY
SOUVENIRS D’UN MILITANT OUVRIER

JEAN-BAPTISTE DUMAY SOUVENIRS D’UN MILITANT OUVRIERJean-Baptiste Dumay, ouvrier tourneur (1841-1926), a rédigé ses souvenirs sur des cahiers d’écolier à partir de 1902. Ces écrits portent témoignage de la vie politique et syndicale des ouvriers pendant le dernier tiers du XIXe siècle.

Né au Creusot, en Saône-et-Loire, Jean-Baptiste Dumay est le fils posthume d’un mineur de charbon tué lors d’un coup de grisou. A treize ans, il entre aux usines Schneider comme apprenti mécanicien tourneur.

En 1868, il anime un groupe de jeunes ouvriers et de petits commerçants intitulé «  Cercle d’études sociales » qui fait une active campagne républicaine contre le Second Empire de Napoléon III. En 1869 et 1870, il participe à l’organisation des grèves des sidérurgistes et mineurs du Creusot et fonde une section de l’Internationale. Il est licencié par Eugène Schneider, propriétaire des usines, maire du Creusot et président du Corps législatif. Après la déclaration de la guerre à la Prusse, la section du Creusot de l’Internationale appelle à une manifestation pour la paix qui rassemble 4 000 personnes. Le 4 septembre 1870, la République est proclamée et Schneider s’exile en Angleterre. Les Prussiens approchant du Creusot, un Comité de défense nationale se met en place, présidé par Dumay qui, le 24 septembre, est nommé maire provisoire du Creusot. Il se consacre à la défense de la ville contre les Prussiens et de la République contre les agissements réactionnaires.

Après le 18 mars 1871, Dumay et les républicains creusotins apportent leur soutien à la Commune de Paris. Le 26 mars, ils proclament la Commune du Creusot. Mais, dès le lendemain, des troupes envoyées par le gouvernement versaillais quadrillent la ville. Dumay doit se cacher pour échapper à l’arrestation. Le 29 juin, il est condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité. Il se réfugie en Suisse jusqu’à l’amnistie de 1879.

Il rentre alors en France où il milite au sein de la Fédération des travailleurs socialistes, puis du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire. Il est élu conseiller municipal de Belleville en 1887 et député du XXe arrondissement de Paris en 1889. De 1896 à 1905, il est régisseur de la Bourse du Travail de Paris.

Durant toute sa vie militante, Jean-Baptiste Dumay s’est défini comme républicain anticapitaliste, anticlérical et antimilitariste. Il est toujours resté fidèle à ces principes. Ses souvenirs sont un document historique de grande valeur sur les conditions de vie des ouvriers à fin du Second Empire et au début de la IIIe République.

Yves Lenoir

Les Souvenirs d’un militant ouvrier de Jean-Baptiste Dumay, parus en 1976 (Editions Cénomane), ont été récemment mis à jour et réédités par l’Ecomusée du Creusot-Montceau. Ils sont en vente au prix de 30 € à l’Ecomusée, Château de la Verrerie, 71206 Le Creusot. Une riche documentation sur la vie de Jean-Baptiste Dumay peut être consultée sur place.


FRANÇOIS CHEVALDONNÉ

ROSA, LA ROUGE DU MIDI

FRANÇOIS CHEVALDONNÉ ROSA, LA ROUGE DU MIDI« C’est la canaille, eh bien j’en suis !  » Le refrain de la célèbre chanson, repris tout au long de sa vie par Rosa Bordas (1840-1901) a fait sa célébrité autant que son malheur. Le livre de François Chevaldonné en retrace les épisodes avec une précision universitaire et chaleureuse.

Née Marie-Rosalie Martin à Monteux, un village du Ventoux près d’Avignon, elle chante, encore enfant, lors des fêtes votives dans «  Le café des Rouges  » familial, La Marseillaise aussi bien que les cantiques. Elle est remarquée par Frédéric Mistral et se marie avec Eugène Bordas, un musicien ambulant qui l’accompagne à la guitare à travers toutes les grandes villes du midi jusqu’à Bordeaux. Elle chante les chansons jusque là interdites dont La Canaille écrite en 1865 et reprise en chœur aux funérailles de Victor Noir par 10 000 personnes. Elle a une voix puissante et chaude, et surtout, elle se met en scène, n’hésitant pas à se costumer ou à prendre la pose avec le drapeau tricolore comme une Marianne. Elle déchaîne l’enthousiasme et le jeune couple se fait engager à Paris en janvier 1870, au Grand concert parisien (GCP), puis très vite, celle que l’on n’appellera plus que « La Bordas » se produit dans les plus grandes salles parisiennes.

Jacques Tardi, dans sa bande dessinée de 2001, Le Cri du peuple, la met en scène, montrant ses seins nus aux soldats, le 18 mars 1871, et chantant La Canaille. Avec la Commune et le printemps, la censure étant abolie, tout le monde chante. Les théâtres ne sont plus exploités par un directeur ou une société, mais par la Fédération artistique présidée par Paul Burani, l’auteur du Sire de Fisch-Ton-Kan. Fin avril, la Commune ouvre les portes du palais des Tuileries et décide d’y organiser des concerts au profit des blessés et des orphelins. Les 4,11 et 18 mai, Burani accueille Agar et Rosa avec une délégation des membres de la Commune et l’état-major des Fédérés encadrés par une double haie de gardes nationaux présentant les armes. A la fin du répertoire de Rosa, la salle reprend en chœur le refrain de La Canaille cependant qu’un garde fédéré lui apporte un drapeau dont elle s’enveloppe lentement. Le 21 mai, il faut faire un concert supplémentaire, cette fois-ci dans les jardins, tandis que commence l’avancée des versaillais dans les beaux quartiers.

Après la répression, Rosa Bordas, héroïque, ose revenir chanter à Paris et se produit le 9 juillet avec un répertoire patriotique amputé des chansons révolutionnaires, cependant que siègent les conseils de guerre ! Mais en septembre, c’est fini et elle disparaît pour trois ans. Elle crée des chansons qu’elle offrira au public quand une majorité républicaine sera élue à la chambre des députés et La Marseillaise adoptée. En 1882, elle quitte étrangement Paris pour Alger où elle se fait construire une petite maison qu’elle occupera une quinzaine d’années dans le quartier de Saint-Eugène. Pourquoi Alger ? Peut-être parce qu’Agar, dont la carrière a aussi été brisée, s’y trouve depuis deux ans mariée à un notable. Elle y donnera un concert avant de revenir mourir dans son village natal auprès des « rouges » de sa famille.

EUGÉNIE DUBREUIL

L’Harmattan, 2012.

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