LES ANNÉES CRISTAL

LES ANNÉES CRISTAL

Ce livre relate l’ascension d’une famille d’industriels, de la fin du règne de Louis-Philippe à la fin de la Commune de 1871.

On y suit l’essor d’une cristallerie de Clichy, grâce à la découverte d’un cristal exceptionnel, et à la volonté du fondateur, Joseph Maës, personnage sympathique et paternaliste, avec, en toile de fond, les révolutions sociales de 1848 et 1871.

Toutefois, ces années de révoltes sont racontées en quelques pages succinctes et sans grande surprise. L’essentiel réside surtout dans l’histoire de la cristallerie, avec ses difficultés et ses succès. Les amateurs de littérature romanesque peuvent y trouver leur compte.

ANNETTE HUET

Stéphane Nolhart, Les Années Cristal, Tome 1 : Le fondateur, French Pulp éditions, 2018.

 

 

BANDES DESSINÉES LE SANG DES CERISES

Le sang des cerises

Paris, 16 février 1885. On enterre Jules Vallès, tout juste cinq ans après l’amnistie des communards et le retour des exilés. Au milieu de la foule immense qui le glorifie, une femme, qui se fait appeler Clara, croise de nombreux personnages historiques, Eugène Pottier, Jean Baptiste Clément, Félix Pyat, Edouard Vaillant… Et quand elle voit une jeune fille, fraîchement débarquée de sa Bretagne natale à la recherche de travail et ne parlant pas français, se faire maltraiter, Clara réagit…

Ce sera leur première rencontre, le début d’une amitié qui les emmènera à Montmartre au milieu des artistes, des soirées du Lapin Agile, et des chansons populaires ou révolutionnaires.

Klervi, la jeune Bretonne apprendra à parler français mais n’oubliera pas son breton. Clara lui apprendra aussi l’argot, mais heureusement un lexique en fin de livre nous permet de suivre chacune dans sa langue…

Pour les lecteurs assidus des Passagers du Vent de Bourgeon, Clara n’est autre que Zabo, la petite-fille d’Isa, que nous avions quittée vingt ans plus tôt en Louisiane, et que l’on retrouve sous un pseudonyme. Et qui a beaucoup de choses à raconter…

Cette fois Bourgeon dessine Paris, ses rues, ses ambiances, de Montmartre au Père-Lachaise en passant par le dessous des Buttes-Chaumont, toujours avec ce souci documentaire qui le caractérise, et toujours pour notre plaisir des yeux : chaque vignette méritant de s’y arrêter longtemps.

« Je vais te raconter tout… » est la dernière parole de Clara/Zabo à Klervi à la fin de l’album. On attend avec impatience son récit de la Commune, dans le prochain volume.

CATHERINE PETIT

François Bourgeon, Les Passagers du vent. Tome 8, Le sang des cerises, 1. Rue de l’abreuvoir. Paris, Delcourt, 2018.

 

 

LES VIEUX DE LA VIEILLE : UN LIVRE MÉMOIRE

LES VIEUX DE LA VIEILLE : UN LIVRE MÉMOIRE

Qui sont-ils, ces femmes et ces hommes qui reviennent à Paris après l’amnistie de 1880 ? Des inconnus, des taiseux, des témoins, des fidèles, des communards ! On connaît les célébrités, mais les autres ? Ceux qui sont partis en Suisse, en Belgique, à Londres pour parfois y mourir de misère ? Lucien Descaves leur donne la parole dans son livre Philémon, Vieux de la Vieille, paru en 1913, à travers les souvenirs d’un couple réfugié en Suisse, puis vivant discrètement dans le XIIIe arrondissement. Certes, il s’agit d’un roman, mais les sources sont de première main. Descaves se présente comme un communard au deuxième degré, avec comme initiateur Gustave Lefrançais.

