Il s’agit d’un des épisodes les plus dramatiques de l’histoire de la Commune qui annonce les massacres de la Semaine sanglante. Après la reprise de Bagneux par les Versaillais en avril 1871, la Grange-Ory, située sur le territoire de ce village, faisait figure de bastion fortifié avancé du fort de Montrouge, tenu par les Communards. Il était occupé par les hommes du 160e bataillon de la Garde nationale (c’était le bataillon de Verlaine), venus souvent du quartier latin et de Montmartre et plutôt indisciplinés…
Dans la nuit du 18 au 19 mai, la Grange-Ory fut reprise par les Versaillais dans des conditions particulières. Le mot de passe fut livré aux Versaillais ce qui permit à leurs troupes commandées par le colonel (et futur général bien connu) Boulanger de surprendre les Gardes nationaux.
Voici la version de l’agence Havas, Versailles, 19 mai 1871 :
« Dans la nuit de jeudi à vendredi, nos troupes ont surpris les Fédérés entre Arcueil-Cachan et Montrouge. Deux bataillons ont enlevé à la baïonnette la Grange Ory et la maison Plichon, situées près du cfort de Montrouge. Les Fédérés endormis ont été massacrés à la baïonnette et sabrés par la cavalerie dans leur fuite désordonnée sur Paris. Les pertes des insurgés s’élèvent à 500 hommes tués ou blessés ; un colonel est parmi les morts. »
Une autre version est donnée dans les souvenirs de Jean Allemane (un des futurs fondateurs du Parti socialiste français) repris par Maurice Choury (La Commune au quartier latin, 1961) :
« Jean Allemane, en tournée d’inspection des positions tenues par les unités du cinquième dans le secteur de la Grange-Ory est témoin du laisser-aller des officiers, de l’indiscipline et du relâchement de la vigilance de la troupe, qui trouvent presque sous ses yeux, leur sanction dans un guet-apens versaillais. Les défenseurs ouvrent naïvement les bras aux lignards du colonel Boulanger qui s’avançaient vers eux aux cris de « Vive la Commune ! » et posent immédiatement leurs fusils pour les aider à descendre dans la tranchée ; ils sont immédiatement massacrés et sauvagement décapités. »
Les Communards purent ramener une dizaine de corps de leurs camarades décapités à Paris, ce qui fit une impression terrible. Peut-être était-ce le but recherché par les Versaillais ? Le nombre de Communards massacrés reste inconnu. Le nombre de morts avancé dans la dépêche Havas est certainement excessif, compte tenu des effectifs des gardes nationaux, et vise là encore à faire peur.
Quant à Boulanger, il continua son travail en faisant fusiller sommairement 700 Communards, place du Panthéon, quelques jours plus tard.