L’intérêt de l’ouvrage réside dans ces témoignages sur la vie des exilés, des proscrits, les différences, les polémiques qui se créent entre les « grandes bottes » et ceux des petits boulots, même entre communards. Tous attendent l’amnistie, neuf longues années loin de la France, de Paris, de leurs amis. Voyant que l’attente se prolonge, les femmes et les enfants rejoignent les hommes partis après la Semaine sanglante. Chacun travaille comme il peut : la couture, la vente des journaux, l’enseignement comme Victoire Tinayre, la cuisine comme André Léo, les artisans vendent leur savoir-faire. Apparaissent aussi ceux des différentes communes, de Marseille, de Saint-Etienne, de Lyon. Une forme de solidarité s’exprime via des « marmites » sociales, en souvenir de celle de Varlin et Nathalie Le Mel.

De retour à Paris, chaque 18 mars est le théâtre de confrontations entre les différentes sensibilités de la Commune, que Lucien Descaves fait revivre lors des repas d’anciens et des promenades sur les lieux de 1871.

Toutefois le retour en France est complexe, la société a évolué, les militants aussi, de même que les problématiques, et les exilés se retrouvent en décalage pour certains, malgré leur héritage. D’aucuns ne reviendront pas et se fixeront dans leur nouvelle vie malgré quelques regrets au fond des cœurs. N’oublions pas que l’amnistie fut vécue comme une humiliation par ceux qui ont sacrifié une partie de leur vie à un idéal, la Commune de Paris.

Le texte prend un charme certain lors des échanges pleins de complicité et de délicatesse d’un

vieux couple, Phonsine et Etienne, qui a tant vécu l’Histoire. Lorsque l’une s’en va, l’autre va suivre après un dernier repas commémoratif organisé par la Société fraternelle des anciens combattants de la Commune, ancêtre de notre association.

FRANCIS PIAN

Lucien Descaves, Philémon, Vieux de la Vieille, (1913), préface de Michèle Audin, Éditions Le bas du pavé, 2018.

 

 

« POUR QU’ON SACHE »

« POUR QU’ON SACHE »

À qui veut découvrir l’histoire de la Commune de Paris de 1871, l’ouvrage (éd. 1896) de P.-O. Lissagaray est une référence et l’auteur se révèle un témoin-clé.

Mais qui est-il ? Grâce à la préface de Jacques Rougerie, spécialiste de la Commune, nous savons qu’il est un journaliste originaire du Sud-ouest (Gers), rejoignant la Commune dès le premier jour, combattant dans la Garde nationale et peut-être dernier défenseur de la barricade de la rue Ramponneau, réussissant à échapper à la mort, pour se consacrer à la rédaction de cet ouvrage « {pour qu’on sache} ». La première édition est publiée à l’étranger en 1876. De retour en 1880, il réalise un travail minutieux d’étude d’archives et produit un des plus complets travaux d’histoire immédiate. Une histoire politique et événementielle, une histoire militaire. Le lecteur peut suivre les combats dans les rues de Paris, à chaque carrefour, à chaque barricade.

Par ailleurs, l’analyse sociale est très intéressante. Son approche du peuple, le prolétariat, les nuances au sein de la bourgeoisie, la classe moyenne, la haute bourgeoisie, sans oublier celle de province, met en relief la complexité de l’événement historique.

Pour lui, la cassure entre les ouvriers et la bourgeoisie provient des journées de juin 1848, lorsque cette même bourgeoisie fait tirer sur le peuple de Paris. Il est un des premiers à souligner la difficulté de la Commune à établir les contacts avec les Communes de province. Il en comprend l’impérieuse nécessité, lui qui est un provincial. Au fil des pages et des éditions, Lissagaray s’interroge sur le sens politique et organisationnel donné à la Commune de Paris. Il fait un écho contrasté aux propos de Gustave Lefrançais et d’Arthur Arnould qui misent sur une construction fédérative.

Comme nombre de fédérés de retour en France, il reprend le combat en se rapprochant des républicains, car, pour lui, la forme républicaine est essentielle à tout progrès. Jacques Rougerie souligne que la Commune est sociale et républicaine, héritière de 1789 et inspiratrice du cycle révolutionnaire qui suit.

FRANCIS PIAN

Prosper-Olivier Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871. Préface de Jacques Rougerie. Éd. du Détour, 2018.

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